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1 607 heures : quelle mise en place dans les communes et intercommunalités en 2021 ?

Publié le 9 décembre 2020 à 9h00 - par

L’article 47 de la loi du 6 août 2019 vise à harmoniser la durée de travail dans la fonction publique territoriale à 1 607 heures annuelles. Les communes et les intercommunalités disposaient d’un délai d’un an, à compter du renouvellement de leurs organes délibérants, pour délibérer sur les règles relatives au temps de travail de leurs agents. Le renouvellement, lié à la crise sanitaire de la Covid-19, entre mars et juin 2020, des conseils municipaux et communautaires a perturbé le calendrier de mise en place des nouveaux cycles de travail.

1 607 heures : quelle mise en place dans les communes et intercommunalités en 2021 ?

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Loi de transformation de la fonction publique
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Plusieurs textes ont fixé la durée hebdomadaire de travail à 35 heures, soit 1 607 heures annuelles dans la fonction publique1. Néanmoins, par dérogation aux règles de droit commun, dans la fonction publique territoriale, l’article 7-1 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 prévoyait la possibilité de maintenir des régimes de temps de travail inférieurs à la durée légale de 1 607 heures, à la double condition, d’une part, qu’ils aient été mis en place antérieurement à l’entrée en vigueur de la loi n° 2001-2 du 3 janvier 2001 et, d’autre part, que cette dérogation ait été formalisée par une décision expresse de l’organe délibérant de la collectivité, après avis du comité technique2. L’article 47 de la loi du 6 août 2019 a abrogé ces régimes dérogatoires antérieurs à 2001. À compter du renouvellement des organes délibérants des collectivités territoriales et de leurs établissements publics, ces derniers ont un an pour adopter un nouveau cycle de travail3. Pour les communes et les intercommunalités, les élections et l’installation des organes délibérants ont été perturbées par l’épidémie sanitaire. Le calendrier ayant été bouleversé (1), la nécessité d’un dialogue est maintenue pour élaborer les nouveaux cycles de travail (2).

1. Un calendrier de travail perturbé

La suppression des régimes dérogatoires aux 1 607 heures passe immanquablement par la définition d’un calendrier de travail, détaillant les grandes étapes entre la constitution d’un groupe de travail, la proposition de délibérations relatives au travail, l’avis des instances de dialogue social et l’adoption définitive des nouveaux cycles de travail. Ce calendrier a été perturbé en 2020.

Premièrement, le décret n° 2019-928 du 4 septembre 2019 avait fixé au dimanche 15 mars 2020 la date du renouvellement des conseillers municipaux et communautaires, des conseillers de Paris et des conseillers métropolitains de Lyon. Le second tour était prévu pour le dimanche 22 mars 20204. Dans cet esprit, la mise en œuvre effective du passage à 1 607 heures devait intervenir, au plus tard, dans le délai d’un an suivant le renouvellement des conseils municipaux et communautaire, soit en mars 2021.

Deuxièmement, le premier tour des élections municipales a eu lieu le 15 mars 2020. Plus de 30 000 communes ont vu leurs conseils municipaux intégralement renouvelés à cette date. Néanmoins, le 16 mars 2020, le président de la République a décidé de confiner le pays avec comme conséquence, de reporter l’installation des conseils municipaux élus le 15 mars 2020 et de repousser la date du second tour des élections municipales dans plus de 5 000 communes. La loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de Covid-19 a apporté des précisions sur la gouvernance, l’organisation et le fonctionnement des communes et des intercommunalités pendant le confinement. Elle a ainsi prorogé les mandats de conseillers municipaux et communautaires jusqu’en juin 2020, tout en assouplissant les règles de fonctionnement des organes délibérants.

Troisièmement, le décret n° 2020-571 du 14 mai 2020 a décidé que les conseillers municipaux, élus le 15 mars dernier, entreraient en fonction le 18 mai 2020. Les maires et les adjoints ont été élus entre le 23 et le 28 mai 2020. Pour le second tour des élections municipales, le décret n° 2020-642 du 27 mai 2020 a fixé la date du 28 juin 2020. Au 28 juin 2020, l’ensemble des communes et intercommunalités avaient renouvelé l’ensemble de leurs organes délibérants. Bien qu’aucun texte ne soit intervenu depuis, un report de mars à juin 2021 comme date limite pour les délibérations apparait envisageable, pour une application effective des nouvelles règles à partir de janvier 2022.

2. Un dialogue nécessaire

La possibilité laissée aux communes et aux intercommunalités d’abroger un régime dérogatoire dans un délai d’un an à compter du renouvellement de chacun des organes délibérants devait, d’une part, rentrer en cohérence avec les modalités de gestion et les contraintes organisationnelles qu’elles connaissent. D’autre part, les modifications des changements de cycle de travail reposent sur la qualité du dialogue social avec les agents territoriaux.

Premièrement, l’enjeu est d’abord de faire le point sur l’existant pour déterminer ensuite les nouveaux cycles de travail de 1 607 heures. La constitution du groupe de travail doit être suffisamment représentative avec des élus, des membres de direction générale des services, de la direction des ressources humaines, de la direction juridique, des cadres de chaque service et des organisations syndicales représentatives.

Deuxièmement, après cet audit, des propositions doivent être faites par ce groupe de travail et validées par les instances du dialogue social (CAP, CT et CHSCT). Plus l’ensemble des acteurs aura été associé à cette démarche en amont, mieux les délibérations seront acceptables et acceptées par les agents.

En définitive, malgré la perturbation du calendrier électoral, ce travail, d’abrogation des régimes dérogatoires de travail antérieurs plus favorables, a été déjà initié dans certaines collectivités et est aujourd’hui étendu à l’ensemble des collectivités.

Dominique Volut, Avocat au barreau de Paris, Docteur en droit public


1. Loi n° 2001-2 du 3 janvier 2001 relative à la résorption de l’emploi précaire et à la modernisation du recrutement dans la fonction publique ainsi qu’au temps de travail dans la fonction publique territoriale, NOR : FPPX0000145L. Décret n° 2001-623 du 12 juillet 2001 pris pour l’application de l’article 7-1 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 et relatif à l’aménagement et à la réduction du temps de travail dans la fonction publique territoriale, NOR : FPPA0110004D. Décret n° 2000-815 du 25 août 2000 relatif à l’aménagement et à la réduction du temps de travail dans la fonction publique de l’État et dans la magistrature, NOR : FPPA0000085D.

2. L’étude d’impact du projet de loi « transformation de la fonction publique » estimait le temps annuel de travail entre 1 562 heures et 1 578 heures dans la fonction publique territoriale. L’étude s’appuyait sur les rapports de Philippe Laurent, Rapport sur le temps de travail dans la fonction publique, mai 2016, et sur celui de la Cour des comptes, Les finances publiques locales – Rapport sur la situation financière et la gestion des collectivités territoriales et de leurs établissements publics, octobre 2016.

3. Art. 47-II de la loi du 6 août 2019, précitée : « le délai mentionné […] commence à courir : en ce qui concerne les collectivités territoriales d’une même catégorie, leurs groupements et les établissements publics qui y sont rattachés, à la date du prochain renouvellement général des assemblées délibérantes des collectivités territoriales de cette catégorie ».

4. Décret n° 2019-928 du 4 septembre 2019 fixant la date du renouvellement des conseillers municipaux et communautaires, des conseillers de Paris et des conseillers métropolitains de Lyon, et portant convocation des électeurs, NOR : INTA1918610D, JORF n° 0206 du 5 septembre 2019, Texte n° 15.

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