Quelles conclusions majeures avez-vous pu tirer à l’issue du colloque du 15 juin ?

Lorsqu’on est confronté à un fort taux d’absentéisme, il est nécessaire d’avoir un regard très statistique et de recourir à des professionnels pour analyser les chiffres d’une façon plus approfondie. En d’autres termes, il ne faut pas se contenter des chiffres bruts et d’un taux d’absentéisme global. En effet, il y a de nombreux paramètres et indicateurs à prendre en compte : taux de gravité, fréquence des absences… Chaque situation doit être analysée et il faut se méfier d’éventuelles réactions immédiates qui seraient prises sans analyser le fond. Par ailleurs, il faut souvent parler de la situation de travail en elle-même et aller sur place pour analyser les « irritants » du quotidien. Cela permet d’examiner les conditions de travail de près, afin de se rendre compte de ce qui peut avoir un impact important sur le ressenti d’une équipe, sur son moral et, au final, sur l’absentéisme. C’est ce que font normalement les conseillers en prévention mais ils n’ont pas toujours la capacité d’aller au fond de leur analyse et de remettre en cause certaines pratiques, y compris celles des managers.

Quel est le rôle des managers pour limiter l’absentéisme ?

Les managers de proximité sont de plus en plus happés par d’autres missions, comme le reporting, les relations partenariales ou toute autre demande de la direction des ressources humaines. Et ils ont, potentiellement, moins tendance à se préoccuper de la régulation de l’équipe au quotidien dans tous les mini-arbitrages de la journée, parfois subtils, en matière de procédures notamment. Or, c’est là que leur rôle peut être important pour désamorcer les crises ou régler des situations qui se sont dégradées entre les agents. J’insiste : lors de situations de crise, il faut toujours revenir à l’analyse du travail et à la discussion autour des conflits. Du reste, il ne faut pas fuir les conflits au travail ; il faut au contraire les aborder et comprendre ce qui se cache derrière. Le 15 juin, plusieurs témoignages, de responsables du secteur privé en particulier, ont montré que l’analyse des conditions de travail a pu déboucher sur une réorganisation complète et innovante des procédures au sein des équipes.

La collectivité doit aussi adopter un plan de prévention ?

Oui, c’est un élément important que nous abordons régulièrement au sein de l’ADRHGCT : l’importance de la prévention, pour laquelle les collectivités sont plus ou moins bien équipées, alors qu’elle est primordiale. À ce sujet, Havasu a projeté lors du colloque un petit film sur la construction de la Tour Eiffel, montrant à quel point Gustave Eiffel a mis l’accent sur la sécurité des ouvriers qui sont intervenus sur ce gigantesque chantier et la grande réussite qui en a découlé. Ce qui est intéressant, c’est l’impact de la prévention sur l’efficacité et la productivité. La démarche de prévention est aussi une démarche d’amélioration de la qualité du travail et des résultats. Au-delà de la gestion administrative de l’absentéisme, les collectivités doivent donc avoir une politique de prévention suffisamment développée pour que cela ait un impact sur l’absentéisme. Et il faut toujours renouveler la démarche et réengager des actions. On ne peut pas avoir un plan de prévention et puis l’oublier…

Propos recueillis par Martine Courgnaud – Del Ry

* « Colloque L’absentéisme, on en parle ? », 15 juin 2023, Saint-Denis