Merci ! Et après ? Quelle reconnaissance du rôle des agents « invisibles »

Publié le 17 juin 2020 à 12h32 - par

Dans la web-conférence organisée par WEKA, le 11 juin 2020 intitulée « Comment faire pour que la reprise ne soit pas une nouvelle crise ? », nous vous proposons le passage suivant dans lequel les intervenants échangent sur les modalités de la nécessaire reconnaissance des agents dits « invisibles ».

Merci ! Et après ? Quelle reconnaissance du rôle des agents "invisibles"

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Les acteurs publics face à la crise sanitaire
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Tous les soirs à 20h00, pendant le confinement, les applaudissements ont retenti aux fenêtres dans tout le pays. Expression de la reconnaissance des français envers les personnels de santé, le mouvement s’est très vite étendu à tous les métiers qui ont permis au pays de continuer de fonctionner. En effet, le Covid-19 et le traitement médiatique de la crise ont mis en exergue des métiers que l’on ne regarde pas en temps « normal ». Ils sont culturellement « secondaires » dans les organisations. On les appelle « petites mains » ou « invisibles » ou « métiers pénibles » mais sur eux reposent la cohésion de notre société.

Parmi eux, de nombreux métiers relèvent du service public. Ceux en charge de la collecte des ordures ménagères, de la propreté urbaine, de la gestion de l’eau potable, de l’assainissement, des transports, etc. relèvent essentiellement de la catégorie C non encadrante et sont très mal payés.

Ce rituel a apporté une visibilité symbolique forte à ces métiers « invisibles ». L’impact est important. Sur les personnels en question, qui ont ainsi reçu une reconnaissance rare jusque-là, que ce soit de la part de leur organisation, des élus ou des citoyens. Sur nos représentations collectives dont les valeurs fondatrices ont été questionnées.

Les questions des modalités de leur reconnaissance et de leur gestion se sont très vite posées et ce, dès le confinement.

Dans l’extrait que nous vous proposons, Jean-Jacques Roux, DGS de Marignane propose d’y répondre en deux temps.

L’objet de la reconnaissance (l’entrée). C’est la première question qu’il pose.

Il existe deux types de reconnaissance :

  • celle du travail effectué par ces agents pendant la crise ;
  • celle de ces métiers au sens du nécessaire bouleversement de la hiérarchie culturelle des métiers dans les organisations.

Il faut donc distinguer une reconnaissance de nature ponctuelle de celle de nature plus durable qui doit notamment se traduire juridiquement, et dans la posture de la hiérarchie et des managers.

Deux modalités de reconnaissance sont possibles

La reconnaissance matérielle.

  • L’une, ponctuelle, qui a très vite été identifiée et proposée dans son volet financier sous la forme de primes exceptionnelles (décret du 14 mai 2020).
  • L’autre pérenne, qui passe par la question salariale. Il s’agit de mettre en place une reconnaissance de ces métiers par une meilleure équité dans la hiérarchie des métiers des organisations.

La meilleure voie en GRH réside dans l’existence, dans les organisations, d’une grille salariale qu’un certain nombre de collectivités parvient à faire pour les fonctions d’encadrement (RI proportionnel et homogène par niveau de responsabilités exercées), mais que très peu font pour les catégories C non encadrantes. Il faut ouvrir un vrai travail sur ces dernières.

Ce chantier est incontournable mais éminemment difficile sur les plans éthique et financier.

Comment définir ce qui est utile et pénible sur l’ensemble des métiers ?

Plus en avant dans la web-conférence, Jean-Robert Massimi, Directeur général du Conseil supérieur de la Fonction publique territoriale souligne deux points. Dans l’organisation pyramidale actuelle, la voie de la revalorisation des grilles statutaires est un chantier qui a un impact sur toutes les autres catégories. Le coût financier est donc énorme. Dans le contexte de baisse de la masse salariale et de crise économique sévère qui s’annonce, qui devra, qui pourra, qui voudra payer ? Et dans quel périmètre de métiers : le médical, le médico-social, le technique ? Autant de difficultés qui devraient être résolues en amont si on ne veut pas multiplier déceptions et frustrations.

La seconde renvoie à des modalités immatérielles de la reconnaissance.

Elles sont tout aussi importantes que la première et très simples, même si le changement de posture individuel et collectif requis est complexe. C’est du changement de représentation dont il est question.

Pour Jean-Jacques Roux, les métiers invisibles doivent notamment être davantage valorisés dans la communication interne, lors des rituels de l’organisation (vœux aux personnels, etc.) et surtout dans la posture quotidienne des cadres supérieurs vis-à-vis de ces agents.

En termes de management, les termes de confiance, d’écoute et de développement de leur capacité d’agir ne doivent pas rester lettres mortes.

Pour les agents qualifiés de « petites mains » dans l’ancien monde, les solutions sont donc à inventer. Les cadres organisationnels et juridiques actuels ne sont pas pensés pour une valorisation d’égalité de considération au sein des grilles de métiers. La solution passe par un juste équilibre entre reconnaissance matérielle et immatérielle, lequel est forcément différencié entre les métiers, les organisations voire les territoires.

Enfin, il est évident que les solutions ne peuvent être imaginées sans les agents concernés eux-mêmes. Le dialogue social, voire la coproduction serait la première étape symbolique forte du changement de posture et de représentation de l’organisation vis-à-vis de ces agents. Ces derniers ont été, rappelons-le, au cœur de la créativité, de la solidarité et de la continuité du service public pendant la crise, au plus près des besoins des populations.

Séverine Bellina et Hugues Perinel, Réseau service public