Piscines fermées brutalement : Vert Marine va devoir s’expliquer

Publié le 22 septembre 2022 à 8h35 - par

La trentaine de piscines fermées brutalement par Vert Marine il y a quinze jours vont rouvrir cette semaine. Mais l’entreprise risque de faire face à de nombreux contentieux après la fermeture sans préavis prise au nom de l’explosion de sa facture énergétique qui a sidéré et questionne encore bien des acteurs.

Piscines fermées brutalement : Vert Marine va devoir s'expliquer

Ce sont d’abord les maires qui sont tombés de l’armoire, comme à Limoges où le complexe Aquapolis ferme ses portes soudainement. Des usagers « pris en otage » en pleine rentrée scolaire, dénoncent les élus.

À Paris, le maire du 19e François Dagnaud monte au créneau quand il voit la piscine Pailleron fermer, l’une des plus fréquentée de la capitale. Outre « la rupture inacceptable du service public », il trouve que « l’argumentation économique et financière ne semble pas partagée par tous les opérateurs pourtant confrontés aux mêmes conditions du marché énergétique ».

« C’est totalement irresponsable ! », fulmine encore aujourd’hui un délégataire en coulisses.

« Fluctuations de prix en direct »

D’un point de vue juridique, ils n’avaient d’abord « pas le droit de fermer », explique à l’AFP l’avocat Yvon Goutal qui défend certaines collectivités concernées.

Depuis la semaine dernière, une bonne partie des établissements a déjà rouvert ses portes : Limoges, Versailles, Rivesaltes, Montbauban…

Implantée près de Rouen, Vert Marine exploite environ 90 piscines et patinoires via des délégations de service public. Il est l’un des plus gros acteurs de ce secteur qui rassemble quatre à cinq groupes.

Pour expliquer ces fermetures brutales, il a expliqué qu’il n’était pas en mesure de payer des factures multipliées par dix pour l’électricité et par quatre pour le gaz. Et a brandi « la sauvegarde de l’entreprise et de ses 2 000 salariés ».

Souvent chauffées au gaz, les piscines sont des équipements très énergivores et subissent de plein fouet la hausse des prix entamée depuis plusieurs mois.

Mais de sources concordantes, le problème vient aussi du fait que Vert Marine ne soit pas passé par des courtiers en énergie et « a pris les fluctuations de prix en direct ». À la baisse, il gagne de l’argent, à la hausse il peut prendre un sacré bouillon.

Autre délégataire de service public, l’entreprise Prestalis voit aussi sa facture grimper. Les charges d’énergie qui représentaient entre 22 et 25 % au printemps dépassent maintenant les 50 %, explique à l’AFP son DRH Christophe Legendre. Des contrats ont même été rompus par les fournisseurs comme dans l’Est de la France.

« Coup de force »

Pour lui, à ce stade, pas question « de fermer » des centres parmi les 32 qu’ils gèrent.

« On a trouvé des solutions », explique-t-il. Et il dialogue avec les collectivités et le ministère de l’Économie. Mais depuis que « Vert Marine a déclenché le mammouth, nous recevons pleins de questions de nos partenaires », raconte-t-il. Ainsi, certains de leurs centres leur rapportent que « des clients ne veulent plus prendre d’abonnement de peur que la piscine ne ferme ensuite ».

Pour Yvon Goutal, « Vert Marine a fait un coup de force, au lieu de s’adresser aux collectivités, ils se sont adressés à la presse » alors qu’il existe des voies pour négocier avec les collectivités. Même si certains mécanismes, comme l’imprévision, peuvent être difficiles à mettre en œuvre.

« On peut modifier des périmètres du service, en terme de chauffage, d’ouverture dire par exemple on ouvre que pour les scolaires », illustre-t-il.

Parmi les collectivités mises au pied du mur, certaines vont faire bénéficier Vert Marine de leurs tarifs négociés. Mais attention, cela n’exclut pas les recours futurs, sous lesquels risque de ployer l’entreprise : « ils vont ensuite se retourner contre Vert Marine » et leur présenter la facture, explique l’avocat spécialisé.

La ville de Limoges a prévenu : elle reste « ouverte à toutes discussions, notamment pour accompagner son délégataire afin de faire face à l« inflation du coût de l’énergie, sans toutefois assumer la responsabilité qui lui revient pour ses fautes de gestion ou pour ses dépenses non fondées ».

Alors, grince un acteur du secteur, « le patron juridique de Vert Marine il va être un peu occupé… ». « Coup de panique ? Ou stratégie délibérée pour mettre en scène son suicide ? », s’interroge même un autre des acteurs.

Deux semaines après l’onde de choc, l’entreprise a reconnu la « soudaineté » de sa décision dans un communiqué. Interrogée par l’AFP, Vert Marine n’a pas souhaité s’exprimer plus.

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