Lutte contre l’absentéisme des agents : un enjeu financier important

Publié le 13 juin 2024 à 9h40 - par

L’absentéisme coûte cher. Faut-il remplacer ou non, s’assurer ou s’autoassurer ? Des actions sont nécessaires : contrôle, incitations et sanctions financières, prévention.

Lutte contre l’absentéisme : un enjeu financier important
© Par Richard Villalon - stock.adobe.com

Entre 2007 et 2020, selon Sofaxis, le taux d’absentéisme dans les collectivités territoriales progressait de 7,4 à 10 %, toutes natures d’arrêt confondues. En 2022, selon Relyens, c’était 9,7 % hors maternité, la maladie ordinaire (MO) pesant pour moitié avec 5,5 %.

Le coût direct (indemnités journalières, frais médicaux) est de 2 221 euros par agent titulaire en 2021 (Insee). Sans parler des « coûts indirects, très supérieurs », selon Cindy Laborie, juriste à la Fédération nationale des centres de gestion (FNCDG) : primes d’assurances, remplacement, gestion administrative, désorganisation des services, prévention. À Montpellier par exemple en 2020, le coût direct de l’absentéisme (691 ETP absents) était de 33,7 M€ selon la Chambre régionale des comptes (CRC). Et avec le recul du départ en retraite et le vieillissement de la pyramide des âges, l’absentéisme progressera encore.

Contrôle médical et administratif

Pour se prémunir en fonction des risques, des collectivités s’auto-assurent ou s’assurent avec un taux fonction de la masse salariale et du taux de sinistralité. Pour les accidents du travail (AT), la maladie professionnelle (MP) et le décès, l’enjeu financier si problème exclut de ne pas s’assurer. Par contre, pour la longue maladie (LM), la longue durée (LD), la maternité et la MO, s’assurer se discute. Pour Bruno Jarry, DRH du Département du Maine-et-Loire, « dans une grande collectivité, l’absentéisme étant assez stable, on peut s’auto-assurer ». Tout comme lorsqu’une collectivité ne remplace pas ses agents en MO. Si elle le fait au bout de 15 jours, une franchise de 15 jours est adaptée. On différenciera en outre titulaires, et non titulaires couverts en grande partie par la Sécurité sociale.

Le contrôle du bien-fondé d’un arrêt de travail se fait par demande d’une contre-visite médicale chez un médecin agréé ou à domicile (art. 15 du décret du 30 juillet 1987). L’agent doit avoir été prévenu, par courrier recommandé / avis de réception…, ce qui limite l’intérêt. « Au mieux, on obtient un retour plus tôt », note Bruno Jarry. Avec le contrôle administratif, on vérifie que le fonctionnaire n’exerce pas une autre activité ou que les arrêts sans autorisation de sortie sont respectés. Bruno Jarry conseille de le faire « de façon ciblée », par exemple en cas d’absences répétées, aux mêmes périodes ou au-delà d’une certaine durée.

CIA et IFSE

Financièrement, le régime indemnitaire (RI) sera, sous conditions, modulé en fonction des absences, notamment pour la maladie ordinaire (MO) ou un temps partiel thérapeutique. Si on ne peut pas, par le complément indemnitaire annuel (CIA) ou par une prime spécifique, sanctionner l’absence ou récompenser la présence (CAA de Marseille, 6 mars 2013, n° 10MA02791 ou CAA Versailles, 31 août 2020, n° 18VE04033), on peut par contre moduler le CIA en fonction de l’implication globale d’un agent, comme à Montpellier. « En effet, observe Bruno Jarry, le CIA récompensant l’engagement professionnel, il ne peut s’appuyer sur le seul absentéisme ». Par exemple, à Saint-Loubès (9 953 habitants, Gironde), il intègre un coefficient de service, un bonus sur formation et une prime d’assiduité. Un agent qui est bon sur les trois critères recevra jusqu’à 750 euros de prime.

Pour l’indemnité de fonctions, de sujétions et d’expertise (IFSE), au lieu de la verser à 100 % en cas de maladie, une collectivité peut verser au prorata de la présence, cette prime étant liée à l’exercice effectif des fonctions : c’est un traitement administratif. La ville de Montpellier a par exemple adopté une franchise variable de 10 à 30 jours, avec retenue sur l’IFSE au-delà. In fine, parmi les critères de modulation importants du régime indemnitaire (RI) pour les collectivités, le présentéisme joue à 39 % et l’absentéisme à 35 % (source : baromètre HoRHizons 2023).

Contact humain

Côté prévention, il faut d’abord connaître : diagnostic, tableaux de bord. L’humain tient une grande part. Des postes de chargés de mission et des plans d’action se mettent en place comme à la ville et la métropole de Montpellier en 2022, suite au contrôle de la CRC. Certains plans concernent les risques psychosociaux ou, comme au Département du Maine-et-Loire, la qualité de vie au travail (QVT) : « Si la prévention des troubles musculosquelettiques (TMS) par aménagement des postes de travail ou achat de matériel adapté a déjà progressé, la santé mentale est un enjeu aujourd’hui », note Bruno Jarry. La QVT dépend étroitement du management, englobe l’aménagement des horaires de travail, les possibilités de télétravail. Certains services QVT se sont formés comme à Montpellier.

La prévention exige de « toujours rester en contact avec l’agent absent, conseille Bruno Jarry. Après 30 jours d’absence, la DRH de notre Département propose un accompagnement à la mobilité, un rendez-vous à la médecine du travail, avec le service de prévention ou avec l’assistante sociale ». « Des entretiens de reprise évitent de banaliser l’arrêt maladie, ajoute Cindy Laborie. On informe l’agent des évolutions survenues en son absence : procédures, remplacements, surcharge de travail… ». Le contact, c’est aussi la proximité. L’absentéisme variant avec chaque secteur, « on travaille par pôles », confirme Blandine Fortin-Peyron, DRH mutualisée à Montpellier. On traite ainsi mieux les « irritants ».

Pour quels résultats ? À Montpellier, l’absentéisme (hors motif sanitaire et congé maternité) a reculé entre 2022 et 2023 de 10,6 à 10,2 % à la ville et de 7,1 à 6,1 % à la métropole. « Le plan d’action est encore trop récent, commente Blandine Fortin-Peyron. Il nous faudra corriger le tir au fil des bilans ». À Saint-Loubès, la modulation du CIA et la prévention (rencontre des agents ayant eu plus de trois arrêts, aménagement de poste ou reclassement…) « ont fait baisser l’absentéisme global des statutaires entre 2022 et 2023 de 24,3 à 17,1 % »1, apprécie la maire Emmanuelle Favre. C’est encore au-dessus de la moyenne nationale, mais cela prouve que le recul est possible.

Frédéric Ville


1. Avec même – 40 % pour les congés en maladie ordinaire (MO).