La fusion Suez-Veolia, des interrogations pour les collectivités

Publié le 26 novembre 2020 à 7h15 - par

Quels choix sur la table ? Comment les prix vont-ils évoluer ? Les collectivités locales, responsables de la gestion de l’eau et des déchets, s’interrogent sur l’impact d’un éventuel rapprochement entre Suez et Veolia.

La fusion Suez-Veolia, des interrogations pour les collectivités

« Nous serons très attentifs aux conditions nouvelles de concurrence », a écrit l’Association des Maires de France au Premier ministre, une fois connue l’intention de Veolia de croquer son concurrent de toujours.

« Il importe de préserver la qualité du service, la capacité d’investissement et la maîtrise de la tarification », pointe la lettre signée François Baroin (LR) et André Laignel (PS).

Depuis, le Sénat a lancé un comité destiné à « identifier les risques ». « Sommes-nous face à un mariage source d’externalités positives, de plus grandes ambitions en France et à l’export ? Ou un rachat qui amènera des suppressions d’emploi et un service amoindri ? », expose Sophie Primas (LR).

Les deux géants, engagés dans un dialogue de sourds, fournissent des réponses bien différentes.

Pour le directeur général adjoint de Suez Jean-Marc Boursier, « le caractère stratégique de l’eau et des déchets place les collectivités parmi les premières victimes du projet de Veolia ».

Selon un sondage Ifop auprès de 400 édiles commandé par Suez, 54 % se disent préoccupés par la fusion et 75 % craignent une hausse des prix. Sur la qualité des services, 37-39 % prévoient une détérioration, 34-37 % une amélioration.

« Pari »

« Il y a une volonté d’affaiblir un concurrent voire le faire disparaître : 30 % des concessions d’eau arrivent à échéance, dont le Syndicat des eaux d’Île-de-France dont Veolia a le contrat depuis près de 100 ans ! », a accusé M. Boursier lundi 23 novembre 2020 devant la presse. « Et si les choix sont limités par un acteur hégémonique, il y aura pression à la hausse sur les prix ».

Ce que Veolia réfute : « Suez + Veolia = zéro augmentation du prix de l’eau », car « ce sont toujours les élus qui le fixent ».

Le groupe, pour se conformer aux lois anti-trust, a prévu de céder Suez Eau France au fonds Meridiam.

Au Sénat, le PDG de Veolia, Antoine Frérot, a décrit « un opérateur de très long terme, prêt à investir dans cette activité » : « Avec un tel acteur, la concurrence dans l’eau en France sera au moins du même niveau. »

Idem pour les déchets. L’Autorité de la concurrence imposera « sûrement » de céder des activités : « Nous aurons des concurrents renforcés par rapport à la situation d’aujourd’hui. »

Répondre à la question des prix, « c’est prendre des paris sur l’avenir », souligne prudemment Nicolas Mazzucchi, chercheur à la Fondation pour la recherche stratégique.

En tout cas « c’est une opération de rachat qui aura un coût » pour l’acheteur, dit-il : « On imagine qu’il devra être répercuté à un moment, et il n’est jamais inenvisageable que ce soit sur les premiers clients, les collectivités. »

Passages en régie ?

Quid de la qualité de service ? « En terme de technicité, à court ou moyen terme, Suez reste Suez », estime Éric Bréjoux, de l’Office français de la biodiversité. « Sauf si les meilleurs employés s’en vont. »

À long terme la question peut se poser : « Suez et Veolia sont reconnus mondialement : ils embarquent des boîtes très fortes dans la construction de technologies, qui bénéficient à la qualité des prestations en France. »

Meridiam assure vouloir développer l’activité eau à l’étranger, et annonce 800 millions d’euros d’investissements.

Dans ce contexte mouvant, le sondage commandé par Suez évoque 39 % de sondés en délégation de service public (DSP) tentés par la régie.

Aujourd’hui 30 % des collectivités (70 % de la population) sont en DSP pour l’eau, relève M. Bréjoux. Une dizaine d’opérateurs se partagent le marché, surtout Suez, Veolia puis Saur.

Les années 2000 ont vu Grenoble, Paris reprendre une gestion directe, pour des raisons économiques et politiques. Les Verts élus à Lyon vont faire de même.

Les régies, « on était un peu revenu dessus, le besoin de technologies s’amplifiant », dit cependant M. Mazzucchi. « Et les récents partenariats avec le privé ont rétabli la confiance. »

De plus en plus de collectivités signent ainsi des « contrats de prestation », dit Éric Bréjoux, « pour des raisons parfois politiques » : bien des services, entretien de pompes, relevé de compteurs etc., sont confiés au privé, mais c’est le logo de la Ville sur la facture.

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