La réussite de l’intercommunalité est mitigée. Son étude révèle une grande hétérogénéité des situations, selon les contextes politiques et institutionnels locaux et les modes de gouvernance, précise la mission d’information sénatoriale chargée d’établir un bilan de l’intercommunalité dix ans après les lois du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République (loi NOTRe) et du 27 janvier 2014 de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles (loi Maptam). Certains élus, dans les petites communes notamment, se sentent aujourd’hui dépossédés de leurs capacités d’action alors qu’ils sont en première ligne face aux administrés, « signe d’un réel dysfonctionnement ». D’où la nécessité de renouer avec l’esprit partenarial qui constitue en principe le socle de la construction intercommunale, estiment dans leur rapport les sénateurs Jean-Marie Mizzon (Moselle) et Maryse Carrère (Hautes-Pyrénées). Le lien de confiance entre communes et interco implique, notamment, de ne plus procéder à des « mariages forcés » sans pour autant revenir en arrière, la carte communale étant désormais stabilisée.
Dans ses vingt recommandations, la mission ne souhaite pas imposer un modèle de fonctionnement intercommunal – les territoires ne veulent plus d’une « logique verticale » — ni proposer de nouveau outils. Elle considère au contraire qu’il convient de mieux utiliser ceux qui existent, comme la conférence des maires. Autre piste pour rebâtir la confiance entre les communes et leur interco : assouplir la répartition des compétences pour les adapter à la diversité des territoires. La mission estime, par exemple que l’on pourrait étendre les possibilités de transfert de compétences « à la carte » et unifier les régimes de délégations de compétences.
Modifier les montants des attributions de compensation inadaptées
En outre, les sénateurs insistent sur l’importance des services communs, qui « constituent un exemple concret d’efficacité intercommunale », dans l’esprit de mutualisation qui a présidé à l’extension de l’intercommunalité. Pour la mission, développer les services communs devrait constituer une priorité des intercommunalités, en fonction de leurs besoins spécifiques identifiés. Si la participation à des groupements de commandes est un minimum, il existe des formes plus intégrées : mise à disposition d’agents et de services, création de services communs (secrétariat, ressources humaines, informatique…). Ces derniers permettent notamment aux communes de choisir le degré de mutualisation qu’elles souhaitent et qui leur paraît le mieux adapté. C’est « un dispositif souple et adaptable selon les besoins des élus et des territoires », constate le rapport.
La mission pointe la complexité des relations financières entre communes et EPCI, en particulier les mécanismes des attributions de compensations, qui peuvent se révéler inadaptés aux coûts réels d’exercice des compétences et des charges transférées. Il lui paraît également pertinent d’assouplir les modalités de révision du montant et de la répartition des attributions de compensation, pour tenir compte des cas où, en raison du déséquilibre entre les ressources et les charges transférées, l’interco ne peut pas exercer ses compétences convenablement. Ainsi, la mission propose que le conseil communautaire puisse modifier les montants des attributions de compensation, lorsque l’évaluation de la commission locale d’évaluation des charges transférées (Clect) fait apparaître qu’elles sont manifestement inadaptées.
Elle recommande aussi de favoriser le recours aux instruments de solidarité intercommunale : dotation de solidarité communautaire (DSC) ou fonds de péréquation des ressources intercommunales et communales (FPIC), qui sont sous-utilisés. Quant aux fonds de concours intercommunaux, leur usage pourrait être développé, à une condition : s’inscrire dans une démarche stratégique d’investissement cohérente avec le projet de territoire.
Marie Gasnier
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+ 4,8 % par an Alors que l’intercommunalité était censée engendrer une dizaine de milliards d’euros d’économies, depuis 2015 les dépenses réelles de fonctionnement des EPCI ont représenté 46 milliards d’euros en 2024, selon la Cour des comptes, avec une augmentation annuelle moyenne de + 4,8 %. |
