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Fonction publique : quelles sont les principales autorisations de cumul d’un emploi avec une activité privée ?

Publié le 11 avril 2017 à 11h43 - par

Le décret n° 2017-105 relatif au cumul d’activité est entré en vigueur le 1er février 2017. Ce texte régit les activités privées lucratives susceptibles d’être exercées par les fonctionnaires et agents contractuels de droit public. Quelle est donc la règlementation applicable depuis le 1er février 2017. Explications avec Donatien de Bailliencourt, Avocat Counsel, Granrut Avocats.

Fonction publique : quelles sont les principales autorisations de cumul d’un emploi avec une activité privée ?
Donatien de Bailliencourt avocat collaborateur Granrut
Donatien de Bailliencourt

L’interdiction faite aux agents publics de cumuler une activité privée avec l’exercice de leurs missions a été posée par le décret-loi du 29 octobre 1936 relatif aux cumuls de retraites, de rémunérations et de fonctions.

Initialement, cette interdiction trouvait sa raison d’être dans l’obligation des fonctionnaires de se consacrer intégralement à leurs emplois publics et constituait ainsi une mesure de protection du service public.

Ce principe de non-cumul faisait l’objet de dérogations très limitées1 que le législateur a toutefois ouvert progressivement.

Récemment, la loi n° 2016-483 du 20 avril 2016 relative à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires est venue modifier le régime relatif au non-cumul d’activités publiques et privées ; cette loi a été précisée par le décret n° 2017-105 du 27 janvier 2017 relatif à l’exercice d’activités privées par des agents publics et certains agents contractuels de droit privé ayant cessé leurs fonctions, aux cumuls d’activités et à la commission de déontologie de la fonction publique.

Le principe du non-cumul d’activités privées lucratives demeure

L’article 25-I de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires disposait que « les fonctionnaires et agents non titulaires de droit public consacrent l’intégralité de leur activité professionnelle aux tâches qui leur sont confiées » et que « ils ne peuvent exercer à titre professionnel une activité privée lucrative de quelque nature que ce soit »2.

L’article 7 de la loi n° 2016-483 du 20 avril 2016 a inséré, au sein de la loi du 13 juillet 1983, un article 25 septies qui s’inscrit dans cette même logique d’interdiction en reprenant la formulation de l’article 25-I précité3.

L’esprit de cette loi relative à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires est de prévenir les situations de conflits d’intérêts4 ; ce qui fonde, pour le législateur, l’interdiction de cumuler l’exercice d’une activité privée lucrative avec une activité de service public.

À l’instar de ce que prévoyait l’article 25 de la loi du 13 juillet 1983 dans sa rédaction antérieure, l’article 25 septies fait donc interdiction au fonctionnaire :

  • de participer aux organes de direction de sociétés ou d’associations à but lucratif ;
  • de donner des consultations, de procéder à des expertises ou de plaider en justice dans les litiges intéressant toute personne publique, le cas échéant devant une juridiction étrangère ou internationale, sauf si cette prestation s’exerce au profit d’une personne publique ne relevant pas du secteur concurrentiel.
  • de prendre ou de détenir, directement ou par personnes interposées, dans une entreprise soumise au contrôle de l’administration à laquelle il appartient ou en relation avec cette dernière, des intérêts de nature à compromettre son indépendance.

Ce même article renforce également deux interdictions d’activités, à savoir celles :

  • de créer ou de reprendre une entreprise lorsque celle-ci donne lieu à immatriculation au registre du commerce et des sociétés ou au répertoire des métiers ou à affiliation au régime prévu à l’article L. 133-6-8 du Code de la sécurité sociale, s’il occupe un emploi à temps complet et qu’il exerce ses fonctions à temps plein ;
  • et de cumuler un emploi permanent à temps complet avec un ou plusieurs autres emplois permanents à temps complet.

Et pour assortir cette règle du non-cumul d’un poids suffisant, le législateur a pris soin de rappeler que sa violation donne lieu au reversement des sommes perçues au titre des activités interdites par voie de retenue sur le traitement, sans préjudice de l’engagement de poursuites disciplinaires5.

Des dérogations au principe de non-cumul d’activités restent néanmoins admises

L’article 25 septies de la loi du 13 juillet 1983 prévoit toutefois quatre régimes dérogatoires liés à l’exercice d’activités accessoires.

La première dérogation à l’interdiction d’exercer à titre professionnel une activité privée lucrative vise le cas du dirigeant d’une société ou d’une association à but lucratif, qui est lauréat d’un concours ou recruté en qualité d’agent contractuel de droit public6.

Celui-ci peut continuer à exercer son activité privée pendant une durée d’un an, renouvelable une fois, à compter de son recrutement, à condition que la poursuite de l’activité soit compatible avec ses obligations de service, qu’elle ne porte pas atteinte au fonctionnement normal, à l’indépendance, à la neutralité du service ou aux principes déontologiques mentionnés notamment à l’article 25 de la même loi, et qu’elle ne place pas l’intéressé en situation de prise illégale d’intérêts.

L’intéressé doit également présenter une déclaration écrite à l’autorité hiérarchique dont il relève pour l’exercice de ses fonctions ; laquelle peut s’opposer à ce cumul d’activités si elle la juge contraire aux critères de compatibilité7.

La deuxième dérogation porte sur la situation du fonctionnaire qui occupe un emploi permanent à temps non complet ou incomplet pour lequel la durée du travail est inférieure ou égale à 70 % de la durée légale ou réglementaire du travail8.

Ce fonctionnaire peut exercer, outre des activités accessoires autorisées par le décret du 27 janvier 2017, une ou plusieurs activités privées lucratives en dehors de ses obligations de services et dans des conditions compatibles avec celles-ci et les fonctions qu’il exerce ou l’emploi qu’il occupe.

Il doit alors présenter une déclaration écrite à sa hiérarchie qui peut s’opposer à ce cumul d’activités en cas d’incompatibilité avec l’exercice de ses fonctions publiques ou de risque de prise illégale d’intérêts9.

La troisième dérogation concerne le cas du fonctionnaire à temps complet qui sollicite un service à temps partiel pour créer ou reprendre une entreprise et à exercer, à ce titre, une activité privée lucrative10.

L’autorisation d’accomplir un service à temps partiel pour création ou reprise d’une entreprise est délivrée par l’autorité hiérarchique dont l’intéressé relève, sous réserve des nécessités de la continuité et du fonctionnement du service et compte tenu des possibilités d’aménagement de l’organisation du travail, pour une durée maximale de deux ans, renouvelable pour une durée d’un an, à compter de la création ou de la reprise de cette entreprise.

Elle suppose un examen préalable de la demande du fonctionnaire par la commission de déontologie de la fonction publique11.

La quatrième dérogation touche au cas du fonctionnaire qui entend être autorisé à exercer à titre accessoire une activité, lucrative ou non, auprès d’une personne ou d’un organisme public ou privé12.

Ce cumul ne peut être autorisé par sa hiérarchie que si l’activité projetée est compatible avec les fonctions qui lui sont confiées et n’affecte pas leur exercice.

Plus précisément, l’activité accessoire ne doit pas porter atteinte au fonctionnement normal, à l’indépendance ou à la neutralité du service ou mettre l’intéressé en situation de prise illégale d’intérêts13.

L’article 6 du décret du 27 janvier 2017 énonce la liste exhaustive des activités dont l’exercice à titre accessoire est susceptible d’être autorisé, dont par exemple les activités d’enseignement et de formation ou les activités à caractère sportif ou culturel.

Enfin, l’article 25 septies prévoit, en son § VI :

  • que la production des œuvres de l’esprit s’exerce librement dans le respect des dispositions relatives au droit d’auteur des agents publics et sous réserve de l’article 26 du statut général ;
  • et que les membres du personnel enseignant, technique ou scientifique des établissements d’enseignement et les personnes pratiquant des activités à caractère artistique peuvent exercer les professions libérales qui découlent de la nature de leurs fonctions.

 

Donatien de Bailliencourt, Avocat Counsel, cabinet Granrut

 


Notes :

1. Voir par exemple le cumul autorisé pour la production d’œuvres littéraires, artistiques ou scientifiques, pour les expertises, consultations ou enseignements donnés par des fonctionnaires dans les domaines relevant de leurs compétences et pour l’exercice d’une profession libérale par les seuls personnels enseignants.

2. Cette disposition a été réaffirmée par la loi n° 2007-148 du 2 février 2007 de modernisation de la fonction publique, laquelle a abrogé le décret-loi du 29 octobre 1936.

3. L’article 25 septies dispose notamment : « I.- Le fonctionnaire consacre l’intégralité de son activité professionnelle aux tâches qui lui sont confiées. Il ne peut exercer, à titre professionnel, une activité privée lucrative de quelque nature que ce soit, sous réserve des II à V du présent article ».

4. À cet égard, l’article 25 bis de la loi du 13 juillet 1983, créé par l’article 2 de la loi du 20 avril 2016, prévoit : « I.- Le fonctionnaire veille à faire cesser immédiatement ou à prévenir les situations de conflit d’intérêts dans lesquelles il se trouve ou pourrait se trouver. Au sens de la présente loi, constitue un conflit d’intérêts toute situation d’interférence entre un intérêt public et des intérêts publics ou privés qui est de nature à influencer ou paraître influencer l’exercice indépendant, impartial et objectif de ses fonctions ».

5. § VI de l’article 25 septies de la loi du 13 juillet 1983.

6. 1° du II de l’article 25 septies.

7. Articles 19 et 20 du décret du 27 janvier 2017 précité.

8. 2° du II de l’article 25 septies.

9. Articles 21 et 22 du décret du 27 janvier 2017 précité.

10. III de l’article 25 septies.

11. Cette commission est prévue à l’article 25 octies de la loi du 13 juillet 1983. Les modalités de cet examen sont définies aux articles 14, 15 et 16 du décret du 27 janvier 2017.

12. IV de l’article 25 septies précité. Les modalités d’examen de la demande sont prévues aux articles 7, 8 et 9 du décret du 27 janvier 2017.

13. Article 5 du décret du 27 janvier 2017.


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