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La loi Sapin 2 et le lanceur d’alerte : quelle protection ?

Publié le 24 janvier 2017 à 7h59 - par

La loi dite Sapin 2 n° 2016-1691, en date du 9 décembre 2016, est venue renforcer la protection des lanceurs d’alertes et créer un véritable statut pour les fonctionnaires. Si cette loi est forte de sens pour les travailleurs, il n’en reste pas moins qu’un certain nombre de questions restent posées et que des décrets devront paraître pour d’une part, clarifier les procédures et d’autre part, pour garantir la protection ainsi offerte par la loi.

La loi Sapin 2 et le lanceur d'alerte : quelle protection ?

Mathilde Peraldi Avocat

Mathilde Peraldi, Avocat

Le lanceur d’alerte

Alors qu’auparavant, le fonctionnaire bénéficiait d’une protection uniquement dans une situation concernant un conflit d’intérêts, la loi précitée modifie l’article 6 ter A de la loi du 13 juillet 1983 permettant à un fonctionnaire de bénéficier de la qualité de lanceur d’alerte.

Un lanceur d’alerte est bien une personne physique qui « révèle ou signale, de manière désintéressée et de bonne foi, un crime ou un délit, une violation grave et manifeste d’un engagement international régulièrement ratifié ou approuvé par la France, d’un acte unilatéral d’une organisation internationale pris sur le fondement d’un tel engagement, de la loi ou du règlement, ou une menace ou un préjudice grave pour l’intérêt général, dont elle a eu personnellement connaissance ».

La loi du 13 juillet 1983 dispose désormais que le fonctionnaire lanceur d’alerte « ne peut être sanctionné ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, pour avoir signalé une alerte dans le respect des articles 6 à 8 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique ».

Cette définition est finalement moins développée que celle applicable au fonctionnaire dans le cadre du conflit d’intérêts. Une telle définition permet-elle en réalité qu’aucune mesure ne concernant le recrutement, la titularisation, la rémunération, la formation, l’évaluation, la notation, la discipline, la promotion, l’affectation ou la mutation ne soit pas prise à l’égard du fonctionnaire ?

Et la loi de permettre au fonctionnaire lanceur d’alerte sanctionné « illégalement » de bénéficier du système de réintégration prévue par l’article L. 911-1-1 du Code de justice administrative (CJA).

Il est à noter que selon toute vraisemblance, la loi ne vise pas les agents contractuels de droit public sauf à considérer que l’article 8 III renvoie à ces agents.

Si cette loi présente une avancée certaine des lanceurs d’alerte, un certain nombre de question restent posées.

Lancer l’alerte

Pour bénéficier de ce statut, il appartiendra au fonctionnaire de porter l’alerte à la connaissance de son supérieur hiérarchique, direct ou indirect, de son employeur ou d’un référent désigné par celui-ci.

En l’absence de diligence de son supérieur, de son employeur ou du référent, le lanceur d’alerte pourra saisir l’autorité judiciaire, l’autorité administrative ou les ordres professionnels et ce, dans un délai raisonnable. Ce délai raisonnable bien connu des juristes en droit du travail n’est pas défini. Si dans le délai de 3 mois, ces autorités n’ont pas traité l’alerte, l’information peut être rendue publique. Ce n’est qu’en cas d’urgence que le lanceur d’alerte peut court-circuiter son administration et informer directement l’autorité judiciaire, l’autorité administrative ou les ordres professionnels mais surtout rendre son information publique à ce stade.

En premier lieu et en pratique, est ce que le choix du lanceur d’alerte de prévenir son supérieur plutôt que son employeur ou son référent pourrait être critiqué par l’administration ?

En deuxième lieu, le non-respect du délai raisonnable, non défini, par le lanceur d’alerte pourrait-il amener à la suppression de la protection ?

Enfin, aucune précision n’est donnée sur les modalités de transmission de l’alerte, mail, RAR. Quelles conséquences en cas de fuite de l’information ?

En outre, si l’instance saisie par le lanceur d’alerte sur le fondement de l’urgence décidait que l’alerte ne constituait pas d’urgence, quelles conséquences pour le fonctionnaire ?

Mathilde Peraldi, Avocat


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