Concours revisités, formation allongée : l’État parachève sa réforme de la Haute fonction publique

Publié le 6 avril 2023 à 8h15 - par

Attirer des candidats « moins stéréotypés » et plus de femmes : l’Institut national du service public (INSP), qui a succédé début 2022 à l’ENA, a détaillé mardi 4 avril 2023 ses projets pour diversifier son recrutement et parachever la réforme de la Haute fonction publique initiée par Emmanuel Macron.

Concours revisités, formation allongée : l'État parachève sa réforme de la Haute fonction publique
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« L’État a besoin de tous les talents, toutes les personnalités, toutes les compétences », souligne dans un entretien à l’AFP Maryvonne Le Brignonen, la directrice de l’INSP.

La réforme des trois concours d’accès à l’INSP présentée mardi 4 avril 2023 doit donc « diversifier les personnes qui réussissent les concours, qu’il s’agisse de diversification sociale, géographique ou académique », précise-t-elle.

Un impératif à l’heure où les hauts fonctionnaires sont régulièrement taxés de déconnexion avec la réalité, et où les femmes représentent à peine 43 % des quelque 90 élèves de l’INSP – contre « à peu près 35 % il y a quelques années », insiste tout de même Mme Le Brignonen.

Pour attirer de nouveaux profils, l’école compte revoir en profondeur les épreuves des trois concours d’accès.

Dès 2024, finies les classiques « notes d’analyse » et « compositions » : les épreuves écrites seront globalement allégées mais s’enrichiront d’un « cas pratique ».

L’enjeu de cette nouvelle épreuve est de mieux valoriser l’expérience professionnelle déjà acquise par les candidats, là où le concours écrit était jusqu’ici « assez académique », explique la directrice. Mais aussi de tester les connaissances des candidats en matière de transition écologique et numérique, une des priorités affichées par le ministre de la Fonction publique, Stanislas Guerini.

Touche finale

Les épreuves orales seront quant à elles allongées, avec un entretien d’une heure qui doit permettre au candidat de mettre en avant sa personnalité et son projet professionnel.

« On sait que des candidats sont plus timides, moins naturellement à l’aise, soit parce que c’est leur personnalité, soit parce qu’ils ont moins les codes sociaux et ont besoin de temps, de deux, trois, cinq questions pour se chauffer et vraiment se révéler », fait valoir Maryvonne Le Brignonen.

In fine, avec les changements apportés aux concours, « l’idée est d’avoir des candidats moins stéréotypés que par le passé » et « de donner sa chance à tout le monde à partir du moment où les gens sont très motivés et ont beaucoup travaillé. »

Depuis quelques années, l’INSP réserve six places par promotion aux étudiants boursiers, via les « prépas Talents ». Mais il ne s’agit pour l’heure que d’une expérimentation.

Autres évolutions présentées mardi 4 avril, la scolarité sera allongée de deux mois et demi pour durer deux ans dès 2024, et l’année académique débutera désormais en septembre plutôt qu’en janvier.

Le cursus sera donc aligné sur le calendrier scolaire, ce qui devrait permettre aux parents, et en particulier aux mères, de conjuguer plus facilement vie privée et formation à l’INSP.

« Au niveau du concours, nos jurys sont formés aux biais cognitifs et on met en place des jurys paritaires », afin de ne pas pénaliser injustement les candidates féminines, ajoute Maryvonne Le Brignonen.

En tentant de diversifier le recrutement de ses cadres, l’État apporte la touche finale à son grand chantier de réforme de la Haute fonction publique.

Hautement symbolique, la suppression de la marque ENA en réaction à la crise des gilets jaunes et la disparition des corps de fonctionnaires les plus prestigieux en avaient été les premières étapes.

À l’automne dernier, le Gouvernement s’est attaqué à un autre totem en décidant de supprimer, là aussi à compter de 2024, le classement de sortie de l’INSP.

Cette petite révolution a suscité des remous parmi les quelques milliers de hauts fonctionnaires. En juin 2022, à quelques jours d’intervalle, diplomates et élèves de l’INSP s’étaient mis en grève, un mouvement d’humeur public rarissime chez les cadres de l’État.

Les actuels élèves de l’INSP ont été « parties prenantes » de la réforme des concours d’accès et de la procédure de sortie, assure la directrice de l’Institut, avant d’indiquer qu’ils siègent à son conseil d’administration et au sein de son conseil pédagogique.

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