Fonction publique : l’exécutif maintient sa réforme malgré des doutes

Publié le 22 janvier 2019 à 12h53 - par

Malgré les objections de plusieurs ministres inquiets d’un nouveau front social après les « gilets jaunes », l’exécutif a décidé de maintenir coûte que coûte au premier semestre son projet de réforme de la fonction publique, avec un nouveau rendez-vous reprogrammé mi-février.

Fonction publique : l'exécutif maintient sa réforme malgré des doutes

Pour tout comprendre

Rémunération au mérite, plans de départ volontaires, recours accru aux contractuels, suppression de 120 000 postes d’ici 2022, dont 50 000 dans la fonction publique d’État… autant de sujets qui font planer le spectre de négociations explosives.

« Bien qu’ayant fait l’objet de discussions, la réforme de la fonction publique a été arbitrée et figure bien à l’agenda du gouvernement pour ce premier semestre, avec une adoption avant l’été », a balayé auprès de l’AFP le cabinet du secrétaire d’État chargé de cette réforme sensible, Olivier Dussopt.

L’ex-socialiste reprend mardi et mercredi 23 janvier les discussions bilatérales avec les syndicats de fonctionnaires, mobilisés contre un projet qui entre en phase finale et dont les contours ont conduit à une levée de boucliers syndicaux.

Le Premier ministre Édouard Philippe doit lui s’exprimer « mi-février » devant plus de 1 500 « managers publics » (directeurs d’administrations, recteurs, préfets, chefs de service…). Prévu à l’origine le 12 décembre en tandem avec le président Macron, ce discours avait été reporté à la dernière minute, au plus haut de la mobilisation des « gilets jaunes ».

Plusieurs membres du gouvernement ont toutefois poussé en coulisses pour reporter ou mettre la pédale douce sur le projet. Mais Emmanuel Macron et Édouard Philippe veulent montrer que plusieurs réformes prévues avancent encore malgré un agenda gouvernemental largement bousculé par les « gilets jaunes ».

Mercredi 9 janvier, à l’Élysée. Dans le huis clos du Conseil des ministres, Gérald Darmanin, ministre de tutelle de M. Dussopt, vient de présenter sa feuille de route pour 2019, quand son homologue des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian prend la parole.

« Il faut peut-être arrêter les bêtises. On a déjà une crise sur les bras, on ne va peut-être pas y rajouter les fonctionnaires », s’inquiète-t-il, selon des propos révélés par Europe 1 et confirmés de source gouvernementale.

« Les agents de l’État ne sont pas forcément des technocrates, ils sont aussi des aides-soignants, infirmières, douaniers, policiers… Il ne faudrait pas aggraver la situation », avertit cet ex-socialiste.

Une ligne soutenue ce jour-là par Florence Parly (Armée) et Christophe Castaner (Intérieur), eux aussi venus de la gauche.

« Discussions saines »

« Il y a eu des discussions saines », minimise un conseiller de l’exécutif. Mais qui ont redonné de l’espoir aux syndicats de fonctionnaires.

« On voit dans la presse qu’il y a un débat sur l’opportunité de rajouter une réforme de la fonction publique à l’ambiance très compliquée du moment. Mais il n’y a pas de remise en cause sur le fond. Or, c’est ce qu’on souhaite », observe Jean-Marc Canon, représentant de la CGT, premier syndicat chez les fonctionnaires.

« Si quelques ministres, qui ont de l’expérience et qui connaissent le poids de la fonction publique peuvent faire en sorte que le gouvernement ouvre les yeux, c’est une bonne nouvelle. Mais si au bout du bout la réponse c’est de passer quand même une réforme qui aboutit à 120 000 suppressions de postes de fonctionnaires, ce serait une très mauvaise nouvelle », juge de son côté Christian Grolier (FO onction publique, troisième syndicat).

Depuis le lancement en octobre 2017 du plan « Action publique 2022 », le gouvernement avait largement mélangé les sujets de la fonction publique et de « la transformation publique », nom officiel de la réforme de l’organisation de l’État et des services publics.

Or, cette organisation est un des quatre grands thèmes du « grand débat national » lancé par Emmanuel Macron pour répondre à la crise des « gilets jaunes », et les décisions sur ce sujet attendront donc au moins avril.

Les syndicats, notamment la CFDT, espèrent convaincre le gouvernement de reporter également le volet fonction publique.

Une option pour l’heure écartée par Matignon, qui juge que la question du « statut ou des rémunérations des fonctionnaires » ne rentre pas dans le cadre du grand débat.

Marc Préel / Shahzad Abdul

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