Yvonic Ramis, DGS de Vichy Communauté : « L’enjeu résidera dans notre capacité à capitaliser positivement au-delà de la crise pour continuer à mieux œuvrer en synergie »

Publié le 22 avril 2020 à 9h00 - par

Face à la gestion de la crise sanitaire liée à la propagation du Coronavirus, les collectivités doivent se coordonner pour maintenir une continuité d’activité et protéger les agents. Yvonic Ramis, Directeur général des services de Vichy Communauté, répond à nos questions et nous fait part de son expérience.

Interview de Yvonic Ramis, Directeur général des services de Vichy Communauté
© Palais des Congrès Opéra Ville de Vichy - Laurence Plancke

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Covid-19 : des acteurs publics face à la crise sanitaire
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Quelles sont les premières urgences que vous avez eues à gérer devant la crise du Coronavirus, eu égard à votre type de collectivité et au territoire ? Quels sont les services publics essentiels que vous maintenez ?

Yvonic Ramis, Directeur général des services de Vichy Communauté

Yvonic Ramis

Dès le vendredi 13 mars, une cellule de crise inter-collectivités a été créée à l’initiative de Frédéric Aguilera, Maire de Vichy et Président de Vichy Communauté. Elle regroupe, sous la coordination conjointe de la ville de Vichy (le directeur général des services) et de l’agglomération (le DGST mutualisé) des élus municipaux et communautaires et des cadres des deux entités. Cette cellule de crise a été élargie rapidement aux communes de Cusset et Bellerive / Allier qui forment le cœur urbain principal et dense de l’agglomération.

Très rapidement de nombreuses questions souvent très opérationnelles sont remontées par les habitants. Aussi dès le 13 mars, la création d’une cellule d’écoute sur tous sujets (hors problématiques sanitaires) a été décidée, un numéro vert « Vichy Solidaire » a été déployé le 19 mars. Il est administré par des agents de la ville de Vichy, du CCAS de Vichy, du CCAS de Cusset et de l’agglomération sous la coordination du directeur de l’action sociale et de la santé de l’agglomération. Les 1res questions tournaient autour des autorisations de déplacements et rapidement les situations d’isolement, de pénurie en approvisionnements alimentaires sont apparues. Aussi, nous avons décidé d’octroyer des cabas alimentaires pour toute personne en faisant la  demande, depuis un mois plus de 1 000 cabas ont été livrés par des agents publics. En outre, l’usine L’Oréal de Vichy a reconverti son appareil de production dès le 16 mars pour produire du gel hydroalcoolique à destination de tous les organismes du territoire et même au-delà (Ehpad, associations, collectivités, entreprises…). L’agglomération a assuré un relais de distribution auprès de nombreux organismes et des communes notamment.

Dans le même temps, les plans de continuité d’activités (PCA) des trois communes principales et de Vichy Communauté ont été déployés. Ils concernent essentiellement :

  • Les services sociaux : aides à domicile des CCAS,
  • Le numéro Vert « Vichy Solidaire »,
  • L’entretien minimum des espaces publics,
  • Sécurité publique : police municipale et règlementation,
  • Maintenance des ouvrages et bâtiments (barrage, plan d’eau, bâtiments sportifs, culturels, associatifs, voirie, éclairage public…)
  • Un service d’accueil est assuré au service l’État-civil uniquement pour les actes courants : naissances, décès et reconnaissance d’enfants,
  • Les transports en commun,
  • Les services d’assainissement,
  • La production et distribution de l’eau potable,
  • La collecte et le traitement des déchets (puis réouverture partielle sur rendez-vous d’une déchèterie pour les particuliers).

Tous les autres services au public, et notamment les accueils des  mairies, de l’Hôtel d’agglomération et de la Maison France Service au Mayet-de-Montagne, sont fermés. Seul l’accueil téléphonique est maintenu et la plupart des agents sont en télétravail. En synthèse, un dispositif très important a été déployé à l’échelle de l’agglomération, mobilisant indifféremment des agents communautaires et municipaux et dépassant les frontières administratives classiques.

À ce stade, dans quels domaines considérez-vous que votre organisation était prête à réagir au mieux et ce qu’il faudrait améliorer, voire créer ?

Notre organisation était prête sur les services à vocation technique, à savoir ceux fonctionnant en astreintes et ayant une culture récurrente de la continuité de service en toutes circonstances (eau potable, assainissement, interventions techniques diverses). En revanche, le déploiement massif et très rapide du télétravail (250 à 300 agents en télétravail permanent sur un peu plus de 1 000 agents publics entre la ville de Vichy et Vichy Communauté contre une cinquantaine habituellement), la définition précise des PCA ou encore l’acculturation à tous les outils de visio/téléconférence auraient mérité une anticipation plus forte. De même, l’organisation de la cellule de crise elle-même nécessitera une analyse approfondie pour être mieux préparés lors de prochains évènements graves.

La mobilisation des agents et élus est totale, la gestion de la crise fonctionne positivement de l’avis général, mais cela masque des nettes marges d’amélioration dans la coordination et dans l’action, même si l’une des vertus essentielle sur la période actuelle de crise, est le dépassement total des frontières institutionnelles et hiérarchiques habituelles. Des agents des mairies, des CCAS et de l’agglomération travaillent ensemble dès le 1er jour. Beaucoup se sont découverts depuis un mois, le décloisonnement est tout aussi total que brutal et finalement positif. Il n’en demeure pas moins éphémère car lié à la présente crise sanitaire. Il nous faudra capitaliser pour parvenir, non pas à dupliquer le décloisonnement total en période « normale », mais pour acter de fonctionnements plus horizontaux inter-institutions en tous temps. L’élément le plus prégnant depuis le 17 mars 2020, début du confinement, réside dans l’évidence d’un pilotage et d’une coordination intercommunale de la solidarité entre les femmes et les hommes mais aussi entre les institutions. À ce titre, un fil WhatsApp des 39 maires et des membres du bureau de l’agglomération ou encore, des réunions hebdomadaires en téléconférence/visioconférence entre les maires et le Président de l’agglomération, permettent aux élus municipaux d’être aidés et de rompre l’isolement notamment dans les communes les plus éloignées de Vichy. Par ailleurs, en matière de soutien aux entreprises, un travail exemplaire et finalement inédit entre l’agence communautaire de développement économique, les services de l’agglomération et les différents managers de centre-ville (dont celle de la ville de Vichy) a permis d’établir un questionnaire à destination de toutes les entreprises dès la fin mars et de recueillir plus de 500 réponses. Un suivi est assuré par l’agence et les managers de centre-ville avec des contacts réguliers avec les entreprises demandeuses. Cela va nous permettre de mieux cibler nos aides directes que l’agglomération souhaite octroyer d’ici la fin avril aux entreprises allant au delà du fonds de solidarité déjà financé aux niveaux national et régional.

Une crise est souvent révélatrice, à ce stade, qu’a-t-elle révélé sur vos forces et vos faiblesses ?

Les forces principales, à ce jour, résident dans notre volontarisme pour aider nos habitants et entreprises, celui de nos élus d’abord, à commencer par le Président de l’agglomération qui a souhaité, d’emblée, tout faire pour éviter, en sus de la crise sanitaire, une crise humanitaire et limiter autant que de possible les impacts économiques. Ce volontarisme, partagé par les maires de Cusset et Bellerive / Allier ainsi que par de nombreux autres maires, a généré un effet d’entrainement puissant à l’égard des services municipaux et communautaires, qui se mobilisent sans compter pour certains d’entre eux, au bénéfice de la solidarité locale. Nous agissons sur de nombreux champs, bien souvent en dehors de nos compétences habituelles mais toujours en lien et avec l’accord des institutions ou organismes concernés. Quelques personnalités clés se révèlent également et certaines problématiques soulevées préalablement à la crise sanitaire, deviennent des préoccupations quotidiennes partagées par tous. Ce volontarisme politique et des services transcende donc les institutions et les repères hiérarchiques et fonctionnels. L’enjeu résidera dans notre capacité à capitaliser positivement au-delà de la crise pour continuer à mieux œuvrer en synergie, dans le respect des prérogatives de chaque institution. En outre, la création en 2016 de nombreux services mutualisés entre l’agglomération et les trois communes principales du territoire sur toutes les fonctions supports ou presque (RH, finances, SI, juridique, marchés, ingénierie technique…) permet des actions rapides, efficaces et coordonnées en dépit de différences culturelles et de pratiques entre institutions. C’est particulièrement le cas sur les sujets RH, informatiques, d’ingénierie technique ou juridiques avec des réflexions concertées et actions communes (dialogue social coordonné puis décliné spécifiquement par institution…).

En revanche, l’absence de reporting formalisé dans nos institutions se révèle pénalisant car le suivi des missions réellement exercées dans le cadre des PCA et surtout en télétravail demeure partiel. Un outil de pilotage a été déployé dans des délais contraints pour assurer un suivi courant de l’action des services municipaux et communautaires mais aussi pour pouvoir analyser les réussites et échecs de l’action des services pendant la crise (notamment sur le télétravail) afin d’améliorer nos fonctionnements en période normale et pour mieux appréhender de potentielles prochaines crises. Par ailleurs, le dispositif de coordination de la cellule inter-collectivités, déployé en urgence, tout en se révélant plutôt opérant, méritera de profondes améliorations pour être plus efficient, notamment dans l’acculturation des cadres et agents mais aussi dans la structuration elle-même du dispositif de gestion de crise.

Beaucoup de citoyens et d’entreprises prennent conscience de l’importance d’un service public qui allie solidarité et efficacité, quel message souhaiteriez-vous faire passer ?

Cette crise sanitaire inattendue, mais parfaitement non inédite, redonne une dimension humaine à nos quotidiens de plus en plus virtualisés. Je retiens, comme dans de nombreux territoires, la particulière bienveillance des habitants et usagers de nos services publics à l’égard des agents publics notamment sur des fonctions peu valorisées habituellement, comme les métiers de l’assainissement, de l’entretien des espaces publics, ou encore des déchets ménagers. Je retiens aussi et surtout l’utilité, pour ne pas dire la nécessité, d’une parfaite coordination des services publics à l’échelle locale quel que soit le mode de gestion du service, dit autrement c’est l’hybridation des modalités de l’action publique locale qui fait la force de nos démarches du moment. Les agents publics locaux, qu’ils soient fonctionnaires, salariés d’entreprises privés titulaires de contrats (concessions ou marchés publics), salariés d’associations, élus locaux bénévoles œuvrent tous au service de l’intérêt général. C’est bien une illustration qu’au-delà de la forme, du contexte politique, du statut ou autre, c’est bien le sens – celui de l’intérêt général – qui fait la force, la reconnaissance et donc la détermination des agents publics locaux.

Enfin, j’aimerais exprimer un coup de gueule et de profonds motifs d’espoir. Un coup de gueule : la récurrence des allégations abjectes « complotistes » et autres discours populistes de partis extrémistes et autres pseudos intellectuels visant à tirer, quel que soit le gouvernement en place, sur les gouvernants au plan national ou européen. Mon propos ne vise aucunement à faire l’apologie du gouvernement en place, mais il faut des dirigeants démocratiquement élus, l’histoire l’a bien démontré et a surtout prouvé les graves errements de régimes non respectueux des valeurs démocratiques. Ils ont été élus, alors laissons les diriger et demandons leur des comptes en temps utile. Ce moment n’est pas venu. La récurrence de la contestation stérile divise les femmes et les hommes sans projets alternatifs crédibles et ouvre la voie à l’anarchie, à la violence, et affaiblit encore les plus vulnérables.

De profonds motifs d’espoirs : les mouvements de solidarité dans les entreprises, entre entreprises, les initiatives spontanées ou structurées de la part d’innombrables bénévoles tout aussi anonymes qu’essentiels depuis plus d’un mois attestent d’une société peut-être en meilleure santé que le discours ambiant. Sans fatalisme, je peine à croire à un sursaut brutal citoyen sur l’urgence écologique. Je crois plutôt à une prise de conscience autorisant par étapes – lesquelles doivent néanmoins être rapides – un changement des habitudes de consommation conséquences de nouvelles priorités sociales. Le retour aux fondamentaux imposé par cette crise inattendue, à savoir principalement la force des relations humaines, peut permettre d’espérer en une société plus à l’écoute des vrais enjeux de société, à commencer par ceux de l’environnement naturel dans lequel nous évoluons.

Propos recueillis par Hugues Perinel


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