Sécheresse : les collectivités joueront un rôle primordial dans le plan Eau

Publié le 3 avril 2023 à 9h00 - par

Sécuriser l’approvisionnement en eau, réduire les fuites, réutiliser les eaux usées traitées, fixer des tarifs progressifs… Selon le plan présenté par Emmanuel Macron, les élus seront étroitement associés à l’adaptation de la politique de l’eau au changement climatique.

Sécheresse : les collectivités joueront un rôle primordial dans le plan Eau
© Image par Ricardo Gatica de Pixabay

C’est finalement le président de la République lui-même qui a annoncé le plan Eau le 30 mars 2023, attendu de longue date. Porté par le ministre de la Transition écologique, Christophe Béchu (qui a apporté des précisions en conférence de presse le 31 mars), le plan d’action pour une gestion résiliente et concertée de l’eau établit cinquante-trois mesures visant notamment à diminuer de – 10 % l’eau prélevée d’ici 2030. Objectif : répondre aux épisodes de sécheresse et à la réduction des nappes phréatiques, liés au changement climatique. « L’eau est une compétence largement décentralisée, les élus sont en première ligne et le plan veut conforter leur rôle », a précisé Emmanuel Macron. Mais la gouvernance de l’eau appartient d’abord aux bassins et aux sous-bassins, avant de dépendre des collectivités. Or, la moitié des sous-bassins n’a pas de plan territorial de la gestion en eau ni de schéma d’analyse. La politique de l’eau doit pourtant prendre en considération la réalité du terrain.

Chacun des six grands bassins versants sera doté d’un plan d’adaptation au changement climatique, précisant la « trajectoire » de réduction des prélèvements, au regard des évolutions de la ressource et des usages projetés. Déclinées dans les 1 100 sous-bassins, des trajectoires de sobriété locales seront définies avec les collectivités. Concrètement, des objectifs chiffrés de réduction des prélèvements seront introduits, dès 2027, dans les schémas d’aménagement et de gestion des eaux (Sage) et les projets de territoire pour la gestion de l’eau (PTGE). À l’occasion de leurs révisions, tous les Sage intégreront ces projections. Dans les bassins versants jugés « en déséquilibre », il sera progressivement mis fin aux autorisations de prélèvement au-delà de ce qui est soutenable, au fur et à mesure du renouvellement des autorisations (qui s’échelonne jusqu’en 2027).

Le plan vise aussi à réduire les fuites sur les réseaux, ce qui nécessitera des investissements importants. Or, sur les 170 collectivités identifiées comme « points noirs » avec des taux de fuites supérieurs à 50 %, 116 sont des communes isolées. Emmanuel Macron considère que la gestion isolée de l’eau « ne peut pas continuer ». Sans remettre en cause l’intercommunalité, il souhaite que l’on trouve d’autres formes de mutualisation dans certains territoires — zones de montagne ou hyper-rurales notamment. Une mission parlementaire se penchera sur la possibilité d’une mutualisation assouplie pour ces cas particuliers. Par ailleurs, il convient de sécuriser l’alimentation en eau potable, en particulier dans les 2 000 communes qui ont connu des tensions en 2022. Pour tous ces travaux, dès 2024, 180 millions d’euros par an d’aides supplémentaires des agences de l’eau seront dédiées au petit cycle de l’eau (alimentation en eau potable et traitement des eaux usées). Ces aides seront conditionnées à des objectifs de performance de gestion du patrimoine des collectivités. Actuellement de 2,2 milliards d’euros, le budget annuel des agences de l’eau sera rallongé au total de 475 millions d’euros pour satisfaire aux différentes mesures du plan – comme la mise aux normes des station d’épuration prioritaires. Ce qui pourra « déclencher six milliards d’euros par an » a expliqué le président.

D’ici 2027, chaque sous-bassin versant sera doté d’une instance de dialogue et d’un projet politique de territoire organisant le partage de la ressource. Les Sage seront modernisés (fonctionnement simplifié des commissions locales de l’eau…) et encouragés à définir des priorités d’usage et à fixer la répartition de volumes globaux de prélèvement par usage.

Le président veut également investir massivement dans la réutilisation des eaux usées après traitement, avec l’ambition de passer de moins de 1 % à 10 % en 2030. En cinq ans, 1 000 projets seront accompagnés. Les agences régionales de santé (ARS) et les préfets devront faire accélérer l’instruction des projets des collectivités par l’Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail). Quant aux procédures administratives relatives à la réutilisation, elles aussi devront évoluer. Les porteurs de projets accéderont à un guichet unique pour le dépôt des dossiers (le préfet de département), et seront accompagnés par un chef de projet ; les dossiers innovants rencontrant des blocages réglementaires bénéficieront d’un accompagnement France Expérimentation.

Par ailleurs, en partenariat avec l’Association nationale des élus du littoral (Anel) et le Cerema, l’État lancera un appel à projets spécifique aux collectivités littorales sur la faisabilité des projets de réutilisation (REUT).

Le Fonds vert débloquera 100 millions d’euros pour financer des projets de « renaturation » et de désimpermabilisation menés par les collectivités. La préservation des zones humides sera renforcée, avec 50 millions d’euros par an supplémentaires de paiements pour services écosystémiques, et le Conservatoire du littoral consolidera sa stratégie d’acquisition foncière.

Les collectivités devront fixer une tarification progressive « et responsable » de l’eau, avec un prix modeste pour les premiers m3 et une facturation plus élevée au-delà, pour les « usages de confort ».

Le réseau France eau publique de la FNCCR, qui a salué ces mesures, appelle à une nouvelle culture collective de l’eau, et une gestion de l’eau portée exclusivement par l’intérêt général. France eau publique* considère que tous les projets de territoire devraient être conçus en intégrant l’eau dès l’amont, dans une approche transversale.

Martine Courgnaud – Del Ry

* France eau publique dessert plus de 17,5 millions d’habitants.

La Banque des territoires accompagnera les élus dans la mise en œuvre du plan Eau

Sur la période 2023 – 2027 :

  • 15 millions d’euros de crédit d’ingénierie seront dédiés aux projets d’infrastructures et réseaux, de préservation et restauration des espaces aquatiques, d’adaptation aux changements climatiques ;
  • l’enveloppe de prêts mobilisables pour la gestion de l’eau et la Gemapi sera doublée, jusqu’à atteindre 2 milliards d’euros, avec un taux de « Livret A+0,40 ». Ces prêts pourront être proposés jusqu’à 60 ans, sans surcoût. La baisse de charges financières annuelles de ces longs emprunts permettra aux emprunteurs de financer d’autres projets et/ou d’atténuer l’augmentation du prix facturé aux usagers ;
  • des prêts à taux fixes seront octroyés, pour des durées comprises de 25 à 40 ans.

Avant l’été, la Banque des territoires ouvrira un site internet dédié et proposera aux collectivités un parcours complet pour faciliter l’élaboration et la réalisation des projets. Elle développera à terme un outil cartographique sur la ressource en eau, un outil numérique pour aider les collectivités à prioriser les travaux de rénovation de réseaux, et une solution clé en main pour visualiser leur patrimoine et faciliter l’identification des fuites. Ce déploiement progressif sera précédé d’une phase de test sur trois territoires pilotes.


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