Assurances : les collectivités devraient se former et mieux identifier leurs risques, selon le Sénat

Publié le 3 avril 2024 à 9h00 - par

Absence de concurrence entre les assureurs et augmentation des risques ont conduit à une dégradation catastrophique des conditions d’assurances des collectivités, voire à l’impossibilité de contracter une police. Une mission sénatoriale analyse le contexte et préconise une quinzaine de mesures propres à l’améliorer.

Assurances : les collectivités devraient se former et mieux identifier leurs risques, selon le Sénat
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Hausse du montant des primes et des franchises, baisse des montants indemnisés, absence de réponse aux appels d’offres… Les collectivités ont de plus en plus de difficultés à s’assurer, explique Jean-François Husson, sénateur de la Meurthe-et-Moselle, rapporteur de la mission d’information sur les problèmes assurantiels des collectivités locales. Selon une consultation en ligne, menée par la mission auprès de 713 répondants, depuis janvier 2023, 24 % des collectivités n’avaient reçu aucune réponse à leurs appels d’offres, et 29 % s’étaient vu imposer un avenant, avec une augmentation de la cotisation dans la quasi-totalité des cas (jusqu’à parfois plus du doublement du tarif). Plus grave, une collectivité sur cinq avait subi une résiliation de son contrat d’assurance, avec des durées de préavis parfois insuffisantes pour lancer un nouvel appel d’offres visant à trouver un nouvel assureur.

Outre les risques classiques, les collectivités sont confrontées à des risques accrus pesant sur les bâtiments publics et le mobilier urbain, en raison de la multiplication des événements et des aléas climatiques, ainsi qu’à des mouvements sociaux et des émeutes assortis de violences. Même s’ils sont difficiles à prévoir, ils pourraient entraîner des indemnisations de 143 milliards d’euros entre 2020 et 2050 contre 74 milliards d’euros pour les trente années antérieures à 2020.

Même si les collectivités ne sont pas responsables de cette situation dégradée, elles peuvent prendre diverses mesures pour l’améliorer, explique la mission qui formule quinze propositions. À commencer par effectuer un inventaire exhaustif de leur patrimoine mobilier et immobilier, et une cartographie pour bien identifier leurs risques et les prévenir le mieux possible, ce qui les aidera à négocier les marchés au plus près de leurs besoins réels, et au meilleur coût.

Il conviendrait de sécuriser les conditions de passation des marchés publics d’assurance et d’introduire des franchises permettant de recentrer les contrats sur les principaux risques. La mission préconise de former et sensibiliser (au risque, et au fonctionnement du marché et des contrats d’assurance) les élus et les agents, et de développer la fonction de gestionnaire de risques au sein des collectivités.

Se faire assister de courtiers ou de conseils

Les collectivités devraient aussi systématiser les investissements de prévention des risques, en sollicitant les fonds d’investissement et l’expertise des assureurs. Pour définir leurs besoins et élaborer les pièces du marché et des contrats d’assurance, elles devraient se faire assister de courtiers ou de conseils mais aussi utiliser l’ensemble des procédures permises par le Code de la commande publique.

La mission estime qu’un texte législatif devrait porter la durée de préavis minimum à dix mois, en cas de résiliation d’un contrat par l’assureur, et l’obliger à justifier les résiliations unilatérales. Au cas où les collectivités ne trouveraient pas d’assureur, elles devraient pouvoir recourir au médiateur de l’assurance. Quant à la dotation de solidarité aux collectivités victimes d’événements climatiques ou géologiques, elle devrait être étendue aux dommages causés dans le cadre de violences urbaines.

Les collectivités de plus de 5 000 habitants sont les plus touchées par une dégradation de la relation avec leur compagnie d’assurance. Dans son analyse, la mission relève certains dysfonctionnements à l’origine de cet état de fait et, notamment, la concentration du marché qui prive les collectivités de tout choix. Car aujourd’hui, deux compagnies dominent : Groupama assure les collectivités de moins de 10 000 habitants et SMACL Assurances, les autres. Mais la SMACL ayant pratiqué pendant longtemps une politique tarifaire agressive pour devenir « numéro 1 », malgré l’augmentation de la sinistralité, est parvenue à une situation financière si grave qu’elle a dû s’adosser à la Maif fin 2021, l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) ayant menacé de lui retirer son agrément. Le Sénat explique, en effet, que « la SMACL a fait les frais d’une politique tarifaire trop longtemps décorrélée du risque couvert » qui lui a fait perdre « près de 140 millions d’euros en 2022 et de 196 millions d’euros en 2023 ».

Marie Gasnier


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