Suresnes, capitale française du dialogue social

Publié le 15 juillet 2015 à 9h27 - par

« Le maire nous a dit qu’il n’avait plus d’argent pour une de nos demandes. On le croit, on verra plus tard. » Dans une permanence CGT, le discours peut surprendre. Mais pas à Suresnes, ville des Hauts-de-Seine en pointe sur le dialogue social, où l’on ne  fait plus grève.

Suresnes, capitale française du dialogue social

Cette démarche, unique dans le secteur public, Béatrice de Lavalette, adjointe au maire déléguée aux ressources humaines (UDI), et des représentants syndicaux de la ville la présenteront mercredi 15 juillet à la ministre de la Fonction publique, Marylise Lebranchu, après l’avoir exposée mi-avril au conseiller social de François Hollande, Michel Yahiel.

Élue en 2008 dans l’équipe du maire UMP Christian Dupuy, Mme de Lavalette en est l’instigatrice. « Inspirée par l’exemple d’Axa France », elle propose en 2009 aux syndicats de la commune de signer leur propre charte de reconnaissance du parcours syndical.

Le principe : consulter systématiquement les représentants des agents municipaux, les former grâce à des accords avec Sciences Po Paris, l’École supérieure des sciences économiques et commerciales (Essec) et l’Organisation internationale du travail (OIT), et leur permettre de reprendre sans difficulté leur activité professionnelle après leur mandat.

Difficile, d’abord, de convaincre les intéressés. « On se demandait : pourquoi ils veulent nous former ? Ils veulent nous acheter ? », se souvient Linda Le Gret, alors élue FO. Finalement, son syndicat, la CGT et la CFDT acceptent de négocier la charte.

Six ans après, la municipalité avance des résultats : plus un seul jour de grève, même lors de la négociation tendue des nouveaux rythmes scolaires. Sa médiathèque ouvre le dimanche. Un plan contre l’absentéisme et un régime indemnitaire au mérite ont été mis en place.

L’OIT, qui a réalisé début 2015 un audit sur les « bonnes pratiques » de la ville, salue un « bon exemple », une « démarche intéressante » qui « mérite d’être encouragée ».

« Compromis sans compromission »

« On a changé d’époque », estime Sylvain Marchand, secrétaire général de l’Interco-CFDT Hauts-de-Seine, « avant il n’y avait ni dialogue, ni social. On était dans la méfiance, dans le conflit permanent ». Aujourd’hui, « notre parole fait foi, on est légitimes », note Linda Le Gret. « Il y a une confiance qui n’a pas été trahie », abonde Mustapha Zamoun, de la CGT.

Mais, attention, les accords signés depuis 2009 sont des « compromis sans compromission », assurent les représentants syndicaux. « Quand ça concerne les agents, on est intraitables. On n’a pas les mains liées », insiste M. Zamoun.

Ces derniers semblent y trouver leur compte : aux élections professionnelles de la fonction publique fin 2014, Suresnes a enregistré un taux de participation supérieur de neuf points à la moyenne nationale et en hausse de onze points par rapport au vote de 2008.

Les trois syndicats ont aussi gagné des adhérents et candidats aux responsabilités, notamment des cadres, jusque-là peu impliqués.

Franck Bourgi, webmaster, s’est engagé auprès de la CFDT après avoir suivi, grâce à la charte, une formation sur la « culture économique et sociale » à Sciences Po. « Je savais que les syndicats avaient un rôle important mais je regardais ça de loin », dit-il. « Ça m’a permis de découvrir une forme d’action sociale utile au quotidien. »

D’autres, comme Linda Le Gret, ont évolué dans leur travail grâce aux formations. « Je me posais plein de questions sur mon futur quand j’ai commencé à Sciences Po. Ça m’a révélée à moi-même », sourit-elle. Elle qui n’avait pas le bac a enchainé sur un master et occupe désormais un  poste de chargée de mission handicap pour la commune. « J’ai reboosté ma carrière professionnelle et donné un sens à mon travail. Jamais je ne serais arrivée où j’en suis sans la charte. »

À l’heure où le projet de loi sur le dialogue social est examiné au Parlement, l’exemple suresnois attend toujours de faire des émules. Les représentants syndicaux de la ville pointent les « réticences » des élus et des organisations syndicales au niveau national. Alors Suresnes prêche la bonne parole à l’étranger : en octobre, elle a signé un accord d’échange de bonnes pratiques avec la Tunisie.

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