« Lancer l’alerte doit devenir le réflexe normal de tout citoyen responsable ayant pris connaissance de dangers graves pour l’intérêt général. » S’inspirant de la résolution 2300 adoptée le 1er octobre 2019 par le Conseil de l’Europe, la Défenseure des droits et son adjointe en charge de l’accompagnement des lanceurs d’alerte ont présenté, le 25 septembre 2024, leur rapport bisannuel 2022/2023 sur la protection des lanceurs d’alerte en France. Si elles saluent les avancées réalisées en la matière, Claire Hédon et Cécile Barrois de Sarigny appellent à mieux soutenir les auteurs de signalement, notamment financièrement, ainsi qu’à concrétiser le droit de l’alerte par une meilleure information du public.
L’émergence d’un cadre juridique protecteur est encore récente, rappelle l’institution. Son rapport en retrace l’évolution et constate les progrès accomplis par la législation, en lien avec la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme en faveur de la liberté d’expression. La prise en compte croissante des textes par les juridictions permet, quant à elle, « d’asseoir la figure juridique du lanceur d’alerte », se félicite la Défenseure des droits. Néanmoins, le rapport pointe les lacunes qui persistent dans le cadre actuel, notamment s’agissant du périmètre de la protection, qui devrait inclure les personnes morales ou concerner, avec les adaptations nécessaires, le domaine de la défense nationale. En matière d’accompagnement, la Défenseure des droits déplore le manque effectif de soutien psychologique et financier des auteurs de signalements.
Par ailleurs, Claire Hédon et Cécile Barrois de Sarigny insistent sur la « nécessité impérieuse » d’entreprendre des actions de communication sur le statut du lanceur d’alerte, trop souvent méconnu, et les conditions légales à remplir pour bénéficier d’une protection. « Le succès de la réforme est conditionné par la mobilisation effective des pouvoirs publics, encore insuffisante », plaident-elles.
Le rapport, qui a été présenté à l’ensemble des 41 autorités externes désignées par les pouvoirs publics, met en avant leur travail et leur engagement pour recueillir et traiter les signalements. De fait, la désignation de ces autorités s’est traduite par une augmentation sensible du nombre des alertes, ce qui constitue « un signe encourageant pour le fonctionnement du dispositif, même si cette augmentation est concentrée sur quelques autorités. »
Toutefois, la Défenseure des droits s’interroge sur l’efficacité du nouveau cadre. En effet, les choix opérés pour la désignation des autorités en charge du traitement des alertes et leur modalité de fonctionnement n’ont pas été concertés avec ces autorités. L’imperfection de la réglementation conduit à ce que certaines d’entre elles ne soient pas en mesure d’accomplir leur mission faute de pouvoirs et/ou moyens adéquats.
Selon le rapport, une meilleure information du public sur l’existence et le rôle des autorités et du Défenseur des droits s’impose aussi, comme l’accroissement des moyens engagés par les pouvoirs publics. Enfin, la mise en place effective des dispositifs de recueil et de traitement des alertes par les employeurs reste à évaluer.
La Défenseure des droits formule onze recommandations au gouvernement pour améliorer la réglementation, notamment en vue de :
- prévoir le financement d’actions de communication sur la protection des lanceurs d’alerte et les modalités de prise en charge de leurs signalements ;
- élargir le champ de la protection des lanceurs d’alerte en appréhendant la situation des personnes morales et les questions relatives à la sécurité nationale ;
- améliorer le soutien financier et psychologique des lanceurs d’alerte par la création d’un fonds de soutien ;
- améliorer les conditions dans lesquelles les autorités externes peuvent recevoir et traiter les signalements ;
- évaluer le taux des entreprises et administrations à jour de leurs obligations de mise en place d’un dispositif de recueil des alertes internes.