Le HCFEA dessine les contours du futur service public de la petite enfance

Publié le 27 mars 2023 à 9h11 - par

Le Haut Conseil de la famille, de l’enfance et de l’âge (HCFEA) préconise de confier les rênes du service public de la petite enfance aux EPCI.

Le HCFEA dessine les contours du futur service public de la petite enfance
© Image par Erich Westendarp de Pixabay

Le Conseil de la famille du Haut Conseil de la famille, de l’enfance et de l’âge (HCFEA) a adopté, le 7 mars 2023, son rapport intitulé « Vers un service public de la petite enfance ».Celui-ci s’attache à définir ce que pourraient être les contours et les missions d’un service public de la petite enfance (SPPE), dont la mise en place a été annoncée à plusieurs reprises par le président de la République. Le Haut Conseil propose une démarche pour avancer vers cet objectif.

Face au constat « morose » établi par le HCFEA – une offre d’accueil du jeune enfant en baisse, couplée à d’importantes inégalités entre territoires -, « il est impératif de mettre en œuvre une politique ambitieuse en faveur de l’accueil du jeune enfant pour développer l’offre, réduire les inégalités territoriales et proposer une place d’accueil à tous les enfants de moins de 3 ans qui en ont besoin. » Selon lui, cette politique doit passer par les orientations suivantes :

  • Poursuivre le développement de places en crèches (EAJE), en visant une plus grande efficacité dans la réduction des inégalités ; cependant les politiques de développement de l’accueil collectif ne suffiront pas à répondre à l’ensemble des besoins, compte tenu du grand nombre de communes dans lesquelles il n’y a pas de crèche ;
  • Il faut donc prendre à bras le corps le problème des assistantes maternelles ; cela suppose d’avancer sur l’attractivité et les conditions d’exercice de la profession, mais aussi d’avoir une politique dynamique d’encouragement au développement des maisons d’assistantes maternelles (MAM) et des relais petite enfance (RPE) ;
  • Lancer une expertise sur la préscolarisation à 2 ans, de manière à la relancer là où elle est susceptible de répondre le mieux aux besoins ;
  • Réformer le congé parental indemnisé (Prepare), en proposant notamment un congé court bien indemnisé ;
  • Mettre en place, à horizon de 10 ans, un service public de la petite enfance (SPPE).

À quoi pourrait ressembler un service public de la petite enfance ?

La mission du SPPE sera de garantir le droit à une place d’accueil à tous les enfants de moins de 3 ans, à un coût abordable pour les familles et comparable sur l’ensemble du territoire, tout en assurant un niveau élevé de qualité quel que soit le mode d’accueil, pose d’emblée le rapport. Ce droit devrait être universel, indépendant de la situation des parents (en emploi ou pas, horaires atypiques, pauvreté ou difficultés sociales…) et de la situation de l’enfant (handicap, maladie chronique, placé…).

Le SPPE poursuit deux objectifs principaux :

  • Permettre aux parents de continuer à travailler ou de reprendre rapidement un emploi après une naissance, de se former ou de chercher un emploi, pour mieux concilier vie familiale et vie professionnelle, favoriser l’égalité entre les femmes et les hommes, soutenir la parentalité et lutter contre la pauvreté ;
  • Favoriser le développement de l’enfant et sa socialisation précoce, dans une ambition d’investissement social et de lutte contre les inégalités sociales.

Au terme de son développement, le service public de la petite enfance devrait offrir quatre fonctions essentielles.

  • Garantir de manière effective l’accès à une offre d’accueil à tous les enfants

Le principe général est que, à terme, tous les enfants de moins de 3 ans ont un droit universel à être accueillis dans le cadre du SPPE. Dans un premier temps, les modalités concrètes de mise en œuvre de ce droit seraient les suivantes :

  • Tous les enfants de moins de 3 ans dont les parents sont actifs (occupés ou en recherche d’emploi) et ceux en difficulté particulière (handicap, pauvreté, parent malade…) ont droit à une place d’accueil à temps plein ;
  • Ceux dont au moins un des parents gardiens ne travaille pas (y compris congé parental) disposent d’une place à temps partiel (l’équivalent d’une ou deux journées par semaine, pouvant être prises sous forme de demi-journées) dans un but de socialisation des enfants et de soutien pour les parents.

Le droit à une place d’accueil pourrait s’appliquer à partir du quatrième mois de l’enfant, suggère le HCFEA.

  • Garantir un niveau optimal de qualité quel que soit le mode d’accueil et le contrôler

Si l’un des objectifs du SPPE est de développer quantitativement l’offre d’accueil sur le territoire, il doit également veiller à garantir un niveau optimal de qualité dans l’ensemble des modes d’accueil. Ce niveau optimal de qualité ne pourra être atteint sans un taux d’encadrement adapté et un nombre suffisant de professionnels bien qualifiés, insiste le rapport. Si la formation initiale des professionnels joue un rôle important dans la détermination du niveau de qualité d’un mode d’accueil, leur formation continue est tout aussi indispensable à l’exercice de leurs fonctions pour prendre soin de l’enfant. Bien qu’avec des spécificités propres, les différents modes d’accueil doivent tendre vers une convergence de leurs normes, afin de bénéficier d’une qualité structurelle équivalente, ajoute le HCFEA.

Parallèlement, le SPPE doit garantir une forme de qualité procédurale, en répondant aux besoins de l’enfant dans son développement, mais aussi aux besoins des familles, en prenant le temps de les soutenir dans leur parentalité. Les temps de réflexion des professionnels sur leurs pratiques, ainsi que les échanges avec les parents, sont une condition sine qua non de cette qualité, complète le Haut Conseil. Enfin, afin d’assurer la sécurité de l’enfant, des objectifs et des principes nationaux prenant davantage en compte son bien-être doivent être clairement définis et contrôlés régulièrement par la PMI, dont l’effectif doit se renforcer, estime le HCFEA.

  • Informer et accompagner les parents

Une fonction importante du SPPE sera d’informer et d’accompagner les parents dans leur recherche d’une solution d’accueil pour leur petit enfant. « Rien n’est en effet plus angoissant, à l’approche d’une naissance, que de ne pas pouvoir se représenter à qui on va confier son bébé et de ne pas savoir où s’adresser et comment procéder pour trouver une solution », pointe le rapport. Les parents doivent être informés sur l’offre de places en accueil formel (individuel et collectif) dans leur commune et les communes environnantes. Ils doivent aussi pouvoir obtenir de l’information sur les tarifs des différents modes d’accueil et l’existence d’aides publiques à l’accueil du jeune enfant (CMG et congés parentaux), et pouvoir obtenir des simulations de niveau de financement pour les différents modes d’accueil. Ils doivent pouvoir trouver un point d’information à distance raisonnable de leur lieu d’habitation où qu’ils vivent sur le territoire. Les relais petite enfance (RPE) pourraient assurer cette mission et avoir pour mission d’orienter et d’accompagner les parents dans leur recherche d’une place en accueil formel correspondant le mieux possible à leur besoin, propose le HCFEA. Pour les parents sans solution d’accueil, un suivi local et un circuit d’accompagnement devraient être mis en place. Outre le RPE, pour les familles en précarité, le service social départemental devrait pouvoir informer les parents, les aider dans les démarches à accomplir et favoriser leur accès à des places en EAJE.

  • Assurer la formation et l’accompagnement des professionnels

Les professionnel(le)s de la petite enfance et les personnes intéressées par le métier d’assistante maternelle doivent pouvoir trouver les informations dont elles ont besoin, et être accompagnées dans leurs démarches (en matière d’agrément, de normes à respecter…). Offrir ces informations relève des missions des RPE, dont il faut densifier le maillage sur l’ensemble du territoire, recommande le rapport. À cela s’ajoutent des améliorations à prévoir sur l’accès des professionnels de la petite enfance à une documentation et des temps de réflexivité professionnelle qui alimentent la qualité de leurs pratiques.

Confier la responsabilité du SPPE aux EPCI

Le HCFEA préconise de confier la responsabilité de la mise en œuvre du SPPE aux établissements publics de coopération intercommunale (EPCI), avec pour objectif que cela devienne une compétence obligatoire. « Si cette responsabilité était attribuée au niveau communal, les petites communes, majoritaires au plan territorial, ne seraient pas en mesure de l’exercer. Cela n’aurait aucun sens d’imposer cette responsabilité aux milliers de petites communes, ni à leurs habitants, à qui aucun service d’accueil ne pourrait souvent être proposé », justifie le Haut Conseil.

Le fait de confier cette responsabilité à l’EPCI peut néanmoins poser problème quand certaines communes se sont fortement investies sur l’accueil du jeune enfant, alors que des communes voisines ne l’ont pas fait, reconnaissent les auteurs du rapport. Ce sera alors aux instances de l’EPCI de gérer ce type de sujets dans le temps, le fait d’intégrer le SPPE dans le champ des responsabilités communes devant à terme conduire à un rapprochement des situations, plaident-ils. Et, parmi les options organisationnelles, reste toujours la possibilité pour l’EPCI de déléguer cette responsabilité à certaines communes qui le composent, indique le rapport. Mais, dans ce cas, « il faudra veiller à conserver l’idée de mutualisation, en permettant aux habitants d’autres communes d’accéder aux équipements présents sur une commune voisine, au même titre que les habitants de celle-ci, avec une participation au financement de la structure de la commune de résidence adaptée. »

Cette idée de compétence obligatoire, avec les responsabilités qu’elle inclut, est néanmoins difficile à mettre en place tant que l’offre n’a pas connu un développement suffisant pour qu’elle puisse être effective sur l’ensemble du territoire, reconnaît encore le HCFEA. Aussi, on pourrait imaginer de s’appuyer sur une autre notion, celle d’« autorité organisatrice de l’accueil du jeune enfant », à l’instar de ce qui existe en matière de transports, propose-t-il.

Faut-il instaurer un droit opposable à une place d’accueil ?

Le HCFEA ne tranche pas la question. En Suède, en Allemagne et au Danemark, le droit à une place d’accueil est opposable, c’est-à-dire que les parents ont la possibilité de faire un recours administratif contre la commune qui ne leur propose pas de place d’accueil. En cas d’absence persistante de proposition, ils peuvent alors recevoir une compensation monétaire, comme se faire rembourser les dépenses d’accueil qu’ils ont dû verser pour un accueil en dehors du service public ou percevoir une indemnité s’ils ont dû diminuer leur temps de travail, voire arrêter complétement leur activité, explique le rapport.

En cas de mise en place à terme d’un tel droit opposable en France, plusieurs points devraient être discutés :

  • Il faut fixer le délai dont le responsable du SPPE dispose pour offrir une place d’accueil. Il faut laisser un peu de temps, mais pas trop, sinon l’enfant n’aura plus besoin d’une place. Ce délai de réponse est de 3 mois au Danemark, 4 mois en Suède et en Allemagne ;
  • Il faut aussi définir la conformité d’une offre au droit. Que se passe-t-il si le responsable du SPPE fait une offre à des parents dans le délai imparti, mais que ces derniers estiment qu’elle ne répond pas à leur besoin, parce qu’elle est trop loin, ou qu’elle ne respecte pas le niveau optimal de qualité garanti par le SPPE, ou trop chère, ou que les horaires proposés ne correspondent pas aux contraintes professionnelles des parents (par exemple horaires atypiques) ? ;
  • Si le responsable du SPPE propose une place chez une assistante maternelle à un prix plus élevé pour les parents qu’une place en EAJE, les parents ont-ils le droit de refuser et de faire un recours administratif ? ;
  • À quelle distance maximale du domicile parental (ou du travail) peut être située la place d’accueil en km ou en minutes de déplacement ? En Allemagne, la place doit être située à moins de 30 minutes ou de 5 km en ville. En Suède, il n’y a pas de critères fixés dans la loi ; la Cour administrative suprême considère que c’est aux communes de fixer les critères.

« Plutôt que de créer à assez bref délai un droit opposable, qui ne pourrait être respecté à court terme dans une majorité de communes compte tenu du décalage entre l’offre disponible et les besoins, la proposition est plutôt de mettre la priorité sur le renforcement de l’offre, en faisant porter la pression sur les EPCI et le bloc communal, pour qu’ils s’engagent dans une démarche active de renforcement de l’offre », conclut le HCFEA.


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