Nouvelle compétence contre les inondations, les élus locaux inquiets

Publié le 29 novembre 2017 à 15h35 - par

Croulant déjà sous les responsabilités, les maires vont hériter l’an prochain d’un lourd et complexe dossier, celui de la prévention des crues et inondations, via l’entretien des digues et des cours d’eau, et des élus locaux s’inquiètent du flou d’un projet qui risque d’être très coûteux.

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La compétence GEMAPI
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Aujourd’hui, ces responsabilités incombent à tous les niveaux de collectivités, régions, départements ou municipalités, mais, en vertu d’une loi de janvier 2014, dès le 1er janvier 2018 ce sont les intercommunalités qui se verront confier la compétence de la « Gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations » (Gemapi).

Selon la loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles (loi Maptam) du 28 janvier 2014, les établissements publics de coopération intercommunales (EPCI) seront donc en première ligne mais ils pourront être soutenus, sous conditions, par l’État, les régions ou les départements. Mais seulement jusqu’au 1er janvier 2020. Ensuite, les EPCI seront seuls.

Une proposition de loi, présentée par des élus MoDem et LREM, qui doit être discutée jeudi 30 novembre en première lecture à l’Assemblée nationale, propose d’autoriser les conseils départementaux à prolonger leur soutien aux EPCI. D’autant que ces nouvelles compétences inquiètent toujours autant les élus locaux.

Avec un littoral de quelque 460 km, incluant quatre îles, la Charente-Maritime est en première ligne. Comme dans toutes les collectivités où la prévention des inondations est cruciale, les élus s’inquiètent : quelles longueurs de digues fluviales et littorales sont concernées, combien cela va coûter aux collectivités locales et qui sera responsable pénalement en cas de sinistre ?

« On a rarement vu un transfert de compétence se faire comme ça. Normalement un transfert est basé sur une évaluation, un état des lieux, et c’est toujours accompagné d’une contrepartie financière. Là, les digues sont transférées sans compensation financière. On nous dit « c’est à vous maintenant ». On ne sait pas ce que l’on transfère ni ce que ça va coûter », proteste Lionel Quillet, président de la Communauté de communes de l’Île de Ré.

Aujourd’hui, personne ne connaît précisément le linéaire de défense fluviale ou littorale concerné. Dans sa fiche d’impact précédant le « décret digues » de 2015, le ministère de l’Environnement mentionnait « la base d’environ 3 000 kilomètres de digues pérennisées » d’un coût « en rythme de croisière d’environ 300 millions d’euros par an », incluant maintenance et nouveaux travaux.

« Personne ne sait »

« Pourquoi 3 000 km ? Personne ne sait », objecte Stéphanie Bidault, directrice du Centre européen de prévention de risque d’inondation (Cepri). D’autant qu’il « n’y a pas eu d’état des lieux préalable des digues ». Pour le Cepri, ce serait plutôt le double, soit 6 000 km.

Dans un rapport de 2011, le Cepri estimait que sur les 8 600 km de digues françaises, dont au moins 510 km protégeant contre les submersions marines, 5 600 km étaient dans un état dégradé ou inconnu.

Pour la Direction générale de la prévention du risque, rattachée au ministère de l’Écologie, les coûts de rénovation des digues vont d’un à trois millions d’euros par km.

En appliquant ce barème, la Gemapi pourrait donc coûter, sur la base de 3 000 km et d’un coût moyen de 2 millions d’euros, environ 6 milliards d’euros. Soit 20 fois plus que les 300 millions d’euros évoqués. Et si le linéaire s’avère finalement long de 6 000 km, cela ferait 12 milliards, soit 40 fois plus.

Pour tout cela, la compétence Gémapi n’autorise les EPCI qu’à lever une taxe additionnelle de 40 euros par habitant.

« Une compétence sans financement nouveau, à part la taxe additionnelle, ce n’est pas très sérieux non plus. Ce n’est pas un vrai financement », estime Nicolas Portier, délégué général de l’Assemblée des Communautés de France (Adcf, qui regroupe les communautés d’agglomération et de communes).

« Ces inquiétudes sont compréhensibles », dit à l’AFP la rapporteure du texte, Élodie Jacquier-Laforge. « Mais la proposition de loi demande un rapport au gouvernement sur l’état des digues concernées et une étude d’impact financier », souligne cette députée MoDem de l’Isère.

Et en cas de rupture d’une digue, qui sera responsable ? « Qui aura la responsabilité des digues, c’est la question », souligne Jean-Pierre Tallieu, président de la communauté d’agglomération de Royan Atlantique.

L’Adcf « attend du débat parlementaire qu’il précise l’étendue réelle de la responsabilité, au 1er janvier 2018, des autorités compétentes. (…) Il n’est pas possible que les communautés soient dès le 2 janvier 2018 considérées comme responsables d’éventuelles défaillances antérieures en cas de sinistre », a t-elle fait savoir dans sa lettre de soutien au projet de loi.

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