Élections dans la fonction publique : un premier test avant la réforme

Publié le 12 novembre 2018 à 16h40 - par

À quelques mois d’une réforme de la fonction publique très redoutée, les syndicats de fonctionnaires passent un premier test le 6 décembre avec les élections professionnelles de la fonction publique.

Élections dans la fonction publique : un premier test avant la réforme

Pour tout comprendre

5,2 millions d’agents publics sont appelés à voter pour leurs représentants dans un contexte qu’on a connu plus serein. Après des mois de « dialogue de sourds » avec le gouvernement, les inquiétudes sur la réforme, attendue pour le premier semestre 2019, n’ont fait que grandir. Élargissement massif du recours aux contractuels – ces agents hors statut -, incitation au départ, fusion d’instances de représentation du personnel et rémunération au mérite individuel : les orientations déjà fixées par le gouvernement hérissent les organisations syndicales. Et ces élections charrient aussi leur lot d’incertitudes.

Première inconnue : l’écart de voix entre la CGT et la CFDT. La seconde n’est pas en mesure de ravir la première place à la centrale de Montreuil dans cette élection, mais espère arriver première en additionnant public et privé. « L’objectif est de passer premier tous secteurs confondus », affiche clairement Mylène Jacquot (CFDT) alors qu’environ 20 000 voix seulement séparent les deux centrales, tous secteurs confondus. « Ce n’est pas ça la priorité des salariés mais il ne faut pas être dupe, tout le monde regardera », concède Jean-Marc Canon (CGT, 1er) qui « imagine déjà les commentaires et les pleines pages des journaux » en cas de recul de la CGT. Un tel scénario « paraît possible » pour Dominique Andolfatto, politologue et spécialiste des syndicats interrogé par l’AFP : « La CGT est dans une dynamique de baisse tandis que la CFDT progresse », souligne-t-il.

L’autre inconnue de ces élections est le score de FO, troisième force syndicale du secteur public et même première dans la fonction publique d’État. Le syndicat, secoué par la démission de Pascal Pavageau mi-octobre après la révélation d’un fichier interne compromettant, est englué dans une succession difficile : pas la meilleure façon de préparer des élections où 20 % des actifs en France sont appelés à voter. « Nous avons réagi très vite, la crise a été bien gérée », défend Christian Grolier, chef de file de FO Fonction publique et candidat au poste laissé vacant par Pascal Pavageau. Il estime que l’affaire n’aura « pas d’impact » et pointe un « problème de management, de personnes, pas un problème d’orientation ». En 2014, lors des dernières élections dans la fonction publique, la CGT, enlisée dans l’affaire Lepaon – dont l’appartement de fonction avait été rénové à grand frais – avait reculé de 2,3 points.

Participation en baisse

« Globalement, les syndicats pâtissent toujours de ce genre d’affaire », juge Dominique Andolfatto qui annonce des « élections compliquées » pour FO.

Source d’inquiétudes, cette fois pour toutes les organisations, la participation qui s’effrite : elle était de 52,8 % au dernier scrutin après 54,6 % au précédent. Or, c’est un indicateur de mobilisation important avant d’engager un éventuel rapport de force avec le gouvernement au moment de l’examen du projet de loi.

Pour Jean-Marc Canon, il faut déjà « rester au-dessus de la barre des 50 % ». « Une participation en baisse poserait une question : est-ce que les syndicats sont encore des interlocuteurs valables pour un dialogue social ? », analyse Luc Rouban, chercheur au Cevipof et spécialiste de la fonction publique.

Une remise en cause balayée par Luc Farré (Unsa, 4e syndicat) : « Si le gouvernement utilise l’argument de la participation, on peut lui rappeler quelle était la participation aux dernières élections législatives (42,6 %) ».

Dans le viseur de plusieurs organisations : le vote électronique, étendu pour ces élections au ministère de l’Action et des Comptes publics et à l’Intérieur (environ 120 000 électeurs chacun). Ce mode de scrutin est très critiqué par Christian Grolier qui dénonce une « déperdition d’électeurs » alors que le « vote à l’urne », au contraire, entraîne selon lui une « dynamique de groupe ».

Ce que confirme Luc Rouban : « Le numérique simplifie mais crée de la distance : il individualise, fragmente et éparpille ».

Copyright © AFP : « Tous droits de reproduction et de représentation réservés ». © Agence France-Presse 2018