Tour d’horizon des défis et des problématiques auxquels ce secteur est confronté à l’occasion de la sortie, mercredi 18 septembre 2024, du livre-enquête « Les Ogres » de Victor Castanet (Flammarion) consacré aux crèches privées.
Un manque d’attractivité
Faible niveau des salaires, manque de reconnaissance, dégradation des conditions de travail…. Comme d’autres secteurs du travail social et des métiers du soin, celui de la petite enfance souffre d’une profonde crise d’attractivité.
Résultat, de plus en plus de crèches se retrouvent confrontées à des problèmes de sous-effectif avec des manques évalués par la Cnaf, la Caisse nationale d’allocations familiales, à 10 000 professionnels. Et la situation devrait encore s’aggraver. D’ici 2030, plus de la moitié des assistantes maternelles partiront à la retraite, ce qui devrait par ricochet amplifier la pression sur les crèches pour accueillir encore davantage d’enfants.
Dans ce contexte et faute de revalorisation d’ampleur à même d’attirer de nouvelles recrues, l’objectif affiché par le gouvernement de créer 200 000 solutions d’accueil supplémentaires – tous modes de garde confondus – d’ici 2030 est qualifié d’« irréaliste » par les acteurs de terrain.
Un financement kafkaïen
C’est l’un des points sur lequel s’accorde peu ou prou la majorité des acteurs : l’accueil en crèche repose sur un système « socio-fiscal complexe » pour reprendre les termes du Conseil économique social et environnemental (Cese).
Deux subventions publiques existent. D’un côté, la prestation de service unique (PSU), versée par la Caisse d’allocations familiales (CAF) et qui concerne l’ensemble des crèches.
De l’autre, la prestation d’accueil du jeune enfant (Paje) qui ne concerne, elle, que les micro-crèches. Épinglé pour sa complexité, ce mode de financement est décrié par une partie du secteur et des observateurs qui pointent ses « effets pervers ».
Le système de tarification horaire concentre notamment une bonne partie des critiques et aurait, selon ses détracteurs, incité certains acteurs du privé à profiter de certaines failles et à falsifier par exemple les heures de présence des bébés.
Des dérives et une course au remplissage qui ont pu être à l’origine de cas de maltraitances, de burn-out des professionnelles engagées sur le terrain ou encore de non-respect du taux d’encadrement.
Une situation disparate
Si la mort d’un bébé de 11 mois dans une crèche privée à Lyon en 2022 a jeté une lumière crue sur les dysfonctionnements dans certaines structures, la situation est loin d’être homogène sur le territoire.
À l’heure actuelle, la France compte 460 000 places d’accueil en collectif, dont 50 % relèvent des crèches publiques, 27 % des crèches privées (Les Petits Chaperons rouges, Babilou, La Maison Bleue, People & Baby…) et 23 % des crèches associatives.
Au côté de crèches « de grande qualité, portées par une réflexion pédagogique approfondie », on trouve aussi « des établissements de qualité très dégradée », ce qui peut entraîner « des carences dans la sécurisation affective et dans l’éveil » des tout-petits, relevait l’Inspection générale des affaires sociales (Igas) dans son rapport publié après le drame de Lyon.
L’Igas pointait notamment trois problèmes structurels : la faiblesse du taux d’encadrement, la pénurie de professionnels et des contrôles insuffisants dans un secteur privé en pleine expansion.
Un collectif demande un « plan d’urgence » pour la petite enfance
Face à la « détérioration » des conditions d’accueil des tout-petits, un collectif d’associations a réclamé mardi 17 septembre 2024 un « plan d’urgence » pour la petite enfance et la publication d’ici « la fin de l’année » d’une série de décrets, notamment sur le taux d’encadrement. Il « faut que les politiques prennent enfin à bras-le-corps la situation du secteur », a déclaré Julie-Marty Pichon, représentante du collectif « Pas de bébé à la consigne » lors d’une conférence de presse à Paris.
Ce collectif, qui réunit une cinquantaine d’associations et d’organisations du secteur de la petite enfance, demande entre autres la publication « d’ici la fin de l’année » d’un décret portant le taux d’encadrement dans les crèches à un professionnel pour cinq enfants dès 2027 (contre six en moyenne actuellement) et un pour quatre en 2030.
« Pas de bébé à la consigne » demande également à ce que le taux de professionnelles hautement qualifiées (auxiliaires de puériculture, éducatrices de jeunes enfants, puéricultrices, infirmières, psychomotriciennes) dans les structures passe à 60 % contre 40 % actuellement. Il réclame aussi un « plan d’urgence » dédié à la formation initiale et continue des professionnels et des revalorisations salariales plus élevées que « les 100-150 euros mensuels évoqués ».
Copyright © AFP : « Tous droits de reproduction et de représentation réservés ». © Agence France-Presse 2024