Analyse des spécialistes / Statut

Cumul d’activités dans la fonction publique : quels changements en perspective ?

Publié le 18 mars 2014 à 17h11 - par

30 ans après la loi dite Le Pors, le gouvernement entreprend une profonde rénovation du statut général de la fonction publique.

Cumul d'activités dans la fonction publique
Hélène Billery, Avocat senior du cabinet August & DebouzyHélène Billery

Les règles de cumul d’activités publiques-privées y sont en particulier repensées afin de redonner toute sa portée à l’obligation faite aux fonctionnaires de se consacrer intégralement à leurs fonctions.

Création ou reprise d’entreprise : les nouvelles règles

Le secteur privé fait l’objet d’un intérêt croissant auprès des fonctionnaires. La commission de déontologie de la fonction publique a en effet rendu 2 404 avis en 2012, contre 2 284 en 2011 et 1 581 en 2009.

À ce jour, pour pratiquer un cumul pour création ou reprise d’entreprise, un fonctionnaire peut soit poursuivre son activité à temps plein, soit bénéficier d’un temps partiel de droit. Désormais, l’article 6 du projet de loi pose comme principe, l’interdiction de cumul d’un emploi public à temps complet, donnant lieu à un service à temps plein avec la création ou la reprise d’une entreprise, lorsque celle-ci donne lieu à immatriculation au RCS ou au répertoire des métiers ou affiliation au régime prévu à l’article L. 133-6-8 du Code de la Sécurité sociale (auto-entreprise).

Le fonctionnaire pourra toujours demander un temps partiel qui ne sera plus accordé de plein droit mais « sous réserve des nécessités de la continuité et du fonctionnement du service ».

Le cumul sera possible pour une durée maximale de 2 ans non renouvelable : le renouvellement d’une année supplémentaire introduit par la loi du 3 août 2009 est ainsi supprimé. Un délai de carence de 3 ans est maintenu entre deux demandes de cumul.

Par dérogation, il est prévu notamment que les fonctionnaires occupant un emploi permanent à temps incomplet ou non complet (jusqu’à 70 %) peuvent cumuler ce dernier avec une activité privée.

Une période transitoire de 2 ans à compter de la date d’entrée en  vigueur de la future loi* permettra aux agents publics qui occupent un emploi permanent à temps complet exercé à temps plein et qui ont créé ou repris une entreprise de se conformer, sous peine de poursuites disciplinaires, au nouveau régime de cumul. Les agents publics autorisés à accomplir un service à temps partiel pour créer ou reprendre une entreprise à la date d’entrée en vigueur de la loi continuent à accomplir ce service jusqu’au terme de leur période de temps partiel (article 7 du projet de loi).

Renforcement du rôle de la commission de déontologie

Les compétences de la commission de déontologie de la fonction publique sont élargies dans l’optique de renforcer la prévention des conflits d’intérêts (article 8 du projet de loi).

Le projet de création ou de reprise d’une entreprise reste soumis à l’avis de la commission qui examine, sur saisine de l’agent, de l’administration ou le cas échéant par auto-saisine de son président, la compatibilité de l’activité envisagée avec les fonctions confiées à l’intéressé. La commission se prononce dans un délai de 2 mois et non plus d’un mois.

Son contrôle est plus large qu’actuellement où il est centré sur le seul risque de prise illégale d’intérêts (article 432-13 du Code pénal). Désormais, la commission veille à ce que le cumul d’activités ne porte pas atteinte à la dignité des fonctions publiques exercées par l’agent ni risque de compromettre ou de mettre en cause le fonctionnement normal, l’indépendance ou la neutralité du service. Elle s’assure également que le cumul ne place pas l’intéressé en situation de commettre l’infraction de prise illégale d’intérêts ou de méconnaître tout autre principe déontologique inhérent à l’exercice d’une fonction publique.

Des avis de compatibilité, d’incompatibilité, ou de compatibilité avec réserves sont rendus. Seuls les avis d’incompatibilité et de compatibilité avec réserves lient l’administration. En cas d’avis de comptabilité, l’administration demeure libre de refuser le cumul en arguant de motifs liés à l’intérêt du service. La violation par le fonctionnaire des avis d’incompatibilité et de compatibilité avec réserves peut donner lieu à des poursuites disciplinaires.

En définitive, le changement des règles de cumul d’activités dans la fonction publique s’inscrit dans la lignée de l’approche déontologique souhaitée par le gouvernement, qui a déjà été matérialisée par la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique.

 

Hélène Billery, Avocat senior du cabinet August & Debouzy

 

Textes de référence :

* Projet de loi relatif à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires, Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 17 juillet 2013

Loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires. Loi dite loi Le Pors


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