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Une circulaire précise le cadre juridique applicable aux lanceurs d’alerte dans la fonction publique

Publié le 29 août 2024 à 10h00 - par

La circulaire du 26 juin 2024 (NOR : TFPF2415531C), qui abroge et remplace une circulaire du 19 juillet 2018 (NOR : CPAF1800656C), vient éclairer le cadre juridique applicable aux « lanceurs d’alerte » dans la fonction publique, les modalités de recueil des signalements et leur traitement, ainsi que les garanties et protections dont bénéficient les agents.

Une circulaire précise le cadre juridique applicable aux lanceurs d’alerte dans la fonction publique
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Cette circulaire fait suite à l’entrée en vigueur de la loi n° 2022-401 du 21 mars 2022 visant à améliorer la protection des lanceurs d’alerte, et de son décret d’application n° 2022-1284 du 3 octobre 2022.

L’adoption de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 a donné un cadre transversal aux alertes, remplaçant une partie des dispositifs spécifiques ou sectoriels qui avaient été auparavant instaurés dans le secteur public, afin de prévenir des actes répréhensibles, qu’ils soient ou non constitutifs d’une infraction pénale, et éviter le maintien de situations préjudiciables à l’intérêt général.

La circulaire du 26 juin 2024 vient décliner le dispositif au sein de la fonction publique. Cette déclinaison repose sur la conciliation d’obligations a priori antagonistes (la réserve ou la loyauté attendues d’un agent public devant se concilier avec le devoir pour lui de déclencher une alerte).

1. Quels sont les agents publics susceptibles de lancer une alerte et les destinataires de celle-ci ?

En premier lieu, la circulaire identifie les agents publics susceptibles de lancer une alerte et les destinataires de celle-ci.

Pour rappel, le lanceur d’alerte est une personne physique, qui ne doit pas agir dans l’intention d’obtenir une contrepartie financière directe et être de bonne foi, étant précisé que la mauvaise foi « ne peut résulter que de la connaissance de la fausseté des faits qu’il dénonce et non de la seule circonstance que les faits dénoncés ne sont pas établis » (v. Cass. Soc., 15 février 2023, 21-20.342).

Les personnes susceptibles de bénéficier du régime de protection des lanceurs d’alerte ne se limitent plus, depuis la loi du 21 mars 2022, aux seuls agents publics auteurs de signalement.

Certains tiers peuvent également en bénéficier : « facilitateurs » (proches et collègues, associations et organisations syndicales lorsqu’elles aident un lanceur d’alerte), personnes physiques en lien avec le lanceur d’alerte (collègues de travail et proches du lanceur d’alerte), voire même certaines entités juridiques.

2. Point sur l’objet du signalement et les dispositifs spécifiques

En deuxième lieu, la circulaire s’intéresse à l’articulation entre le dispositif d’alerte mis en place par la loi du 9 décembre 2016, et les régimes spécifiques auxquels les agents publics doivent recourir lorsque les conditions de leur utilisation sont remplies.

Tel est notamment le cas de l’obligation de signalement des crimes et délits au procureur de la République, posée par l’article 40 alinéa 2 du Code de procédure pénale (une annexe à la circulaire y est consacrée).

La circulaire rappelle également l’existence de dispositifs spécifiques à la fonction publique, qui excluent le recours au dispositif de signalement de la loi du 9 décembre 2016 (notamment le signalement des actes de violence, de discrimination, de harcèlement et d’agissements sexistes en application de l’article L. 135-6 du Code général de la fonction publique).

3. La procédure de signalement interne

En troisième lieu, la circulaire met l’accent sur la procédure interne de recueil et de traitement des signalements dans un cadre professionnel. Une telle procédure doit notamment être instituée pour toutes les administrations de l’État, quel que soit le nombre de leurs agents, pour les communes et les EPCI d’au moins 10 000 habitants, les départements et les régions, les collectivités relevant de l’article 72-3 de la Constitution, et pour la sphère hospitalière, les établissements mentionnés à l’article L. 5 du Code général de la fonction publique (CGFP) qui emploient au moins 50 agents.

Il est recommandé que le référent déontologue soit désigné à la fois pour le recueil et pour le traitement des signalements, afin qu’il puisse non seulement recueillir les signalements, mais aussi examiner leur recevabilité au regard des conditions posées par la loi, et pour qu’il devienne le seul interlocuteur de l’auteur du signalement durant toute la procédure.

En l’absence de procédure formalisée, les signalements internes doivent être adressés au supérieur hiérarchique direct ou indirect de l’agent ou à l’autorité territoriale.

4. Mesures de garantie et de protection des agents à l’occasion d’un signalement

En quatrième lieu, la circulaire expose les protections dont bénéficient les agents publics effectuant un signalement ainsi que, le cas échéant, les agents mis en cause par le signalement (v. art. L. 135-4 du CGFP pour les agents publics civils ; art. L. 4122-4 III du Code de la défense pour les militaires).

Les garanties et protections instituées doivent éviter l’application aux lanceurs d’alertes de mesures de rétorsion.

Sont ainsi prévus une garantie de confidentialité dans les procédures de traitement des signalements mises en œuvre, un encadrement de la durée et des modalités de conservation des informations, une irresponsabilité civile et pénale de l’auteur du signalement et une charge de la preuve aménagée (l’employeur public devra établir que la sanction ou la mesure discriminatoire à l’encontre de l’auteur d’un signalement est justifiée par des éléments objectifs étrangers à l’alerte effectuée par l’agent – rappr. CE, Ass., 30 octobre 2009, Perreux, n° 298348).

Il est toutefois rappelé que les garanties et protections susmentionnées ne s’appliqueront pas ou plus, si le signalement constitue une dénonciation calomnieuse ou en cas de signalement abusif ou constitutif d’une infraction pénale.

Enfin, l’agent mis en cause par le signalement, qui s’estime victime d’une menace, injure, diffamation ou outrage, dès lors qu’aucune faute personnelle ne peut lui être imputée, pourra bénéficier de la protection fonctionnelle.

Thomas Cortès, Avocat, Docteur en droit chez HMS Avocats et Hugo Tastard, Avocat chez HMS Avocats

Auteurs :

Thomas Cortès

Thomas Cortès

Avocat, Docteur en droit

Hugo Tastard

Hugo Tastard

Avocat chez HMS Avocats


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