Peut-on conclure un marché de conception et de réalisation d’une œuvre d’art sans mise en concurrence ?

Publié le 28 août 2025 à 9h45 - par

Selon le juge administratif, si un acheteur public peut passer un marché portant sur la création ou l’acquisition d’une œuvre d’art ou d’une performance artistique unique sans publicité ni mise en concurrence préalable, c’est à la condition que cette œuvre ne puisse être fournie que par un opérateur déterminé.

Peut-on conclure un marché de conception et de réalisation d'une œuvre d'art sans mise en concurrence ?
© Par OceanProd - stock.adobe.com

La situation de monopole doit être justifiée

En l’espèce, au titre du contrôle de légalité, un préfet contestait la légalité d’un marché passé sans publicité ni mise en concurrence d’un marché passé par un service public industriel et commercial (SPIIC) ayant pour objet la conception et la réalisation d’une statue de Jeanne d’Arc. L’acheteur justifiait sa passation sur le fondement de l’article R. 2122-3 du Code de la commande publique, qui dispose que « L’acheteur peut passer un marché sans publicité ni mise en concurrence préalables lorsque les travaux, fournitures ou services ne peuvent être fournis que par un opérateur économique déterminé, pour l’une des raisons suivantes : / 1° Le marché a pour objet la création ou l’acquisition d’une œuvre d’art ou d’une performance artistique unique ; (…) ». Il résulte de ces dispositions que, si un acheteur public peut passer un marché portant sur la création ou l’acquisition d’une œuvre d’art ou d’une performance artistique unique sans publicité ni mise en concurrence préalable, c’est à la condition que cette œuvre ne puisse être fournie que par un opérateur déterminé. Selon la Cour administrative d’appel, si la convention se contente d’indiquer, en ce qu’une statue représentant Jeanne d’Arc sera à édifier et que n’ont été explicitées, dans aucun document antérieur au contrat dans ce contrat, les raisons justifiant le choix de la société retenue, la Régie ne justifie pas que cette dernière était le seul opérateur pouvant satisfaire la commande. Il résulte de ce qui précède que la collectivité ne pouvait se prévaloir des dispositions précitées de l’article R. 2122-3 du Code de la commande publique qui permet aux acheteurs publics de passer un marché sans publicité ni mise en concurrence. Toutefois, il n’est pas établi par le préfet que l’erreur ainsi commise dans l’application de l’article R. 2122-3 du Code de la commande publique l’aurait été dans l’intention de favoriser la société. Dès lors, le vice n’est pas d’une gravité telle qu’il justifie l’annulation du marché. En outre, en tant que SPIC, la régie n’était pas soumise à l’obligation de décoration des constructions publiques ni, par conséquent, aux règles de passation des marchés conclus à cette fin prévues par les articles R. 2172-7 à R. 2172-19 du Code de la commande publique. Selon le dispositif, les opérations immobilières ayant pour objet la construction et l’extension de bâtiments publics ou la réalisation de travaux de réhabilitation dans le cas d’un changement d’affectation, d’usage ou de destination de ces bâtiments donnent lieu à l’achat ou à la commande d’une ou de plusieurs réalisations artistiques destinées à être intégrées dans l’ouvrage ou ses abords. Mais l’obligation s’applique uniquement aux opérations dont la maîtrise d’ouvrage est assurée par l’État ou par ses établissements publics autres que ceux ayant un caractère industriel et commercial.

Pas d’obligation d’allotissement au regard de l’unité esthétique de l’ensemble

On sait que l’allotissement d’un marché est le principe, le marché global l’exception. Selon le juge administratif, « compte tenu de l’unité esthétique de l’ensemble de la statue et de son socle, la conception et la réalisation du socle ne peuvent être regardées comme relevant de prestations techniquement distinctes justifiant un allotissement du marché ». Le Code de la commande publique impose désormais la justification de l’absence d’allotissement avant la conclusion du marché. En effet, aux termes de l’article L. 2113-11 du Code de la commande publique : « Lorsqu’un acheteur décide de ne pas allotir le marché, il motive son choix en énonçant les considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de sa décision ». Il résulte de cette disposition, ainsi que de celles des articles R. 2113-2 et R. 2113-3 du Code de la commande publique, que le choix de ne pas allotir le marché doit être motivé et que le document comportant cette motivation doit être conservé dans le dossier de la procédure. Toutefois, le défaut de motivation de l’absence d’allotissement n’est pas d’une gravité telle qu’il justifierait l’annulation du contrat.

Dominique Niay

Texte de référence : CAA de Marseille, chambres réunies, 17 juillet 2025, n° 25MA00425, Inédit au recueil Lebon


On vous accompagne

Retrouvez les dernières fiches sur la thématique « Marchés publics »

Voir toutes les ressources numériques Marchés publics