La décarbonation des achats de prestations intellectuelles

Publié le 14 décembre 2023 à 9h00 - par

La décarbonation des achats, ou la réduction des émissions de carbone dans les processus d’achat, est un élément essentiel de la transition vers une économie à faible émission de carbone.

La décarbonation des achats de prestations intellectuelles
© Par NicoElNino - stock.adobe.com

Elle concerne à la fois les biens et les services achetés par les entreprises et les administrations publiques. L’Union européenne doit en effet parvenir à une diminution de 55 % des émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2030 avec l’ambition d’atteindre la neutralité carbone d’ici 2050, soit réduire le plus possible les émissions, et de compenser ce qui est résiduel, ce qu’on ne peut vraiment pas empêcher. Cette décarbonation repose en grande partie sur les organisations publiques et les acheteurs publics considérant que l’achat public pèse entre 10 et 15 % du PIB européen et national.

Mais c’est aussi un enjeu d’exemplarité. Parce qu’avec plus de 5 millions d’agents, le secteur public représente environ 20 % de l’emploi en France, parce qu’il est au cœur de la vie quotidienne de tous les citoyens, parce qu’il aura un rôle majeur à jouer dans la transition bas-carbone de la société française et qu’à ce  titre il se doit d’être à la fois exemplaire et à la pointe de la compréhension des enjeux énergétiques.

Peut-on décarboner tous types d’achats ?

Bien que l’objectif soit de décarboner autant que possible tous types d’achat, la faisabilité et l’efficacité varient selon les catégories de produits, travaux ou services et selon les secteurs d’activité. Les acheteurs ont tendance à mettre en place une politique/stratégie de décarbonation vis-à-vis des segments d’achats suivants : produits manufacturés, énergie, transport, aliments, bâtiments et construction ou encore technologies de type informatique et média.

Les prestations de service sont aujourd’hui insuffisamment considérées ou de manière imparfaite. Une omission discutable lorsque l’on évalue par exemple à 20 % la part des achats (en montant) de prestations intellectuelles au sein d’une organisation publique.

Les spécificités liées aux marchés de service

De manière générale et historique, les critères de choix couramment rencontrés au sein des appels d’offres de prestations de service portent sur la qualité et continuité du service délivré, le prix, la propriété intellectuelle ou encore la réversibilité de la prestation. Dans un contexte de crise économique, la pression est très forte sur les acheteurs afin de contenir des évolutions de prix et de coûts assez inéluctables mais aussi maintenir une continuité de prestation notamment lorsque celle-ci est récurrente.

S’engager dans une démarche de décarbonation des achats de prestations de service s’appuie sur trois phases indissociables :

  • Évaluation de la maturité scope 3 / carbone des fournisseurs du segment ;
  • Identification des contacts et des bonnes pratiques des fournisseurs concernés ;
  • Identification des postes émetteurs de CO2 des prestations de service concernés.

Ces trois phases sont explorées ci-après avec l’exemple des prestations intellectuelles.

Maturité Scope 3/Carbone des fournisseurs de prestations intellectuelles

La décarbonation de ses achats de prestations intellectuelles réside souvent dans l’intégration au sein des cahiers des charges d’obligations contractuelles mais plus souvent d’éléments de valorisation touchant au contenu et déploiement des prestations. Sous couvert d’une plus grande prise en compte des politiques publiques, la pondération du critère environnemental (mais aussi social) tend à s’accroître. Le critère environnemental concerne essentiellement les émissions de gaz à effet de serre. Nous y reviendrons dans cet article avec le détail des postes émetteurs concernés. Cette première étape consiste ainsi à déployer un processus d’évaluation préalable et continu de la maturité des fournisseurs notamment en travaillant avec des prestataires externes.

La décarbonation des achats de prestations intellectuelles Image d’illustration. Source e-Attestations.com

Identification des bonnes pratiques des fournisseurs

Le déploiement continu d’un processus d’évaluation de la maturité scope 3/carbone de ses tiers (fournisseurs mais aussi candidats) permet la mise en place d’une cartographie riche en informations liées aux contacts, aux bonnes pratiques, aux engagements ou encore aux trajectoires prises par ces derniers. Les nombreux échanges, qui en découlent, optimisent la phase de sourcing, le suivi de l’exécution ou encore la préparation des procédures de renouvellement notamment pour des prestations intellectuelles récurrentes (contrat cadre…).

Identification des postes émetteurs de CO2 des prestations intellectuelles

Les prestations intellectuelles, comme le conseil, le design, la programmation, la recherche et l’analyse, semblent à première vue avoir un impact relativement faible en termes d’émissions de gaz à effet de serre (GES) par rapport à des activités industrielles. Cependant, elles génèrent tout de même des émissions de manière directe ou indirecte.

Les postes principaux sont les suivants : déplacements professionnels, utilisation de ressources énergétiques, infrastructures informatiques, data centers, consommation de biens matériels, consommation de papier et autres fournitures de bureau, consommation d’eau ou encore production de déchets. Il est également nécessaire de prêter attention aux émissions indirectes issues notamment de services externalisés. Si une entreprise de prestation intellectuelle externalise certaines de ses activités (comme l’hébergement de serveurs, l’impression, la restauration), elle doit aussi considérer les émissions associées à ces services et in fine les porter à la connaissance de l’acheteur.

Pour quantifier précisément les émissions de GES d’une entreprise de prestation intellectuelle, il apparaît illusoire pour un acheteur public d’identifier, évaluer, comparer point par point les postes d’émission de GES détaillés précédemment. En France, certaines entreprises sont justement tenues depuis 2012 de réaliser leur bilan d’émissions de gaz à effet de serre (Bilan GES). L’article 75 de la loi Grenelle II indique notamment que toutes les personnes morales de droit privé de plus de 500 salariés en France métropolitaine et de 250 salariés dans les régions et départements d’Outre-mer y sont soumises. Dans le cadre de la CSRD, le bilan carbone deviendra obligatoire pour toutes les entreprises européennes de plus de 250 salariés à partir de 2025.

Mais quid des entreprises qui ne respectent pas la loi, des entreprises étrangères ou des entreprises non concernées ? Les acheteurs sont plus que jamais invités à valoriser dans leur procédure, la publication du bilan carbone et la valeur de cette empreinte ou intensité. Seul élément tangible aujourd’hui disponible et peu sujet au contentieux post-attribution.

En conclusion, l’acheteur est appelé à décarboner ses achats en mettant en place des processus d’évaluation préalable et continue indiscutables s’appuyant sur des données vérifiées et des preuves. Mais attention à sa propre légitimité et crédibilité lorsque l’on sait que l’obligation de réalisation/publication portant sur les personnes morales de droit public de plus de 250 salariés et les collectivités de plus de 50 000 habitants n’est que trop peu encore respectée !

Les acteurs publics ne pourront ainsi décarboner leurs achats de toutes natures qu’en se montrant à la fois exemplaires et surtout légitimes vis-à-vis de leurs tiers.

Sébastien Taupiac, Directeur de la Communication et des Relations Publiques
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