Fonction publique : une loi sans « garde-fous » qui omet des fondamentaux

Publié le 5 avril 2019 à 15h23 - par

La loi sur la fonction publique « simplifie » certaines lourdeurs administratives mais « manque de garde-fous » et omet des fondamentaux comme le fait qu’elle n’est « pas représentative de la population française », estime Johan Theuret, président de l’association des DRH des grandes collectivités, interrogé par l’AFP en marge d’un débat avec des parlementaires.

Fonction publique : une loi sans "garde-fous" qui omet des fondamentaux

Pour tout comprendre

Le recours étendu au contrat et aux contractuels, très critiqué par les syndicats, vous satisfait-il ?

Johan Theuret : Le contrat de projet (allant d’un an minimum à six ans maximum) fait partie des très bonnes dispositions du projet de loi et répond à une de nos attentes (…) mais il doit rester l’exception et être strictement encadré. Il faut des garde-fous qui manquent dans le projet de loi, une transparence sur la publication des postes, la négociation salariale, la prévention des conflits d’intérêts, pour éviter que le recrutement ne se fasse sur un coin de table.

Nous voulons des garde-fous sur le recours aux contractuels pour les emplois de direction, avec un encadrement strict de la rémunération, une restriction de cette mesure à 50 % des effectifs avec une obligation de formation pour ces personnes. Il faut aussi une grande vigilance déontologique sur les conflits d’intérêts.

Les mesures envisagées sont-elles aussi ambitieuses qu’annoncées ?

Johan Theuret : Il y a des mesures très concrètes qui visent à simplifier et qui répondent en partie aux demandes des employeurs ou des praticiens mais ça reste une directive très technique qui manque d’ambition.

Il y a de bonnes choses, comme le droit au déroulement de carrière pour une femme qui prend un congé parental et l’exonération du jour de carence pour les femmes enceintes, la fusion des instances représentatives (CT, CHSCT), la portabilité du CDI entre les trois versants – avec la possibilité de pouvoir garder son CDI en passant de la territoriale à l’État, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui.

Mais cette loi manque de vision globale. Beaucoup de thématiques sont renvoyées à des ordonnances comme les conditions de travail, la formation, la santé, les prestations sociales complémentaires. D’autres, très importantes, ne sont tout simplement pas abordées.

Lesquelles ?

Johan Theuret : L’accès à la fonction publique et la réforme des concours pour s’assurer une fonction publique beaucoup plus représentative de la diversité de la population française, la place de l’apprentissage, sont totalement oubliés dans la loi.

La réponse au problème de l’attractivité de la fonction publique ne peut pas être que le ontrat. Le concours doit rester le principe mais les épreuves sont très académiques et discriminantes pour la majorité alors qu’il faut être capable d’attirer les jeunes des quartiers, les descendants d’immigrés. Aujourd’hui, la fonction publique n’est pas représentative de la population et ça pose question.

Il faut aussi reconnaître l’apprentissage, privé de perspectives de carrière. Et réformer les concours sur titre qui obligent par exemple une infirmière ou une sage-femme dotée d’un diplôme national à repasser un concours pour travailler dans le public. Le projet de loi ne va assez loin et nous appelons les parlementaires à se saisir du dossier pour l’amender en ce sens.

Propos recueillis par Sandra Lacut

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