« Le redressement des finances publiques, déjà très graduel au cours des dernières années, est aujourd’hui quasiment à l’arrêt », et l’ambition du gouvernement en la matière est « limitée », juge l’institution financière chargée d’évaluer la gestion des politiques publiques, dans son rapport annuel publié mardi 25 février 2020.
La France dispose donc de « moins de marges de manœuvre pour la politique qu’elle entend mener, notamment en cas de récession ou d’autre choc majeur », prévient-elle encore, au moment où la crise sanitaire du nouveau coronavirus fait craindre un ralentissement mondial de l’économie.
Après les mesures en faveur du pouvoir d’achat prises fin 2018 et l’an dernier en réponse au mouvement des « gilets jaunes », le gouvernement a encore décidé pour plus de 10 milliards d’euros de réduction de prélèvements cette année, dont 5 milliards d’allégement d’impôt sur le revenu, 3,7 milliards via la nouvelle étape de suppression de la taxe d’habitation ou encore 2,7 milliards de baisse d’impôt sur les sociétés.
« Le choix a été fait d’accroître encore les mesures de baisse d’impôts, en ne gageant celles-ci que très partiellement par des mesures d’économies », remarquent ainsi les sages de la rue Cambon.
Conséquence : si le gouvernement a prévu pour 2020 de ramener le déficit public à 2,2 % du PIB, contre 3,1 % l’an dernier, cette baisse reflète « essentiellement le contrecoup technique de la transformation du CICE » (Crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi), et non des efforts supplémentaires de maîtrises des dépenses, tacle la Cour.
Elle évoque notamment l’abandon de l’objectif de réduction des effectifs dans la fonction publique et une prévision « optimiste » sur les économies dégagées par la réforme de l’assurance-chômage. Le gouvernement devrait aussi être bien aidé par les faibles taux d’intérêt, qui réduisent mécaniquement l’effort de remboursement du service de la dette.
Cette dernière devrait d’ailleurs à peine refluer cette année à 98,7 % du PIB, après avoir grimpé à 98,8 % en 2019.
Elle appelle donc l’exécutif à prévoir « une réduction du déficit structurel ambitieuse, cohérente avec les règles européennes, et ne repoussant pas l’essentiel des efforts à accomplir ». Et attend donc de pied ferme la révision, prévue au printemps, de la loi de programmation des finances publiques, fixant la trajectoire sur plusieurs années.
APL, abattoirs et Polytechnique
Dans son rapport de plus de 860 pages, composé cette années de 22 chapitres, l’institution, qui attend toujours la nomination du successeur de Didier Migaud comme premier président, s’est aussi intéressée à plusieurs domaines où des améliorations pourraient être apportées afin de mieux gérer l’argent public.
Les sages épinglent notamment la gestion « dégradée » des abattoirs publics d’animaux de boucherie par les collectivités locales et proposent leur reprise en main par des coopératives rassemblant tous les acteurs concernés.
Ils déplorent une nouvelle fois la « complexité » du calcul des aides au logement, source d’injustices et de fraude, tout en saluant la réforme du système qui permettra, à partir d’avril 2020, de calculer les aides au logement à partir des revenus actuels du bénéficiaire et non ceux enregistrés deux ans plus tôt.
La Cour s’inquiète également de la situation financière « préoccupante » de l’École polytechnique, en déficit chronique entre 2014 et 2018, et dont les choix stratégiques « ne sont pas de nature à la projeter dans l’avenir avec sérénité ».
En revanche, en pleine réforme des retraites, elle délivre un relatif satisfecit à la gestion des retraites complémentaires des salariés du privé Agirc-Arrco par les partenaires sociaux.
Nouveauté 2020, la Cour a aussi consacré plusieurs enquêtes de son rapport à une thématique commune : l’utilisation du numérique au service de l’action publique.
L’institution estime que toutes les conditions ne sont « pas toujours au rendez-vous » pour réussir cette intégration et livre ses recommandations.
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