Salaires, conditions de travail : la fonction publique face au défi de l’attractivité

Publié le 9 décembre 2024 à 15h05 - par

La crise de l’attractivité des métiers de la fonction publique est « structurelle, durable et généralisée », selon un rapport de France Stratégie, organisme de conseil placé auprès du Premier ministre, qui pointe un risque d’aggravation dans les années à venir.

Attractivité de la fonction publique : une crise « structurelle et durable », selon France Stratégie
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La crise d’attractivité de la fonction publique « touche les trois versants et toutes les catégories d’emploi et de statuts », notent les auteurs du rapport. Fruit de plus d’un an et demi de travail, il a été publié quelques jours après une importante mobilisation des agents publics qui réclamaient l’abandon de plusieurs mesures d’économies.

Côté recrutement, l’organisme rappelle que 15 % des postes offerts aux concours de la fonction publique d’État (FPE) n’ont pas été pourvus en 2022, contre 5 % en 2018. La FPE regroupe la majorité des 5,7 millions d’agents publics.

Dans la fonction publique hospitalière, autre versant de la fonction publique (le 3e étant la fonction publique territoriale), 21 % des lits d’hôpitaux de l’Assistance publique hôpitaux de Paris (APHP) ont été fermés en 2022, dont 70 % par manque de personnel, indique France Stratégie en citant un rapport de la Cour des comptes.

France Stratégie explique notamment cette crise par des « concours qui n’attirent plus », avec un « décrochage » très marqué depuis les années 2010, ce qui engendre un effondrement des taux de sélectivité aux concours.

Dans la FPE, 12 candidats se présentaient en moyenne pour un poste à pourvoir au concours externe de la fonction publique d’État entre 2000 et 2010 et ils ne sont plus que 4 en 2022. En 2016, 297 000 personnes se sont présentées aux épreuves des concours externes de la FPE contre seulement 151 000 en 2022.

De plus en plus de départs

Outre l’attraction de nouveaux profils, la fonction publique est face au défi de conserver ses agents, car les départs volontaires « sont en nette augmentation », déplore France Stratégie. Entre 2014 et 2022, les effectifs des fonctionnaires quittant la fonction publique pour une autre raison que le départ en retraite ont augmenté de 47 %, peut-on lire dans le rapport.

Bilan : la fonction publique attire de moins en moins, avec un « risque d’aggravation » du phénomène si rien n’est fait dans les années à venir, au vu du déséquilibre croissant entre les entrants et les sortants lié au vieillissement des agents, s’inquiète France Stratégie.

Autre facteur répulsif, la rémunération des agents publics, vécue comme insuffisante. Si certaines mesures (Ségur de la santé, Grenelle de l’éducation) ont contribué à améliorer leur pouvoir d’achat, elles « n’ont pas permis de contrer complètement l’érosion de l’attractivité salariale de la fonction publique », estime France Stratégie, notamment si on compare au secteur privé. Et le choix récent du gouvernement de confirmer le gel de la valeur du point d’indice (mécanisme qui permet le calcul des rémunérations) ou de ne pas reconduire une prime en faveur du pouvoir d’achat des agents (prime GIPA) que touchaient au moins 188 000 fonctionnaires ne semblent pas de nature à améliorer la situation.

Emploi à vie

Mais des leviers existent pour remédier à cette crise, assure France Stratégie. Sur le pouvoir d’achat, France Stratégie suggère de « renforcer la reconnaissance, y compris salariale », des agents et mettre l’accent sur de meilleures « perspectives d’évolution et de progression » dans les carrières.

« La fonction publique est seulement vue comme un gisement d’économies budgétaires par les ministres successifs », regrette Johan Theuret du cercle de réflexion de hauts fonctionnaires « le Sens du service public », interrogé par l’AFP.

France Stratégie recommande aussi de consolider la « garantie de l’emploi » : l’emploi à vie des fonctionnaires reste une « motivation importante » pour les candidats, bien qu’elle « perd[e] de son pouvoir d’attraction », notamment dans les secteurs où l’offre d’emploi est abondante (les métiers du soin et du numérique, par exemple).

Avant la dissolution de l’Assemblée nationale en juin, la remise en cause de l’emploi à vie avait suscité le débat autour d’un projet de loi porté par l’ancien ministre de la Fonction publique, Stanislas Guerini.

Très décrié par les syndicats, le texte prévoyait notamment d’accentuer la rémunération au mérite, de faciliter les licenciements, voire de supprimer le système historique de catégories (A, B et C) de la fonction publique.

Il a été gelé par la dissolution de l’Assemblée nationale. Mais le successeur de M. Guerini, Guillaume Kasbarian, désormais ministre démissionnaire, n’avait pas exclu de reprendre certaines parties du texte.

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