L’acheteur peut signer manuscritement un marché public
En l’espèce, une société non retenue demandait au juge administratif la suspension de l’exécution et l’annulation d’un accord-cadre passé selon une procédure adaptée ayant pour objet des prestations de fabrication, fourniture et livraison de repas en liaison froide. Le principal moyen portait sur la coexistence de la signature électronique par l’entreprise attributaire alors que l’acheteur avait signé lui manuscritement le contrat. Selon le Conseil d’État, il n’appartient pas au juge des référés, statuant sur le fondement de l’article L. 551-13 du Code de justice administrative, de contrôler la validité de la signature du contrat qui lui est soumis. La société requérante ne pouvait ainsi utilement soutenir devant le juge des référés du tribunal administratif que le contrat litigieux n’avait pas été régulièrement signé. En outre, il ne résulte ni de l’article R. 2182-3 du Code de la commande publique, ni d’aucune autre disposition législative ou réglementaire, en particulier de l’arrêté du 22 mars 2019 relatif à la signature électronique des contrats de la commande publique, qu’un contrat signé électroniquement par l’une des parties ne pourrait pas être signé de façon manuscrite par l’autre partie. Par suite, le juge des référés du tribunal administratif n’a pas commis d’erreur de droit en jugeant, après avoir relevé, par une appréciation souveraine non arguée de dénaturation, que les stipulations du règlement de la consultation imposaient uniquement la signature électronique du contrat par l’attributaire, que le représentant de la commune avait pu régulièrement le signer de manière manuscrite.
L’obligation de dématérialisation cesse au stade de la notification du marché
Cette position du Conseil d’État est conforme à la doctrine du ministère de l’Économie. Dans son guide « très pratique » sur la dématérialisation des marchés pour les acheteurs de mai 2020, Bercy précise que l’obligation de dématérialisation des échanges ne concerne que la procédure de passation. Or la procédure de passation se termine par la notification du contrat. Tant que le contrat n’a pas été notifié, les échanges doivent obligatoirement être dématérialisés. La signature électronique des deux parties permet de maintenir le caractère dématérialisé et original du contrat et évite la rupture de la chaine de dématérialisation que constituerait une signature manuscrite. Même si la solution est peu recommandée, un contrat peut être signé avec un certificat électronique par une partie et de façon manuscrite, par l’autre partie. Cependant, dans une telle situation, seul le contrat signé électroniquement a le statut de document original. L’autre document n’est qu’une copie. Aucune des deux parties ne dispose d’un original signé des deux parties. Une telle pratique est donc à éviter selon la Direction des affaires juridiques. En outre, il est possible d’émettre des exemplaires uniques « papier », même pour les contrats nativement dématérialisés. L’exemplaire unique n’étant lui-même qu’une copie du marché original, avec la mention « exemplaire unique » et la signature de la personne qui l’a délivrée, on peut envisager de scanner une version papier du marché, après avoir appliqué la mention « exemplaire unique » et l’avoir signée de façon manuscrite.
Dominique Niay
Texte de référence : Conseil d’État, 7e – 2e chambres réunies, 2 octobre 2025, n° 501204, Inédit au recueil Lebon
