L’équation financière s’avère difficile à résoudre : trouver 5,3 milliards d’euros d’économies alors que les charges obligatoires, dont la masse salariale, augmentent sensiblement. Cette augmentation est notamment due à une nouvelle augmentation des cotisations employeurs à la CNRACL (caisse de retraite des fonctionnaires territoriaux) au 1er janvier 2026. Cette nouvelle hausse s’inscrit dans un schéma global de hausse des cotisations à la caisse de retraite de 12 points entre 2025 et 2028.
Un contractuel moins cher qu’un fonctionnaire : une réalité à nuancer
Conséquence de cette hausse, dès le 1er janvier 2026, à salaire égal, le coût employeur d’un agent titulaire sera plus important qu’un agent contractuel. Cet écart continuera d’augmenter jusqu’en 2028 si aucune mesure d’augmentation des cotisations au régime général n’est décidée d’ici 2028. L’écart pourrait alors être de 99 € par mois pour un agent de catégorie A et de 148 € pour un agent de catégorie C.
Il convient de s’interroger sur l’opportunité de recruter des agents sous contrat pour encadrer l’augmentation de la masse salariale. Rappelons que le recours à l’agent contractuel n’est que l’exception à l’embauche d’un agent titulaire pour occuper un emploi permanent et qu’une collectivité n’a la possibilité de recruter sous contrat que si et seulement si le recrutement d’un agent titulaire s’avère impossible en raison du manque de candidature ou de compétences techniques trop faibles.
Surtout, en matière de pilotage de masse salariale, le recours au contractuel n’est pas toujours un levier d’économies. À la différence de l’agent titulaire, l’agent contractuel négocie sa rémunération avec l’employeur public. Cette négociation est formalisée par le contrat et doit être réexaminé tous les 3 ans.
Dans un contexte où les difficultés de recrutement dans la fonction publique sont toujours d’actualité, notamment sur les métiers à technicité particulière, ce pouvoir de négociation conduit de nombreux employeurs publics à accorder des rémunérations plus importantes que ce qu’aurait pu recevoir un agent titulaire dans la même situation de carrière professionnelle.
La bonne gestion de l’agent contractuel et le respect des règles statutaires dans la fixation de sa rémunération s’avère être un préalable indispensable à un levier d’économies substantiel dans le pilotage financier. Surtout, la maîtrise de la masse salariale passe moins par le statut du recrutement que par la bonne gestion des effectifs et des postes.
La bonne application des règles de gestion des postes, enjeu du pilotage de la masse salariale
Si la bonne application des règles statutaires est un levier de la qualité de vie au travail (un agent correctement géré est un agent plus heureux au travail), c’est également une condition du pilotage fin de la masse salariale.
Ainsi, la maîtrise du glissement vieillesse technicité (GVT), dont le montant s’élève à 1,7 M au niveau de l’État en 2025, est un enjeu majeur pour les collectivités. À ce titre, rappelons que le législateur est intervenu en 2019 (loi de transformation de la fonction publique) afin de clarifier les règles via les lignes directrices de gestion (LDG). Ce document devait notamment s’appuyer sur la gestion prévisionnelle des emplois, des effectifs et des compétences (GPEEC) dans l’octroi des promotions. La meilleure application des LDG dans les collectivités est un enjeu majeur dans le pilotage de la masse salariale. C’est particulièrement le cas en matière de promotion interne qui est, à la différence des avancements de grade, un mode de recrutement qui empêche normalement une collectivité de nommer un agent qui en bénéficie sur son poste (sauf à changer la nature du besoin et donc de faire évoluer la délibération).
Le pilotage des postes doit également faire l’objet d’une attention particulière de la part des exécutifs locaux. Il est rappelé qu’une délibération est obligatoire pour les emplois permanents et non permanents (article L. 313-1 du CGFP) distincte du tableau des effectifs budgétaires. Cette délibération mentionne notamment le ou les grades d’ouverture des postes. Il s’avère nécessaire pour les collectivités de correctement calibrer les postes et de les ouvrir sur le bon grade en respectant les grandes missions des statuts particuliers.
À ce titre, il s’avère normalement impossible d’ouvrir un poste sur plusieurs cadres d’emplois (par exemple rédacteur et attaché) tant les missions de chacun des cadres d’emplois et des grades sont différents. Le juge administratif rappelle régulièrement la nécessité de bien calibrer les postes et de ne pas les surévaluer ou les sous-évaluer. Dans un arrêt de la Cour administrative d’appel de Douai (CAA Douai, 19 mars 2024, req. n° 23DA00669) le juge administratif estime que l’appréciation du cadre d’emploi par un supérieur hiérarchique n’est pas conforme à la réglementation. Le juge a comparé les missions de la fiche de poste de l’agent avec celles du cadre d’emploi d’adjoint administratif et de rédacteur pour déterminer le cadre d’emploi applicable au poste.
Enfin, en matière de gestion des postes, il convient de piloter correctement les emplois de sorte que l’assemblée délibérante crée les emplois nécessaires au fonctionnement des services publics et supprime (après avis du CST) les emplois dont elle n’a plus besoin. Les emplois « gelés » n’ont aucune existence statuaire.
Par définition, la masse salariale est une dépense où il est difficile de faire des économies. Il existe néanmoins des solutions pour encadrer son augmentation. Quelques pistes peuvent être dégagées :
- Le pilotage des effectifs : remplacements à iso-compétences ou à iso-budget, réflexion sur les temps non complets, recours à des formes alternatives de présence (astreintes, annualisation…).
- L’optimisation de la politique indemnitaire : articulation entre IFSE et CIA, adaptation au marché local de l’emploi, prise en compte de la performance.
- Le traitement stratégique des absences : anticipation des départs en longue maladie, analyse des arrêts courts récurrents, renforcement du lien avec les services de santé au travail.
Surtout, la masse salariale demande des choix politiques affirmés. La masse salariale se construit trop souvent comme un agrégat des décisions prises ailleurs : recrutement d’opportunité, gestion au fil de l’eau, politique indemnitaire non formalisée. Cette absence de stratégie nuit au pilotage de la masse salariale et à la capacité à encadrer son augmentation.
Florian Glay, Formateur et Consultant RH
