Adieu Martin ! (1/2)

Publié le 8 avril 2014 à 0h00 - par

C’est la fin des actes détachables des contrats.

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Le département du Tarn-et-Garonne entre au GAJA

Ce n’est pas tous les jours qu’est lu un arrêt du Conseil d’État dont on peut prédire qu’il figurera dans la prochaine édition des Grands arrêts de la jurisprudence administrative. Tel est, à coup sûr, le cas de l’arrêt Tarn-et-Garonne du 4 avril 2014, n° 358994. Bien entendu, la décision a été prise par l’assemblée du contentieux, la formation la plus prestigieuse du Conseil d’État. L’assemblée du contentieux statue sur les affaires les plus importantes, celles à portée « politique », qui engage la juridiction dans une politique jurisprudentielle nouvelle. La section du contentieux, très prestigieuse également, statue plutôt sur les décisions à portée plus technique.

Cette décision était attendue. À vrai dire, les observateurs attentifs pouvaient légitiment s’attendre à ce changement. La manière dont le Conseil d’État a habitué les esprits à la révolution à venir est d’ailleurs significative. Il existe des « commentateurs autorisés » de la jurisprudence, à savoir les membres de la juridiction qui sont membres du centre de recherches et de diffusion juridiques. Ils publient une chronique mensuelle à l’Actualité juridique du droit administratif, depuis 1953. Depuis quelques mois, ils ont multiplié les commentaires annonçant la solution d’aujourd’hui, vraisemblablement pour susciter d’éventuelles réactions des juristes au fait de ces questions. En tout état de cause, ils révèlent la teneur des débats internes au Conseil d’État.

L’arrêt département du Tarn-et-Garonne met fin à l’arrêt Martin

En principe, seules les parties au contrat peuvent exercer un recours contre le contrat. C’est l’effet relatif des contrats. Cette règle a l’inconvénient de priver les administrés de tout recours contre des actes qui peuvent, notamment, engager fortement les finances locales. Pour le pallier, le Conseil d’État, en 1905, a forgé une théorie, dite des « actes détachables ». Si les requérants n’ont toujours pas accès au contentieux contractuel, ils peuvent depuis l’arrêt Martin de 1905, exercer un recours pour excès de pouvoir contre les actes unilatéraux qui sont des préalables nécessaires à la conclusion du contrat. Il en est ainsi par exemple des délibérations des organes délibérants, qui autorisent la signature du contrat, ou encore l’acte de signer lui-même.

C’est cette « détachabilité » que remet en cause l’arrêt du 4 avril 2014. Désormais, les actes unilatéraux qui précèdent la conclusion du contrat ne seront plus détachables que pour le préfet, et seulement jusqu’à la signature du contrat. À cet évènement, le recours du préfet deviendra sans objet. Les tiers au contrat ne pourront plus exercer de recours pour excès de pouvoir, recours dont un des attraits était d’être dépourvu de l’obligation du ministère d’avocat (mais les recours dirigés contre les actes des collectivités territoriales sont également dispensés de cette obligation).

En contrepartie, les parties se voit ouvert un recours contre le contrat lui-même, dont les modalités feront l’objet du prochain article.

Laurent Marcovici


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