Réforme des retraites : l’unification des règles de pension nécessite le maintien de spécificités métiers

Publié le 7 février 2020 à 16h15 - par

Le Conseil d’État a été saisi le 3 janvier 2020 d’un projet de loi organique « relatif au système universel de retraite » et d’un projet de loi « instituant un système universel de retraite ». L’avis rendu par le Conseil d’État, les jeudis 16 et 22 janvier 2020, sur les projets de texte est particulièrement critique.

Réforme des retraites : l’unification des règles de pension nécessite le maintien de spécificités métiers

Les deux textes soumis au Conseil d’État visent à réaliser une réforme de grande ampleur de l’assurance vieillesse et des régimes complémentaires obligatoires de retraite. Ils conduiront à la mise en place d’un « système universel de retraite » (SUR). Ils énoncent six objectifs assignés au système universel : lisibilité des droits constitués par les assurés tout au long de la vie, liberté de choix de la date de départ à la retraite, équité des cotisations et prestations, solidarité au sein des générations, garantie de niveau de vie pour les retraités et soutenabilité économique du système universel.

Vers une unification des règles de pension

Le projet de loi portant réforme des retraites procède à l’unification des règles de pension en passant à une logique d’acquisition de points de retraite sur l’ensemble de la carrière dans le cadre d’un système unique. Dans ce système, chaque affilié dispose d’un compte personnel de carrière alimenté par les cotisations patronales et salariales assises sur ses rémunérations et par les versements effectués en compensation de certaines périodes prises en compte bien que non travaillées.

Le projet de loi créé ainsi un « système universel » par points applicable à l’ensemble des affiliés à la sécurité sociale française, du secteur privé comme du secteur public. Il se substitue aux régimes de base et aux complémentaires et surcomplémentaires obligatoires. Les cotisations sont alors immédiatement transformées en points, selon la « valeur d’acquisition » du point à la date de leur paiement. Et lorsque la personne demande à prendre sa retraite, ces points sont transformés en montant mensuel de pension.

Le montant de la pension de retraite est défini comme le produit du nombre de points acquis par l’assuré à la date de liquidation de sa pension et de la valeur de service du point applicable à cette date. Ce montant est affecté d’un coefficient proportionnel au nombre de mois qui sépare la date de liquidation de l’âge d’équilibre applicable à la génération de l’assuré. Cet âge d’équilibre est indexé sur l’évolution de l’espérance de vie à la retraite.

Âge d’équilibre, départs anticipés et maintien de la CNRACL

Pour les fonctionnaires, le système actuel de décote et de surcote est remplacé. Il consistait à minorer ou majorer la pension lorsqu’elle est liquidée en deçà ou au-delà d’une durée d’assurance minimale (« durée du taux plein »). Un âge de référence, dit « âge d’équilibre », est aussi déterminé pour chaque génération. Il pourrait atteindre 64 ans à l’entrée en vigueur de la réforme.

Le projet de loi portant réforme des retraites maintient la règle, posée par la loi n° 2010-1330 du 9 novembre 2010, selon laquelle l’âge légal d’ouverture du droit à la retraite est fixé à 62 ans. Les syndicats réclament quant à eux unanimement un âge de 60 ans et non de 62 ans. La disparition de la catégorie active, qui permet à certains fonctionnaires de partir 5 à 10 ans plus tôt à la retraite, est confirmée.

Le projet de loi prend en compte la pénibilité et l’usure de certains métiers. Des décrets à venir détermineront les emplois qui permettront des départs anticipés. Les sapeurs-pompiers professionnels et les policiers municipaux sont par exemple concernés par le maintien de départs anticipés. Les postes d’aide-soignant (filière médico-sociale) pourront également à cette fin faire l’objet d’une cotation. Un compte épargne temps déplafonné et utilisable à raison d’un ou deux jours par semaine jusqu’à la retraite sera également créé.

Malgré le remplacement des 42 régimes de retraite existants par le système universel, la Caisse nationale de retraites des agents de la fonction publique (CNRACL), qui gère actuellement les pensions des fonctionnaires territoriaux et hospitaliers, va continuer à exister. Rapidement le gouvernement prendra des ordonnances afin d’affiner les dispositions techniques du projet de loi comme celles relatives à l’inaptitude, la pénibilité ou l’invalidité.

Les mères de famille sont les grandes perdantes de la réforme

Les mères fonctionnaires futures retraitées de la fonction publique seront loin d’être les gagnantes de la réforme des retraites. D’après les six cas présentés dans l’étude d’impact du gouvernement (page 182 à 191), quatre salariés mère de deux enfants sont perdantes si elles prennent leur retraite avant 65 ans. Les pensions de retraite des femmes (1 300 € en moyenne) sont pourtant déjà largement inférieures à celles que touchent les hommes (1 800 € en moyenne). Le nouveau système par points sera, dans de nombreux cas, moins favorable aux mères de famille, si elles prennent leur retraite entre 62 et 65, voire 66 ans (de 50 € à plus de 300 € selon le cas).

De nouveaux arbitrages sur la réforme des retraites dans la fonction publique seront prochainement rendus lors d’une réunion avec les syndicats et employeurs dans la semaine du 10 février.

Sources :

Projet de loi organique relatif au système universel de retraite NOR : SSAX1936435L/Bleue-1, Texte soumis à la délibération du Conseil des ministres

Étude d’impact, Projet de loi organique relatif au système universel de retraite. Projet de loi instituant un système universel de retraite, 24 janvier 2020

 


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