Fonction publique : Terra Nova veut sortir du pilotage « rigide » des effectifs

Publié le 1 juin 2022 à 7h49 - par

Raisonner en termes de masse salariale plutôt que sur la base du nombre d’agents publics : c’est la proposition du « think tank » Terra Nova pour en finir avec le pilotage budgétaire de l’administration française, jugé « rigide ».

Fonction publique : Terra Nova veut sortir du pilotage "rigide" des effectifs

« Le pilotage budgétaire actuel met l’accent non seulement sur le budget total des administrations, mais aussi sur la maîtrise du nombre d’agents travaillant au sein de celles-ci » (près de 5,7 millions fin 2020 selon l’Insee), souligne le centre de réflexion, classé à gauche, dans une note publiée mardi 31 mai 2022.

Pour Terra Nova, ce contrôle des effectifs s’appuie sur un argument éculé, selon lequel recruter des fonctionnaires coûterait cher à l’État puisque leur emploi est plus sécurisé que dans le secteur privé et qu’ils sont donc plus susceptibles de faire de longues carrières dans l’administration.

« Un tel raisonnement doit cependant être relativisé au regard des pratiques actuelles », jugent les auteurs de la note, les hauts fonctionnaires Sébastien Soriano et Vincent Feltesse.

D’une part parce que l’État n’hésite plus à ouvrir largement les vannes de la dépense budgétaire et d’autre part parce que la loi de transformation de la fonction publique de 2019 « généralise les possibilités de recourir aux contractuels », dont l’emploi est nettement moins pérenne que celui des fonctionnaires et donc moins coûteux pour l’État à long terme.

Les deux auteurs dénoncent par ailleurs l’omniprésence des plafonds d’emploi, « déclinés non seulement au niveau des grands programmes ministériels, mais aussi administration par administration ».

Ces limites appliquées aux effectifs des administrations créent « un réseau de contraintes particulièrement rigide qui rend difficile une gestion sereine » des ressources humaines, critiquent-ils.

Dépendance

Terra Nova propose donc de « simplifier le pilotage budgétaire à travers un suivi centré sur la masse salariale plutôt que sur le nombre d’emplois publics ».

L’idée serait de laisser aux ministères « l’autonomie pour arbitrer » le volume et la répartition des effectifs entre les administrations et les opérateurs dont ils sont responsables.

Le « discours managérial » participe « indéniablement au déficit d’attractivité qui frappe nombre de métiers publics », estiment les deux auteurs, particulièrement inquiets des difficultés de l’État à recruter des experts du numérique.

« Le risque de cette situation est une dépendance toujours plus grande aux géants du numérique ou aux intégrateurs et conseils en informatique », avertissent-ils, même si « un travail a été fait pour combler en partie le déficit d’attractivité salariale ».

Parmi les autres propositions déclinées dans cette note d’une trentaine de pages figure la création d’une « carte de la présence publique », pour permettre « à chacun d’identifier les services publics » à proximité « de chez soi », « les sites actuels et les évolutions projetées à horizon » de trois à cinq ans.

Sébastien Soriano et Vincent Feltesse, qui a conseillé François Hollande à l’Élysée de 2014 à 2017, plaident enfin pour des « États généraux du service public » associant partenaires sociaux, collectivités, société civile et universitaires.

L’occasion de dresser un bilan de la réforme de l’État sur les dernières décennies et d’affiner une nouvelle « doctrine d’action publique », à rebours du « new public management » brocardé par les auteurs.

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