La carte communale est désormais achevée, à l’exception de quatre communes insulaires isolées (les îles de Bréhat, d’Ouessant, de Sein et d’Yeu). Il faut désormais donner aux élus locaux les moyens concrets de s’approprier l’intercommunalité au service des communes qui la composent, « en s’adaptant aux élus locaux, pour renforcer son efficacité », estime la directrice générale des collectivités locales, Cécile Raquin, en préambule d’un guide publié en octobre 2025. Présenté sous forme de fiches, il apporte aux préfectures, aux services des collectivités et aux élus locaux des notions approfondies sur le fonctionnement et la gouvernance des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI).
L’ouvrage rappelle notamment les grands principes qui régissent les structures intercommunales. Ainsi, la coopération peut prendre différentes formes dont la plus répandue est l’établissement public de coopération (L. 5111-1 du CGCT). Doté de la personnalité morale et de l’autonomie financière, l’EPCI a ses propres moyens d’action ; administré par des autorités qui lui sont propres, il recrute son personnel et assure la gestion de ses services. Ses décisions sont de nature administrative et relèvent du contrôle de légalité. Enfin, les travaux qu’il réalise sont des travaux publics. Il a donc une existence juridique propre distincte de celle de ses communes membres.
Comme tous les établissements publics, l’EPCI est régi par le principe de spécialité (L. 5210-4 et L. 1111-8 du CGCT) et ne peut intervenir que dans le champ des compétences qui lui ont été transférées ou déléguées (spécialité fonctionnelle) et à l’intérieur de son périmètre (spécialité territoriale). Il ne peut donc pas intervenir, ni opérationnellement ni financièrement, dans le champ des compétences que les communes ont conservées. En vertu du principe d’exclusivité, les communes ne peuvent pas non plus intervenir dans le champ des compétences transférées ; sauf si un intérêt communautaire ou métropolitain est attaché à l’exercice de ces compétences, pour les EPCI à fiscalité propre. En cas de doute, le juge interprète strictement les statuts. Outre les compétences obligatoires, les communes peuvent transférer des compétences facultatives, ainsi qu’à tout moment des compétences supplémentaires non prévues par la loi, librement définies par les conseils municipaux.
Syndicat de communes, communauté de communes, communauté d’agglomération, communauté urbaine, métropole : la catégorie du groupement détermine ses compétences. Seuls les syndicats de communes ne sont pas des EPCI à fiscalité propre ; ce sont leurs statuts, approuvés par les conseils municipaux, qui définissent la nature et l’étendue des compétences qui leur sont transférées. Les EPCI à fiscalité propre ont des règles plus contraignantes, en vertu du principe de spécialité fonctionnelle.
Ne peuvent pas être transférées les attributions propres du maire, qu’il exerce soit au nom de l’État, soit au nom de la commune : état civil, officier de police judiciaire (OPJ), pouvoir de police administrative. Mis à part certains pouvoirs de police spéciale du maire, liés à la compétence de la commune et non à des attributions de l’État, qui sont transférés de manière automatique ou volontaire (article L. 5211-9-2 du CGCT). Impossible également de transférer les attributions déjà transférées à un autre EPCI. Deux exceptions : les cas de substitution permettant aux EPCI à fiscalité propre d’être investis des compétences transférées à des syndicats préexistants, sans dissolution préalable de ces derniers ou restitution de leurs compétences aux communes ; et les cas de représentation-substitution permettant aux EPCI à fiscalité propre de se substituer aux communes au sein des syndicats. En tout état de cause, la commune conserve la clause de compétence générale (L. 2121-29 du CGCT) sur son territoire et l’EPCI ne peut agir en dehors des compétences qui lui ont été attribuées. Toutefois, la clause de compétence générale n’est pas sans limite. Sa mise en œuvre doit être justifiée par un intérêt public communal, qui ne relève pas d’une compétence expressément attribuée à une autre collectivité ou à l’État.
La commune est dessaisie des compétences qu’elle a transférées
L’EPCI n’est compétent que pour intervenir à l’intérieur de son périmètre, c’est-à-dire au seul bénéfice de ses communes membres. Par exception, la jurisprudence tolère qu’un groupement intervienne en dehors de son périmètre pour exercer l’une de ses compétences. Notamment, en matière d’eau potable. Le groupement doit alors être dans l’impossibilité de mener à bien sa mission sur le territoire d’une commune membre et répondre exclusivement à un besoin d’ordre intercommunal. Par ailleurs, un EPCI peut déroger au principe de spécialité lorsqu’il réalise des prestations de service par voie de convention au profit de communes non membres. Il est alors assujetti aux règles de la commande publique (publicité et mise en concurrence).
Avec le principe d’exclusivité, les EPCI sont les seuls à pouvoir agir dans les domaines se rattachant aux compétences qui leur ont été transférées. Il ne leur est toutefois pas interdit de transférer certaines compétences à un syndicat mixte. La commune est immédiatement et totalement dessaisie des compétences transférées, et ne peut plus exercer elle-même la compétence. Elle ne peut pas non plus la transférer un autre EPCI, sauf à se retirer préalablement de celui dont elle est membre. Les fonctionnaires territoriaux chargés de la mise en œuvre de la compétence sont transférés et relèvent de l’EPCI dans les conditions de statut d’emploi qui sont les leurs. En cas de transfert partiel de compétence, la commune peut conserver les services concernés.
Marie Gasnier
