Christophe Baraston : « Être prêts pour le moment où nous pourrons relancer la machine »

Publié le 17 novembre 2020 à 9h20 - par

Chaque mardi, nous demandons à un expert, engagé dans l’action publique, son éclairage, son regard sur l’actualité du secteur public dans la crise sanitaire. Analyses, retours d’expériences, impacts du confinement, perspectives de sortie de crise… l’objectif étant de vous proposer des clés de compréhension supplémentaires, au service de l’action, dans cette période inédite.

Christophe Baraston : « Être prêts pour le moment où nous pourrons relancer la machine »

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Formateur et manager de centre-ville et territoire, Christophe Baraston est depuis 2018 délégué général du club des managers de centre-ville et territoire (CMCV).

Pouvez-vous nous présenter les métiers de manager de centre-ville et de manager de territoire ? Ont-ils chacun leurs particularités ?

Christophe Baraston, Formateur et manager de centre-ville et territoire

    Christophe Baraston

C. Baraston : Nous, managers, sommes l’interface entre les élus et les commerçants. Nous agissons en tant qu’éléments fédérateurs pour mener toutes les actions possibles dans le but de revitaliser le centre-ville. Nous travaillons en étroite collaboration avec le tourisme, la culture, le sport et les professions libérales. Cela forme un tout et nous travaillons sur tous les prismes de la ville. Pour quiconque veut faire du commerce dans un territoire, nous sommes les points d’entrée privilégiés.

La particularité de chacun des métiers réside dans le territoire concerné. Le métier de manager de centre-ville existe depuis presque vingt ans maintenant. Ces managers travaillent pour lutter contre la désertification des centres-ville par le biais de missions transversales, par exemple sur la problématique de stationnement ou sur la stratégie de l’offre commerciale. Les managers de territoire travaillent quant à eux en intercommunalités. Ils travaillent sur des territoires plus grands ; sur le centre-ville de la ville-mère, des bourgs alentours voire des périphéries. Ils s’occupent de projets plus globaux en termes de développement économique, touchant à la stratégie autour des SCoT et au marketing territorial.

Combien compte-on de managers de centre-ville ou de territoires ?

C. Baraston : Il y a entre 350 et 400 managers en France et nous avons plus de 200 adhérents au sein du club des managers. Nous n’avons pas tous les mêmes missions, ni les mêmes compétences : le terme de « manager de centre-ville » désigne les personnes qui ont des missions de stratégie et de planification. Environ 50 % des managers sont employés dans les communes, la moitié sont des fonctionnaires et l’autre moitié sont en CDD, ce qui permet plus d’autonomie vis-à-vis des politiques. Les autres travaillent en intercommunalités ou en consulaire. Il y a également des managers qui s’occupent de plusieurs territoires. Ils peuvent être employés par la CCI ou la mairie ou bien appartenir à des structures privées.

Après la brutalité et l’intensité de la première période de confinement, comment accompagnez-vous les entreprises durant cette nouvelle période de fermeture des commerces ?

C. Baraston : Les managers remettent en place ce qu’ils avaient fait lors du premier confinement : ils s’occupent de clarifier la question de savoir quels commerces restent ouverts et lesquels doivent fermer, de favoriser la pratique du click & collect, parfois de l’organiser pour leurs commerçants et de communiquer auprès de la population. Ils ont également pour mission de rester en contact avec les commerçants et les entreprises pour faire le point sur leur situation et éventuellement les accompagner dans leurs démarches pour capter certaines aides financières. Les managers sont là pour répondre à leurs inquiétudes et à leurs demandes, ils agissent en tant que soutien. Nous mettons l’accent dans ce second confinement sur l’accélération du numérique chez les commerçants.

Le but est à nouveau de limiter les dégâts, comme cela a été le cas à la fin du premier confinement grâce à la reprise en été. Pendant cette période, plusieurs mesures ont été mises en place notamment l’exonération de taxes et de l’occupation des domaines publics, l’extension des terrasses pour la saison estivale, la mise en place de bons d’achats, d’aides directes, etc. C’est grâce à tout cela que les entreprises et les commerces ont pu tenir le coup. Néanmoins, le second confinement est différent. Il s’agit d’un coup dur pour ceux qui ont des crédits à rembourser. C’est aussi une période particulière car les fêtes de fin d’année approchent, celles-ci représentant un chiffre d’affaires non négligeable.

Que voyez-vous de l’état actuel des entreprises ?

C. Baraston : Pour le moment, il n’y a pas eu trop de casse. Au contraire, nous avons constaté un rebond pendant la période estivale avec, parfois, un meilleur chiffre d’affaires que les années précédentes et une continuité des porteurs de projets. Il y a toujours des ouvertures de nouveaux commerces, ce qui est encourageant. Cependant, le deuxième confinement risque d’être plus difficile, même s’il est encore trop tôt pour le dire.

Au sein du club des managers de centre-ville (CMCV), nous allons mettre en œuvre un nouvel outil, le FIID – Fonds d’Intervention et d’Initiative de Développement – qui va permettre de protéger l’appareil commercial des villes. Nous avons voulu mettre en place un accompagnement sur le plan foncier pour une meilleure rentabilité du mètre carré, une mutualisation des charges fixes et un loyer revu par rapport au chiffre d’affaires. Lors du premier confinement, nous avons vu la différence entre les villes et les centres commerciaux. Certaines enseignes présentes dans les centres commerciaux ont pu bénéficier de la gratuité des loyers, ce qui est difficile à mettre en place dans les villes car les situations des propriétaires fonciers sont très différentes. Nous avons donc souhaité mettre en place un outil opérationnel pour rendre plus résilient notre appareil commercial et qui viserait environ 20 % des locaux commerciaux. Cela permettrait de ramener du flux en centre-ville et sur des polarités commerciales différentes, notamment s’il y a des rénovations de bâtiments pour des professions libérales ou des espaces de coworking. Il s’agit donc d’une gestion globale, qui concernera également la culture et le sport.

Bien qu’il soit actuellement difficile de prédire l’avenir car il dépend en particulier de l’évolution de l’épidémie, comment envisagez-vous 2021 ?

C. Baraston : Nous sommes plutôt optimistes car nous avons bien résisté au premier confinement, la population a joué le jeu. Cependant, nous nous apercevons tout de même que les fêtes de fin d’année sont moins propices au commerce de proximité et que les clients prévoient malheureusement d’effectuer leurs achats sur Internet. Je pense que les effets de la crise vont davantage se voir en 2021, notamment sur le deuxième semestre, car les commerces vont devoir rembourser les crédits qu’ils ont pu obtenir du gouvernement. Nous attendons de voir si la consommation va repartir.

Ce qui est certain, c’est que les restaurateurs vont en souffrir, même si nous avons mis en place toutes les actions qui pouvaient l’être, cela ayant coûté des millions d’euros à nos collectivités. Il va donc falloir se projeter et être prêts pour le moment où nous pourrons relancer la machine. La consommation en ces fêtes de fin d’années donnera le LA pour la suite des évènements. Tout ceci est bien sûr à mettre en perspective avec l’évolution de la situation sanitaire, notamment la vaccination.

Propos recueillis par Julien Prévotaux


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