Didier Ostré, DGS de la Ville de Marseille : “Au service du projet politique utile aux marseillais”

Publiée le 15 novembre 2022 à 9h15 - par

Entretien avec Didier Ostré, Directeur général des services de la Ville de Marseille. « Parlons Territoires », les acteurs de l’action publique locale ont la parole : 3 temps forts pour décrypter l’action de la Ville de Marseille.

Pourquoi Marseille ?

Pour une double raison :

  • personnelle d’abord, Marseille est une ville que je connais depuis 30 ans, ou vit une partie de ma famille, et où j’avais l’habitude de venir régulièrement. Elle a été aussi, quand j’étais professeur associé à l’école d’urbanisme de Paris un terrain de stage et de voyages d’étude. Il existe ainsi de nombreux liens avec cette ville où j’ai toujours apprécié d’être.
  • professionnelle ensuite, car il existe aujourd’hui un formidable enjeu à la suite du basculement de la majorité en 2020 : l’enjeu de la construction à la fois d’une équipe et d’un projet politique totalement atypique à travers le Printemps marseillais.

La seconde raison rejoint la première car quand j’étais ce fonctionnaire territorial, qui venait à Marseille, je ressentais déjà ce sentiment d’urgence, de nécessité, de besoin de faire mieux et plus pour cette ville. Lorsque la possibilité m’a été offerte de contribuer à ce projet visant à redonner aux Marseillais, non pas la fierté d’habiter Marseille car ils l’ont, mais les moyens d’y habiter correctement, voir décemment, j’ai aussitôt répondu favorablement.

Quelles ont été les priorités qui ont marqué votre arrivée à la Ville de Marseille ?

En 2021, ce qui est assez exceptionnel pour être signalé, le maire et le précédent DGS décident de recruter une nouvelle direction générale et entre avril et septembre, une nouvelle équipe arrive. Elle s’installe à un moment où l’administration a entamé un processus de transformation visant à simplifier, homogénéiser, mettre en cohérence l’ensemble de notre organisation. Nous avons avec cette nouvelle équipe continué à travailler dans cette logique. Un an après, nous déclinons, nous précisons, nous affinons cette trajectoire. Un important travail avait également été fait sur les politiques publiques, la nouvelle majorité ayant souhaité peu après son arrivée vérifier l’adéquation entre son programme et la réalité qu’elle avait pu observer, et ce afin de réaffirmer ou réorienter ses politiques. Un projet politique réaffirmé donc, une organisation en cours de mutation sont les deux points forts qui ont marqué mon arrivée à Marseille.

Que veut dire pour vous « moderniser » l’administration ?

Il faut se méfier des mots valises, même si nous assumons ce terme de modernisation. Marseille, comme de nombreux autres territoires mais avec sa réalité, est confrontée à une triple transition :

  • la transition climatique bien entendu, les chaleurs de cet été, la sécheresse et ses multiples conséquences, les problématiques de fonds sous-marins. Marseille doit accompagner, voire initier la mutation de son territoire notamment en termes de décarbonation et de biodiversité.
  • La transition sociale, voire sociétale, les confinements, la crise sanitaire ont à Marseille affecté peut être plus qu’ailleurs l’ensemble des classes populaires. Il est prioritaire que ces populations retrouvent des conditions de vie acceptables.
  • La transition démocratique, enfin. Dans une ville comme Marseille, où une grande partie de la population n’a pas la nationalité française et donc pas le droit de vote, où un nombre important de personnes pouvant aller voter ne le font pas, comment « réenchanter » le dialogue qui doit être permanent entre les élus et la société ?

C’est ce triple objectif qui nous attend et il ne peut être atteint que si l’administration trouve de nouvelles réponses, et au-delà des réponses elles-mêmes de nouvelles manières de les construire, y compris en s’appuyant plus qu’elle ne le faisait sur la société civile.

Vous évoquez une volonté de « réenchantement », mais face à de tels objectifs ne faut-il pas aussi réenchanter l’administration ?

L’administration marseillaise a certes vécu une forme d’immobilisme pendant le troisième mandat de Jean-Claude Gaudin mais aussi traversé de graves crises. L’effondrement de l’immeuble de la rue d’Aubagne a profondément marqué tous les agents puis une cyberattaque au début de l’année 2020 a fragilisé nos process. C’est dans ce contexte qu’elle a vécu un changement de majorité municipale suite des élections qui ont duré particulièrement longtemps, le tout dans une période de crise sanitaire. On peut comprendre que l’administration marseillaise ait eu et puisse encore avoir des interrogations sur ce qui est attendu d’elle. C’est tout le sens du travail fait autour du projet d’administration qui a pour vocation de réaffirmer un certain nombre de principes collectifs et d’objectifs communs et permettre aux 12 000 agents que nous sommes à Marseille de pouvoir accompagner dans de bonnes conditions le projet de la nouvelle majorité.

La crise sanitaire a-t-elle changé le rapport entre le politique et l’opérationnel ?

Je ne sais pas si la crise sanitaire a modifié ces rapports, mais les conséquences de cette crise ont aujourd’hui des répercussions que nous mesurions mal quand, collectivement, nous évoquions le « monde d’après ». Au moment où les élus de Marseille prennent leurs responsabilités en juillet 2020, en plein cœur de la crise sanitaire, avec des besoins sociaux qui explosent, la Ville a la volonté de se repositionner face à ces enjeux inédits et importants. Ne pouvant toujours disposer des outils adéquats, des méthodes voire des budgets nécessaires, les élus marseillais se sont mis à « faire » si j’ose dire, à intervenir sur le terrain (ce qui n’est pas habituel dans une ville de 900 000 habitants), embarquant d’une certaine manière l’administration notamment dans des problématiques de distribution alimentaire, de soutien à des populations fragiles comme les mineurs non accompagnés.

« N’oublions jamais que nous ne sommes là que pour mettre en œuvre l’intérêt général et accompagner les plus éloignés du service public »

Y-a-t-il à Marseille une « méthode » de travail élu/administration et sur quoi repose-t-elle ?

Je ne parlerai pas de méthode mais plus d’échelle et de circonstances. Marseille a bien évidemment une échelle différente des postes que j’ai connus, une double échelle avec une mairie centrale, des mairies de secteur et la question de l’échelle transforme nos métiers. En outre, les élus marseillais pour une grande partie connaissent leur première expérience politique, ce qui provoque parfois des hésitations voire des incompréhensions face au fonctionnement de l’administration… Le travail du DGS est de fluidifier ces relations entre élus et administration.

Une chose est certaine : j’ai un respect absolu du pouvoir des élus et de leur légitimité et j’attends le même respect à leur égard de l’ensemble de l’administration. Je suis également soucieux que la complémentarité des rôles de chacun soit respectée. C’est sur cette différenciation que repose l’équilibre de l’ensemble de nos responsabilités. Enfin, ou plutôt d’abord n’oublions jamais que nous ne sommes là que pour mettre en œuvre l’intérêt général et accompagner les plus éloignés du service public et que la valeur universelle du service public soit respectée à Marseille.

Comment préparez-vous le transfert de compétences de la Métropole vers la Ville, et les conséquences de la loi 3DS ?

Dès la promulgation de la loi, nous avons mis en place à Marseille une organisation qui nous permette de suivre mais aussi d’assumer pleinement les conséquences de la loi 3DS, même si je dois dire que dans sa rédaction actuelle, cette loi n’est pas l’outil juridique qu’attendait le maire de Marseille, dont le souhait n’était ni plus ni moins que de disposer des compétences nécessaires à la bonne gestion de la Ville.

Il s’agit pour certaines de compétences de proximité, qui sont autant de points noirs dans le quotidien des Marseillais, telles que la voirie et la propreté, mais aussi l’entretien et l’aménagement des espaces publics, l’éclairage public, le stationnement comme le tourisme, ou les services d’incendie et de secours.

Nous nous sommes donc dotés d’une organisation, nous avons procédé à des recrutements de haut niveau, avons multiplié les groupes de travail en interne et collégialement avec la Métropole afin d‘identifier les compétences et d’appréhender leur réalité. À titre d’exemple la Ville de Marseille n’exerce plus aucune compétence en matière de voirie depuis 30 ans. Il faut donc anticiper et recenser ce qu’implique de la récupérer, et surtout estimer, avec les partenaires concernés les coûts et les moyens afférents à cette compétence afin de l’exercer de manière satisfaisante.

Nous nous sommes enfin entourés de trois partenaires : un partenaire financier qui nous accompagne sur les coûts de ces transferts, un cabinet juridique qui nous conseille sur ce sujet complexe et notamment sur les transferts de personnel et enfin le Cerema.

Comment Marseille appréhende-t-elle son attractivité en termes d’emploi public ?

Nous avons deux difficultés majeures et qui s’additionnent. La première est celle de l’attractivité de notre territoire. Certains retiendront les sites emblématiques de Marseille, d’autres les faits divers, d’autres l’image d’une ville polluée, d’autres encore le succès de « Plus belle la vie ». À l’instar de cette série qui aujourd’hui s’arrête, il nous faut passer à autre chose, tourner le dos à ces perceptions qui correspondent à des modes de fonctionnement, à des pratiques et aller de l’avant.

La seconde est la difficulté actuelle de recrutement de l’ensemble de la Fonction publique. Il nous faut donc convaincre, proposer des avantages, des éléments de motivation, des solutions (beaucoup de candidats ne trouvent pas à se loger sur Marseille). Une des réponses est d’imaginer sur le territoire une solution collective aux difficultés d’accès à l’emploi public sur le territoire, avec les collectivités (plutôt que de se concurrencer), avec l’État, avec l’APHM, l’université, les bailleurs sociaux et proposer ensemble des parcours originaux, plus gratifiants et intéressants. Nous travaillons collégialement sur ce sujet pour 2023.

Et dans tout ça, qu’est-ce qui vous anime ?

L’intérêt ! Chaque jour, je ne cesse d’apprendre, mon métier est passionnant. Et l’utilité, le sentiment chaque jour de pouvoir me dire, ce que je fais au service du projet politique est utile aux Marseillais et le projet d’administration que nous avons mis en place avec les agents repose sur cette notion fondamentale d‘utilité. Si l’usager est au cœur de nos politiques publiques, rien ne peut se faire sans les agents !

Propos recueillis par Hugues Perinel

 

Interview publiée dans WEKA Le Mag n° 6 – novembre / décembre 2022

 

 

 

 

Notre partenaire

CASDEN Banque Populaire

Créée à l'origine par des enseignants, la CASDEN Banque Populaire est aujourd'hui la banque coopérative de toute la Fonction publique. Proche des valeurs communes à tous les fonctionnaires, elle comprend les besoins de ses sociétaires et s'attache à répondre chaque jour à leurs attentes. Elle propose à plus de 2 millions de sociétaires une offre d’épargne, de crédits et de caution. Elle a noué un partenariat avec les Banques Populaires pour apporter un service bancaire complet et de proximité aux meilleures conditions. Fidèle à ses valeurs de solidarité, équité, confiance, sens du service de proximité et à son esprit coopératif, la CASDEN se positionne comme une véritable entreprise de l’économie sociale.

On vous accompagne

Retrouvez les dernières fiches sur la thématique « Institutions et administration territoriale »

Voir toutes les ressources numériques Institutions et administration territoriale