Si le gouvernement présente cette réforme comme une réponse à la hausse des absences dans la fonction publique, elle soulève plusieurs interrogations tant sur son efficacité que sur ses impacts sociaux et organisationnels.
L’absentéisme : un défi de plus en plus coûteux pour la FPT
Le gouvernement justifie cet amendement par les données alarmantes concernant l’absentéisme dans la fonction publique territoriale. En l’espace de dix ans, les jours d’absence ont bondi de 43 à 77 millions, représentant un coût estimé à 10 milliards d’euros et l’équivalent de 350 000 équivalents temps plein (ETP) (données statistiques issues de l’Insee et de la DEPP). Cette hausse, principalement liée aux arrêts maladie de courte durée, est perçue comme un fardeau pour les finances publiques et un frein à l’efficacité des services locaux. L’objectif affiché de l’amendement est de limiter ces absences jugées « non justifiées » en imposant une période de carence plus longue pour les agents territoriaux, en espérant que cette mesure réduise le nombre de jours d’absence.
Une des principales préoccupations soulevées par cet amendement est l’inégalité qu’il crée entre les fonctionnaires. Actuellement, les agents de l’État et les agents hospitaliers ne subissent qu’un jour de carence, alors que les agents territoriaux, eux, seraient soumis à trois jours non indemnisés. Une telle différence de traitement risque de générer un sentiment d’injustice parmi les agents territoriaux, qui se verraient pénalisés davantage que leurs collègues des autres fonctions publiques, sans justification claire. Cette inégalité pourrait également affecter le moral des agents et détériorer leur relation avec leurs employeurs, qui devront appliquer cette mesure.
Bien que l’argument économique soit central dans la justification de cet amendement, cette approche paraît déconnectée des causes profondes de l’absentéisme. En effet, la majorité des arrêts maladie de courte durée sont souvent liés à des facteurs sociaux et organisationnels bien plus complexes que la simple question de l’indemnisation. L’absentéisme dans la FPT est en grande partie nourri par des conditions de travail difficiles, des risques psychosociaux, une surcharge de travail et, dans certains cas, un manque de reconnaissance des agents.
Des conséquences sociales et organisationnelles inquiétantes pour les collectivités
Les agents territoriaux sont souvent confrontés à des salaires relativement bas, surtout dans les catégories inférieures. Pour ces agents, la perte de trois jours de salaire en cas d’absence pourrait avoir des conséquences graves, tant sur leur bien-être financier que sur leur moral. L’impact de cette mesure serait d’autant plus difficile à supporter que les agents territoriaux, souvent en première ligne dans des métiers à forte intensité de service public, peuvent être amenés à faire face à des situations stressantes et à des pressions multiples. La pénalisation de leur absence, même légitime, pourrait générer un mal-être supplémentaire et affecter leur engagement au travail.
L’impact social de cette mesure pourrait également affecter la productivité et l’efficacité des services publics locaux. En période de crise, lorsque la charge de travail s’intensifie, l’absentéisme est souvent plus élevé. Si les agents craignent de perdre leur salaire en cas de maladie, certains pourraient préférer se rendre au travail malgré leur état de santé, augmentant ainsi les risques de burn-out ou de maladies professionnelles. La qualité des services publics pourrait également en pâtir si les agents, au lieu de se soigner et de récupérer, se voient contraints de continuer à travailler dans des conditions de stress ou de maladie pour ne pas perdre leur salaire. De plus, en pénalisant davantage les absences, cette réforme pourrait inciter certains agents à recourir davantage aux congés pour éviter la carence, entraînant des ajustements logistiques complexes pour maintenir les services opérationnels.
L’amendement visant à instaurer trois jours de carence pour les agents territoriaux, bien qu’il soit présenté comme une réponse à l’absentéisme dans la fonction publique, soulève d’importantes questions. Si l’objectif affiché est de réduire l’absentéisme de courte durée et de réaliser des économies, cette mesure semble peu adaptée aux causes profondes du phénomène. En pénalisant davantage les agents pour des absences légitimes, elle risque d’aggraver les tensions sociales et de détériorer les conditions de travail dans la fonction publique territoriale.
Texte de référence : Projet de loi de finances pour 2026, n° 1906, déposé le mardi 14 octobre 2025 – Amendement n° II-CF2062
