Publicité et climat : que reste-t-il des propositions de la Convention citoyenne ?

Publié le 9 mars 2021 à 12h38 - par

La Convention citoyenne pour le climat a jugé globalement insatisfaisante la traduction par le gouvernement de ses propositions pour encadrer la publicité dans le projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique. Récapitulatif des mesures examinées à partir de cette semaine au Parlement.

Publicité et climat : que reste-t-il des propositions de la Convention citoyenne ?

Le périmètre des interdictions restreint aux énergies fossiles

Les 150 citoyens de la Convention citoyenne pour le climat (CCC) proposaient d’interdire dès 2023 la publicité pour les produits les plus émetteurs de gaz à effet de serre. La mesure avait fait bondir les publicitaires, qui craignaient en particulier son effet sur le secteur automobile, deuxième annonceur du marché.

Finalement, le projet de loi climat restreint le périmètre de la mesure aux seules publicités « pour les énergies fossiles », et prévoit son application un an après l’entrée en vigueur du texte.

« L’intention de la CCC est respectée, l’ambition un peu moins. (…) Les grandes compagnies vendant ces énergies mettent plutôt en avant soit leur nom en tant que marque soit leur offre d’énergies renouvelables », a jugé le groupe d’appui à la CCC dans un rapport.

« Il n’y a quasiment rien dans le projet de loi », dénonce le député ex-LREM Matthieu Orphelin. « Jusqu’à récemment, j’avais même du mal à voir à quoi la mesure s’appliquait : aux bouteilles de gaz en fait. Je proposerai par amendement une vraie régulation de la publicité sur les produits les plus polluants », a-t-il dit à l’AFP.

Le conseil d’État avait également considéré qu’au regard du « caractère peu fréquent de ces publicités directes », la mesure d’interdiction manquait son objectif.

Et l’association RAP (Résistance à l’agression publicitaire) a relevé que la mesure n’était en l’état actuel du texte applicable qu’à l’affichage extérieur.

La loi prévoit néanmoins que les professionnels de la publicité (médias et annonceurs) s’engagent volontairement à mettre en œuvre des codes de bonne conduite sous le contrôle du CSA, gendarme de l’audiovisuel.

Le gouvernement a missionné la présidente du géant de la pub Publicis France, Agathe Bousquet, et le président de l’Agence de l’environnement (Ademe), Arnaud Leroy, pour inciter les filières à s’engager rapidement dans ce « contrat climat ».

« À terme, il n’y aura plus de publicité pour tous les produits polluants, donc les voitures polluantes n’y échapperont pas », avait déclaré la ministre de la transition écologique Barbara Pompili le 11 février sur France Inter. Et « si les engagements ne sont pas suffisamment sérieux, il y aura des mesures d’interdiction dans la loi. »

L’encadrement des écrans renvoyé aux communes

Le projet de loi prévoit de confier les compétences en matière de police de la publicité aux maires ou aux présidents d’intercommunalités, alors qu’à défaut de règlement local, cette prérogative était jusqu’à présent exercée par l’État.

Sont visés notamment les écrans numériques publicitaires et les panneaux rétroéclairés, critiqués par les associations environnementales pour leur impact sur la consommation électrique et la pollution lumineuse.

Les règlements locaux de publicité pourront également se prononcer sur certaines caractéristiques des écrans publicitaires disposés dans les vitrines des commerçants.

Le collectif « Touche pas à ma vitrine » dénonce une « atteinte alarmante à la liberté d’entreprendre et de commercer » et une fédération du secteur considère que « les collectivités territoriales n’ont pas à s’immiscer dans la partie privée de l’entreprise ».

La Convention citoyenne, elle, a regretté une « édulcoration de sa prescription », qui prévoyait une très forte limitation de la publicité dans l’espace public, tout en signalant qu’une minorité de ses membres « trouve pertinent sur le plan démocratique de laisser davantage de responsabilités aux maires ».

« Si la décentralisation est le meilleur moyen pour améliorer la police de l’affichage, ça nous convient très bien », a estimé le président de l’Union de la publicité extérieure Stéphane Dottelonde devant la presse.

Les groupes de publicité extérieure comptent sur les écrans numériques pour moderniser leur offre et concurrencer les géants du numérique.

Vers la fin d’activités contestées

La distribution de prospectus à domicile pourra être interdite « à titre expérimental » et pendant trois ans dans les communes volontaires, sauf si le destinataire l’accepte expressément avec un autocollant +Oui Pub+ sur sa boite aux lettres.

Le marché des « imprimés sans adresse » représentait encore 594 millions d’euros d’investissements publicitaires en France en 2019, en baisse de 5 %.

Le gouvernement veut également soumettre la distribution d’échantillons aux consommateurs à la « demande expresse » du consommateur.

Enfin, il prévoit une amende de 1 500 euros pour la publicité réalisée à l’aide de véhicules, notamment d’avions publicitaires l’été au large des plages.

Pour Khaled Gaiji, porte-parole de RAP, ces quelques mesures permettent au gouvernement de « faire diversion », et de dissimuler « ses renoncements à l’interdiction de la publicité pour les produits polluants ou l’arrêt des écrans numériques publicitaires ».

Plus de 5 000 amendements ont été déposés sur l’ensemble du texte, et ceux concernant la publicité seront surveillés de près par l’industrie.

Selon le directeur général de l’Union des marques Jean-Luc Chetrit à l’AFP, « il ne faut pas s’inquiéter d’un adoucissement du texte, mais plutôt se demander jusqu’où ira son durcissement. »

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