L’engagement et la solidarité des agents territoriaux

Publié le 29 mai 2020 à 8h30 - par

Nous vous proposerons pendant quelques semaines, chaque vendredi, une synthèse des interviews d’acteurs locaux que nous avons réalisées pendant le confinement pour WEKA. Nous avons choisi les sujets qui ressortaient majoritairement de ces récits et qui nous semblaient pertinents en termes de capitalisation et de projection vers l’après.

L'engagement et la solidarité des agents territoriaux

Cet article fait partie du dossier :

Les acteurs publics face à la crise sanitaire
Les acteurs publics face à la crise sanitaire
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Nous tenions à débuter par la question centrale de l’engagement et de la mobilisation des agents pendant le confinement.

À la question « Qu’est-ce que la crise a révélé sur les forces de vos organisations ? », les interviewés répondent en majorité et en premier lieu : l’engagement et la solidarité des agents qu’ils soient territoriaux, hospitaliers ou de l’État. À contre-pied du fonctionnaire bashing, les termes utilisés pour décrire le travail et la posture des agents, toutes catégories confondues, sont : solidaires, réactifs, volontaires, engagés, experts, professionnels et courageux.

Quand solidarité rime avec polyvalence

C’est tout d’abord leur mobilisation spontanée et volontaire pour « être acteur », « pour faire leur part dans le cadre de la gestion de la crise » qui est soulignée. Pour Sonia Hasni, sous-préfète de Vervins, « il a même été difficile de demander à certains d’entre eux, en 2e ligne, de devoir rester à la maison du fait du confinement alors qu’ils étaient volontaires pour agir ». Comme tous les acteurs impliqués dans la gestion de la crise, il y a chez les agents, la crainte légitime de contracter le virus mais en même temps une grande fierté de contribuer à rendre soutenables le confinement et ses conséquences pour l’ensemble de leurs concitoyens, relate Pierre Laplane, DGS-Ville et Eurométropole de Lille.

Pour de nombreux agents, cet engagement s’est traduit par une sortie de leur zone de confort du jour au lendemain. La solidarité, les bonnes volontés, la disponibilité et des qualités morales indéniables sont alors nécessaires comme le rappelle Jean-Luc Bertoglio, DGS de la Communauté d’agglomération Béziers Méditerranée. Les agents se portent volontaires pour assurer des missions différentes, depuis leur domicile ou sur le terrain, par solidarité avec leurs collègues et par engagement pour servir les habitants. Les agents se sont ainsi redéployés autour des services prioritaires identifiés avec la mise en œuvre des plans de continuité d’activités (PCA). Ils sont également redéployés pour la mise en place des nouveaux services aux usagers développés sur les territoires afin de maintenir le lien social et de venir en aide aux publics les plus précaires. Enfin, ils ont rempli les rangs des réserves opérationnelles constituées dans certaines collectivités constituées d’agents volontaires pour d’autres services, agents ou institutions voire partenaires privés telles que les associations.

« Prend soin de tes agents et ils prendront soin des usagers1 »

Pour Olivier Vernay, DGS de la Communauté de communes des Terres du Val de Loire, la crise a accéléré « la cohésion des équipes et la construction d’une culture commune ». D’ailleurs, cet engagement et cette solidarité se sont accompagnés de la mise en place d’un management centré sur l’humain.

La protection des agents a été la préoccupation première des collectivités locales. Elle est notamment passée par la mise en place du travail à distance, l’accompagnement de ce dernier tout comme des agents en arrêt, l’équipement des agents mobilisés sur le terrain (autant que cela était possible…) et la mise en place de services d’appui psychologique.

Dans la plupart des collectivités locales, à la veille et au début du confinement, priorité a également été donnée à la communication claire et transparente, l’information et la conservation du lien avec les agents, autant que possible, tout au long du confinement notamment ceux en arrêt. Il s’est aussi agi de tenter de conserver une dynamique collective malgré la diversité et l’inégalité des situations entre agents, en particulier en termes de sollicitations et de contraintes.

Le rôle spécifique des cadres territoriaux

Pour les interviewés, les DGS se devaient d’être au cœur de cette intelligence collective par l’action. Ils ont, pour Hélène Guillet, DGS de Vertou au moment de son interview, le plus souvent apporté la confiance, de la résolution, la préservation d’un esprit d’équipe, du calme et de la sérénité. Il fallait ne pas céder à la panique, ne pas être emporté par la pression et rester aligné pour garder la motivation et l’engagement des agents afin de faire tourner au mieux les services essentiels et indispensables. « Nous y sommes parvenus » affirme Pierre Laplane. Grâce à « notre capacité à mobiliser autour de nous les agents prêts à s’engager pour peu qu’on leur fasse confiance ». Donner plus de responsabilités aux agents est d’ailleurs une leçon à retenir.

Les récits témoignent par ailleurs clairement de l’importance tant de la solidité et de la solidarité des « CODIR » dans cette dynamique que de l’engagement et du leadership des élus, Pierrick Raude, DGS-Coban. Ce que Jean-Luc Bertoglio formule très clairement aussi : « une direction générale soudée avec les élus “leaders” ont été indispensables ».

La confiance source de créativité retrouvée

La coopération renforce et la solidarité unie, nous dit Alexandra Artis, DGA de la ville de Vence et Directrice du CCAS. C’est dans ce terreau fertile, que l’inventivité et la créativité des agents se sont épanouies pour Virginie Haldric, DGA du Département du Var, permettant la résilience des agents et de l’administration. C’est en outre, pour Hélène Guillet, « en puisant dans la force du collectif qui caractérise les services publics, la puissance d’expertise des équipes ainsi que la confiance interne horizontale, verticale et transversale ainsi que la performance de nos collectivités de travail que les administrations ont révélé leur capacité d’adaptation ». Ajoutons, la confiance et la reconnaissance accordée par les citoyens, la mise en lumière des agents invisibles qui ont également été des forces non négligeables.

Ce sont autant de pistes sur lesquelles il faudra rebondir. Avant cela, les retours d’expériences sont incontournables.

Les agents, service public chevillé au corps et animés d’un grand sens de l’intérêt général, sont donc au cœur de l’adaptabilité et de l’efficacité du service public pendant la crise. Pour l’après, les questions de la reconnaissance, des budgets et des transformations s’imposent aux collectivités locales, à l’État, aux citoyens et aux entreprises.

L’importance de la participation des autres acteurs à l’action publique

Car si la crise a rappelé le caractère fondamental du service public pour la cohésion de notre société et le maintien de « ses fonctions vitales », elle a également montré que le service public ne pas tout faire seul. La concertation avec les acteurs économiques et sociaux est fondamentale. Bien plus, c’est par la convergence des efforts avec l’ensemble des acteurs que l’impact de l’action publique se trouve démultipliée selon Aurélia de Portzamparc, DRH de la Communauté d’Agglomération, Ville et CCAS de Pau.

Nous reviendrons sur cet enjeu dans un prochain billet.

Séverine Bellina et Hugues Perinel, Réseau service public


1.Aude Fournier, DGA du Conseil Départemental du Nord.