Théo Perez : “Les leviers sont essentiellement à la région et à la métropole mais les idées, elles, sont partout !” (1/2)

Publiée le 28 mai 2021 à 9h15 - par

Première partie de notre entretien avec Théo Perez, maire de Bois-Guillaume (76).
Théo Perez : “Les leviers sont essentiellement à la région et à la métropole mais les idées, elles, sont partout !” (1/2)

Votre élection à la tête d’une liste citoyenne a créé la surprise. Vous avez été élu au cœur de la crise sanitaire. Quelles ont été vos premières actions pour soutenir l’économie ?

Il y a effectivement de meilleurs contextes pour s’installer. Lorsque nous avons été élus, le 28 juin 2020, la France se relevait doucement du premier confinement. L’activité économique était bien relancée, mais nous nous dirigions tout droit vers de nouvelles restrictions. Nous avons profité de ces temps d’accalmie pour nous mettre en action. Dans l’urgence, à notre échelle et compte tenu de nos moyens d’actions, nous avons fait le choix de nous concentrer sur nos commerçants et artisans. Ils bénéficiaient, pour la plupart, des aides de l’État, de la Métropole et de la Région. En complément, nous avons essayé de peser sur leur activité, en agissant sur la consommation. Nous avons ainsi, par exemple, mis en place une mesure de soutien à la consommation de 60 000 euros. Cette initiative a pris la forme de chèques, distribués par la ville aux personnes âgées, et dont l’utilisation était strictement ciblée sur les commerces de proximité (identifiés en fonction du chiffre d’affaires et de la surface de commerce notamment, celle-ci devant avoir une surface de moins de 400 m2). Cette action a très bien fonctionné, et les retours des commerçants et des habitants ont été excellents. À tel point que nous nous interrogeons sur la possibilité de pérenniser cette aide.

Le contexte sanitaire vous a-t-il obligé à revoir votre projet politique ? Quels sont dans tous les cas ces axes forts en matière économique ?

Il est encore un peu tôt pour mesurer l’impact de la crise sanitaire sur notre projet politique. Les premiers mois d’un mandat, surtout quand ils se couplent d’un renouvellement des équipes, sont destinés à poser les bases du programme, et à installer le programme pluriannuel d’investissement (PPI). Autrement dit, la première année n’est pas la plus « consommatrice » de crédits. Pour le moment donc, nous maintenons notre trajectoire. Nous verrons, en fonction des potentielles conséquences budgétaires de la crise sanitaire, si nous devrons la réajuster en cours de mandat. Il est en effet probable que le bloc local joue les variables d’ajustement, et que nous contribuions de nouveau au « redressement des comptes publics ». Le cas échéant, notre PPI pourrait se trouver impacté et devra être ajusté en conséquence.

Cependant, et toutes choses égales par ailleurs, notre projet politique développe quelques axes qui contribueront à la relance économique :

  • À travers la commande publique dans un premier temps : un plan d’investissement ambitieux (à notre échelle) sera déployé au cours des 5 prochaines années. 15 millions d’euros d’investissement supplémentaire (c’est-à-dire en plus de l’investissement « récurrent ») sont prévus : travaux, constructions d’équipements publics, réhabilitations, rénovations énergétiques des bâtiments municipaux, aménagements d’espaces publics, etc. L’objectif est que cet effort d’investissement puisse être en partie capté par les entreprises et sous-traitants locaux.
  • À travers le soutien aux commerçants et artisans : le contexte nous a fait prendre conscience de leur fragilité et de leur isolement. C’est donc une nouveauté dans notre projet politique car nous ne l’avions pas anticipé. Nous allons certainement pérenniser les aides à la consommation (à travers notre dispositif « chèques seniors »), accompagner les petits commerçant à la digitalisation, et développer un programme de communication pour inciter les habitants à privilégier les commerces de proximité. Ce soutien renforcé passe également par la création d’événements nouveaux, qui permettront de mettre en valeur ces acteurs : fête de la ville où nous réserverons des stands aux commerçants, là où ils étaient auparavant réservés aux associations. Nous créerons aussi, j’espère dès juin si le contexte nous le permet, une série de « marchés nocturnes », là encore réservés à nos commerçants locaux.
  • Travail commun avec le secteur tertiaire : la ville héberge deux zones d’activités, dont une, la plaine de la ronce, est en plein développement. Chaque jour, près de 10 000 personnes viennent travailler à Bois-Guillaume, qui compte de nombreux sièges de grandes structures (Caisse d’épargne, Crédit agricole, Chambre de l’Agriculture, CHU, etc.). Nous avons développé avec ces moyennes et grandes entreprises des échanges tournés surtout autour de la mobilité avec une question qui guide notre action : comment la ville peut-elle être moteur dans la mobilité professionnelle sur son territoire ?

L’heure est à l’innovation. Est-il vraiment possible d’être innovant en matière économique à l’échelle communale lorsque l’on sait qu’une grande partie de la compétence « développement économique » incombe désormais aux EPCI ?

Certes, les leviers en matière de « dévéco » sont essentiellement à la région et à la métropole mais les idées, elles, sont partout ! Quelques semaines après mon élection, j’ai été invité à témoigner au Village by CA de Rouen. L’invitation venait de Néoma, l’école de commerce, qui animait ces jours-là des formations auprès de jeunes entrepreneurs incubés. J’étais invité à venir témoigner sur mon expérience d’élu, mais le vrai plus de cette journée, ce sont les échanges que j’ai eus avec ces jeunes entrepreneurs. Une partie de notre économie est en transition avec des projets qui se rapprochent souvent, je trouve, du service public. Ces nouveaux acteurs, et c’est heureux, ont tout à fait intégré les enjeux de transition écologique, et édifient d’ailleurs leurs projets d’entreprise sur cet enjeu. J’ai gardé le contact avec quelques-unes d’entre elles, et nous réfléchissons actuellement au développement de projets en lien avec la mobilité. Il y a un tissu dense d’entreprises qui peuvent apporter beaucoup d’innovations et avec qui les communes peuvent nouer de beaux partenariats.

C’est aussi le cas de l’économie sociale et solidaire à laquelle je crois beaucoup. Nous en avons quelques-unes installées sur le territoire et nous développons de nouveaux partenariats. Cela passe par des contrats de prestations (en ce qui nous concerne, sur le recyclage des déchets dans la démolition de bâtiments, ou encore sur le recyclage des déchets dans les écoles, services aujourd’hui pas ou mal assurés par le secteur public) ou par des aides plus indirectes comme la mise à disposition d’un local.

Vous avez fait le pari de la démocratie participative en créant une plateforme citoyenne et en lançant un projet de budget participatif. Est-ce une façon d’être mieux ancré dans la réalité et de chercher des idées nouvelles en mobilisant l’intelligence collective ? Des propositions originales ont-elles déjà retenu votre attention sur le plan économique ?

Nous faisons de la démocratie participative une méthode. Sur la plupart des projets, nous consultons, nous concertons, et parfois même, nous faisons décider. Nous avons installé une convention citoyenne sur l’urbanisme, mis en place une plateforme de concertation, nous allons créer les conseils de quartiers et nous mettons en effet en place un budget participatif de 100 000 euros par an (pour commencer)…

Parmi toutes ces initiatives, je trouve que le budget participatif est l’outil le plus pertinent, dans lequel le citoyen devient vraiment acteur puisque qu’il intègre dans le transfert de la décision publique une partie de la décision financière. C’est aussi une façon en effet de mobiliser l’intelligence collective. De belles propositions voient le jour. Une d’entre elles consiste à créer une halle commerciale, regroupant commerces alimentaires et artisanat. Nous observerons cette proposition avec beaucoup d’intérêt, car elle pourrait très bien s’intégrer dans notre projet de Cœur de Ville, qui est le point central de notre mandat.

Propos recueillis par Fabien Bottini, Consultant qualifié aux Fonctions de Professeurs des Universités

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