L’union sacrée des DG pour sécuriser la responsabilité des décideurs publics

Publié le 2 juin 2025 à 12h12 - par

L’inquiétude des dirigeants territoriaux sur les conséquences du nouveau régime de responsabilité financière des gestionnaires publics ne cesse de monter : sentiment de « quasi-automaticité des poursuites », périmètre de responsabilité trop « flou », recours impossible à la protection fonctionnelle, risque de paralyser l’action publique… Différentes initiatives ont été prises auprès du gouvernement. Un appel à signer un manifeste a été lancé par le SNDGCT et, aujourd’hui, il lance avec neuf associations de DG un appel commun pour obtenir la sécurisation rapide du régime de la RFGP.

L'union sacrée des DG pour sécuriser la responsabilité des décideurs publics
© Par Hervé Rouveure - stock.adobe.com

Depuis des semaines, le SNDGCT (Syndicat national des DG des collectivités territoriales) et plusieurs associations de dirigeants territoriaux tirent la sonnette d’alarme sur les conséquences du régime de la responsabilité financière des gestionnaires publics (RFGP) et l’insécurité juridique qui plane sur la tête des DG. En cause : l’évolution récente de ce régime – entrée en vigueur le 1er janvier 2023 de l’ordonnance du 23 mars 2022 instaurant un régime unifié pour les gestionnaires publics – apparait beaucoup trop tributaire de la jurisprudence. « Comme il y a un flou sur les périmètres directs d’action des directeurs généraux, c’est la jurisprudence qui dessine les contours de la responsabilité », pointe Hélène Guillet, présidente du SNDGCT, dans une interview publiée sur weka.fr le 17 avril dernier.

Fortes inquiétudes

Cette épée de Damoclès inquiète vivement les DG. Les résultats de l’enquête réalisée par l’ADGCF (Association des DG des communautés de France), en avril dernier, auprès de ses adhérents sont éclairants. Pas moins de 81 % des répondants se sentent « menacés » par le nouveau régime et s’alarment de l’inaction que pourrait engendrer la peur de la condamnation. Et cela même si seulement 2 % des DG d’intercommunalités eux se déclarent actuellement victimes du nouveau dispositif, citant surtout des problèmes liés au non-respect des délais de paiement de marchés publics ou de recouvrement de subventions. Un ressenti largement partagé par les DG des autres collectivités et établissements publics.
Au-delà des différents courriers adressés au Premier ministre, aux parlementaires ou à l’AMF, le SNDGCT a lancé, début mai, un appel à signature du « Manifeste pour une responsabilité publique juste, assumée et respectée » (près de 1 800 signatures début juin). Il dénonce une construction de la jurisprudence qui « aboutit à la condamnation automatique des dirigeants territoriaux ».

Un appel de dix associations de dirigeants territoriaux

Par ailleurs, le SNDGCT et neuf associations de dirigeants territoriaux (AATF, ADGCF, ADRHGCT, ADT-Inet, AITF, ANDCDG, ANDRHDT, ANDSIS, IngéChef) ont lancé, fin mai, un appel commun pour sécuriser ce régime de la responsabilité financière des gestionnaires publics (RFGP). Dénonçant une « automatisation de la sanction où la simple méconnaissance de la règle de droit suffit à établir l’infraction, sans considération pour la bonne foi des agents ou les contraintes opérationnelles », les DG revendiquent cette sécurisation au plus vite. D’autant que l’intensité des contrôles se concentre sur les collectivités, qui supportent près de 60 % des vérifications.
Tout en reconnaissant le bienfondé du principe de la responsabilité financière des gestionnaires publics – « il est normal de sanctionner la faute intentionnelle et les actes de malveillance » –, les dirigeants territoriaux appellent à un régime « juste, équilibré et adapté aux réalités du quotidien ».
Évoquant des propositions concrètes et construites avec l’appui d’experts, ils insistent sur le fait qu’elles « ne remettent aucunement en cause les fondements de ce régime » mais veulent « préciser et consolider la capacité à agir des collectivités ». À court terme, ils plaident pour garantir l’égalité d’accès à la défense et permettre aux mis en cause de bénéficier de la protection fonctionnelle à l’instar d’autres catégories professionnelles. À ce sujet, dans son interview à weka.fr, Hélène Guillet demandait « en urgence qu’il soit possible de recourir à la protection fonctionnelle, en vérifiant bien entendu l’absence d’intention malveillante et de fautes ».

Instaurer « un régime de présomption d’innocence renforcé »

Dans un délai de six mois, l’appel commun demande des conditions précises d’exonération et de modulation de la sanction, en tenant compte de la cause, des circonstances, de l’absence de moyens et de l’intentionnalité. Enfin, à moyen terme, il prône la création d’un régime de présomption d’innocence renforcé « car aucun dirigeant public ne devrait avoir à répondre de faits qui, sans lien direct avec une faute personnelle, relèvent de la stratégie collective ou de l’orientation politique de la collectivité ».
Leur argumentaire s’appuie sur la nécessité de mettre fin à « une zone d’incertitude qui risque de décourager la prise de responsabilités et de paralyser l’action publique face à des mises en cause plus fréquentes, même pour de simples erreurs ». Des risques à prendre très au sérieux, selon les DG. Dans la newsletter de son association, Régis Petit, le président de l’ADGCF, pointe « une confusion entre responsabilité et culpabilité » en jugeant « urgent, pour les autorités compétentes, de juguler cet amalgame » car, selon lui, « l’attractivité de notre métier en dépend ».

Philippe Pottiée-Sperry