En cas de mauvaise qualification, un candidat peut être indemnisé au titre de la perte de chance sérieuse d’obtenir le contrat. Il faut cependant, selon le Conseil d’État, qu’il existe un lien direct de causalité entre la faute résultant de l’irrégularité et les préjudices invoqués par la société évincée à cause de son éviction.
En l’absence d’aléa économique, le contrat relève du régime applicable aux marchés publics
En l’espèce, pour un marché de restauration, la société requérante avait vu son offre classée en deuxième position. Cette société avait obtenu la résiliation du contrat au motif qu’il avait été passé en suivant la procédure applicable aux délégations de service public alors qu’il s’agissait d’un marché public de services. Le juge administratif avait requalifié le contrat litigieux en marché public au motif que la part de risque transférée au délégataire n’impliquait pas une réelle exposition aux aléas du marché, de sorte que le cocontractant ne pouvait être regardé comme supportant un risque lié à l’exploitation du service.
En effet, les stipulations relatives à la rémunération du concessionnaire prévoyaient que le concessionnaire recevait, en plus des recettes perçues sur les usagers, une subvention forfaitaire d’exploitation annuelle versée par la commune, ainsi qu’un complément de prix unitaire au repas servi, facturé selon le nombre de repas comptés lors de chaque service, également versé par la commune. Compte tenu de ces versements, qui couvraient 86 % de la rémunération du cocontractant, le risque économique du cocontractant ne portait que sur les variations de la fréquentation des cantines et sur les impayés.
En outre, compte tenu de l’objet du service, consistant en la fourniture de repas, le nombre d’usagers n’était pas non plus susceptible de variations substantielles durant l’exécution de la convention. Enfin, la commune ne fournissait aucun élément permettant d’évaluer le risque découlant des impayés. En l’absence de risque transféré au cocontractant, la convention litigieuse ne revêtait pas le caractère d’un contrat de concession, et donc d’une délégation de service public, mais celui d’un marché public. Celui-ci étant entaché de plusieurs vices présentant un caractère de particulière gravité, la Cour administrative d’appel de Bordeaux avait prononcé la résiliation du contrat (CAA de Bordeaux, 6e chambre – formation à 3, 8 octobre 2018, n° 16BX02772, Inédit au recueil Lebon)
Un recours irrégulier à la procédure de passation des délégations de service public qui prive une société évincée d’une chance d’obtenir ce marché
Lorsqu’un candidat à l’attribution d’un contrat public demande la réparation du préjudice, né de son éviction irrégulière de ce contrat, et qu’il existe un lien direct de causalité entre la faute, résultant de l’irrégularité, et les préjudices invoqués par le requérant à cause de son éviction, il appartient au juge de vérifier si le candidat était ou non dépourvu de toute chance de remporter le contrat.
En l’absence de toute chance, il n’a droit à aucune indemnité. Dans le cas contraire, il a droit en principe au remboursement des frais qu’il a engagés pour présenter son offre. Il convient en outre de rechercher si le candidat irrégulièrement évincé avait des chances sérieuses d’emporter le contrat conclu avec un autre candidat. Si tel est le cas, il a droit à être indemnisé de son manque à gagner incluant nécessairement, puisqu’ils ont été intégrés dans ses charges, les frais de présentation de l’offre, lesquels n’ont donc pas à faire l’objet d’une indemnisation spécifique.
Dominique Niay
Texte de référence : Conseil d’État, 7e – 2e chambres réunies, 28 février 2020, n° 426162