Florence Baco-Ambrass, DGS à la mairie de Palaiseau : « Ce qui me paraît déterminant dans la gestion de cette crise, c’est la force du collectif »

Publié le 23 avril 2020 à 8h51 - par

Face à la gestion de la crise sanitaire liée à la propagation du Coronavirus, les collectivités doivent se coordonner pour maintenir une continuité d’activité et protéger les agents. Florence Baco-Ambrass, Directrice Générale des Services à la mairie de Palaiseau, en Essonne, répond à nos questions et nous fait part de son expérience.

Interview de Florence Baco-Ambrass, Directrice Générale des Services de Palaiseau, en Essonne

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Covid-19 : des acteurs publics face à la crise sanitaire
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Quelles sont les premières urgences que vous avez eues à gérer devant la crise du coronavirus, eu égard à votre type de collectivité et au territoire ? Quels sont les services publics essentiels que vous maintenez ?

Interview de Florence Baco-Ambrass, Directrice Générale des Services de Palaiseau, en Essonne

Florence Baco-Ambrass

Il a fallu avant tout et dès février, organiser de façon simple les instances de décisions et de relais des informations, avec des réunions régulières même sans nécessités opérationnelles immédiates. Cela a été déterminant car cela nous a permis d’être plus efficaces dans la gestion de la crise, les réflexes étaient pris, les éléments de communication calés pour transmettre les bonnes informations.

Ensuite, il a fallu protéger les agents et organiser la continuité. De façon plus concrète, nous avons donc identifié les missions essentielles sur la base du PCA revisité en fonction de cette crise sanitaire inédite, mis au domicile les agents fragiles, fourni les équipements de protection adéquats, organiser le télétravail dès lors que cela était possible avec un énorme travail de recensement des besoins et de dotations téléphonique et/ou informatique.

Les missions essentielles identifiées comme devant être maintenues dans le PCA ont été adaptées en fonction des décisions gouvernementales. Ainsi, nous avons ouvert une école et une crèche pour accueillir les enfants des personnels soignants, en lien avec l’Éducation nationale. Les services aux personnes âgées les plus vulnérables (aides à domicile, transport des repas, aide aux courses) ont évidemment continué, voire ont été développés, avec la réactivation de l’appel téléphonique aux personnes inscrites sur le fichier canicule. La sécurité et la salubrité publique sont assurées. Enfin l’État civil est maintenu pour les actes urgents, sur rendez-vous.

Parallèlement, il a été décidé de maintenir au maximum le lien avec les habitants en assurant dans chaque service une permanence téléphonique.

Dans un deuxième temps, nous avons adapté certaines activités en fonction des besoins : distribution alimentaire en complément des associations en difficulté, accompagnement à la scolarité à distance, soutien aux commerçants et aux associations, mise en relation avec la création d’une plateforme de solidarité, par exemple.

À ce stade dans quels domaines considérez-vous que votre organisation était prête à réagir au mieux et ce qu’il faudrait améliorer, voire créer ?

Collectivement, il me semble que l’organisation a tenu son rôle avec une vraie capacité d’adaptation, de réactivité et de prise de responsabilité dans les décisions et les dispositifs mis en œuvre. Nous n’aurions pas pu être prêts en si peu de temps, si nous n’avions pas pu nous reposer sur le professionnalisme de chacun, cadres et agents.

Le fait d’anticiper la crise en créant une cellule de surveillance, qui a suivi la montée en puissance de l’épidémie, a aussi été un facteur déterminant de la bonne gestion de la crise. Pour autant, même si nous avons les uns et les autres, des expériences à faire valoir dans nos collectivités, je pense que nous n’avons pas assez de culture de la gestion de crise, qui reste à formaliser et à transmettre de façon systématique.

Plus localement, cette crise va me conduire à réfléchir différemment à la communication interne et aux liens à développer avec les agents. Le fait de ne pas avoir tout le monde sur le lieu de travail nous a ralenti pour transmettre des informations pourtant essentielles. En la matière, il faut que nous trouvions encore des solutions pour toucher tout le monde directement, rapidement et de façon plus moderne.

Une crise est souvent révélatrice. À ce stade, qu’a-t-elle révélé sur vos forces et vos faiblesses ?

Ce qui me paraît déterminant dans la gestion de cette crise, c’est la force du collectif et notamment du collectif de direction. Le comité de direction a été un acteur fondamental du dispositif. Ses qualités et sa cohésion ont permis la bonne circulation des informations descendantes et ascendantes, le bon dimensionnement et la juste adaptation des mesures prises. L’entraide entre services a été un véritable atout : entre les services support et opérationnels évidemment mais aussi de façon plus globale entre, services plus ou moins impactés, dans la mobilisation des volontaires venus renforcés les équipes dans certaines missions.

L’engagement des agents, attachés à la mission de service public, permet aussi de surmonter tous les obstacles quotidiens et de répondre à l’obligation d’adapter les missions aux besoins des habitants.

Le fait de ne pas avoir mis en place le télétravail auparavant aurait pu grandement nous handicaper. Heureusement, les grèves de l’hiver dernier nous avaient donné l’occasion d’expérimenter à petite échelle au sein de la collectivité. Cela a suffi pour permettre un déploiement rapide dans tous les services susceptibles de travailler à distance. Pour autant, cela reste une révolution dans nos relations professionnelles devant laquelle nous manquons encore de recul. Je reste attentive à l’appropriation de ces modalités nouvelles de travail que ce soit en termes d’accompagnement de la ligne managériale, d’écoute, de soutien aux agents loin les uns des autres, de partage de l’information, ou à la porosité avec la vie personnelle d’autant plus difficile à gérer en mode dégradé.

Beaucoup de citoyens et d’entreprises prennent conscience de l’importance d’un service public qui allie solidarité et efficacité. Quel message souhaiteriez-vous faire passer ?

Tout d’abord, j’espère qu’on n’oubliera pas après cette crise le rôle essentiel des services publics dans la vie de tous. J’espère que le lien de respect et de confiance entre le citoyen et les services publics en sera restauré au niveau national. La société, en son entier, a besoin d’un service public moderne et efficace mais aussi reconnu avec les moyens lui permettant de rendre le service qu’il doit à tous.

En outre, le positionnement des collectivités territoriales dans sa gestion rappelle que le local est une des clefs, il me semble, de la reprise rapide et efficace des activités.

À ce stade, peut-être faut-il avant tout tirer les leçons des difficultés auxquelles nous avons été confrontés dans nos collectivités : les tergiversations étatiques, les informations floues voire contradictoires en fonction des interlocuteurs nous ont sûrement conduits à plus de coopérations inter-collectivités et à plus d’agilité interne.

Toute crise peut être un levier de transformation. C’est l’occasion de nous réinterroger sur nos pratiques professionnelles à revisiter, sur nos liens à recréer, nos procédures à simplifier, nos politiques publiques à réorienter. L’essentiel n’est plus là où on l’a cru depuis des années… Les chantiers, qui s’ouvrent à nous, s’annoncent donc passionnants car ils devront être porteurs d’un nouvel état d’esprit. En fait cette crise nous pousse à voir les choses sous le sceau du bon sens, avec simplicité, souci de proximité et recherche de solidarité.

Propos recueillis par Hugues Perinel


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