Depuis janvier 2018, le premier jour de congé de maladie ordinaire (CMO) n’est plus indemnisé dans la fonction publique. L’Insee a publié mi-juillet une étude sur l’effet de ce « jour de carence » sur les absences pour maladie des personnels de l’Éducation nationale (Insee Analyses, n° 95, juillet 2024).
Dans ce secteur, qui représente environ 16 % des agents publics, cette mesure a entraîné en moyenne une diminution de 23 % de la fréquence des absences et de 5 % du nombre cumulé de jours d’absence pour maladie ordinaire.
« Cet écart s’explique par la diminution forte et significative de l’effet du jour de carence sur le nombre d’arrêts avec la durée de l’arrêt maladie », commente l’auteure de l’étude. Ainsi, l’effet estimé est de :
- – 44 % pour les épisodes d’un jour ;
- – 26 % pour les épisodes de deux jours ;
- – 25 % pour les épisodes de trois jours ;
- – 12 % pour les épisodes de 4 à 7 jours ;
- – 4 % pour les épisodes de 8 à 14 jours ;
- – 1 % pour les épisodes de 15 jours à 3 mois.
Conclusion, cet effet est principalement observé pour les absences de courte durée (moins de sept jours) et n’est pas significatif pour celles de plus de trois mois. Selon l’Insee, ces estimations confirment donc les prédictions théoriques et les résultats de la littérature empirique, qui suggèrent que l’effet de ce type d’incitation diminue avec la durée d’absence. « L’augmentation des jours travaillés à la suite de l’application du jour de carence ne traduit pas nécessairement une réduction des absences qui seraient injustifiées. En effet, l’introduction du jour de carence peut encourager les personnes malades à travailler », ajoute l’auteure de l’étude.
Les femmes et les personnels de l’éducation prioritaire davantage pénalisés financièrement
Les résultats de l’étude de l’Insee montrent que les femmes et les personnels travaillant dans le réseau d’éducation prioritaire réduisent davantage la fréquence de leurs absences lorsque cette mesure est appliquée, par rapport aux hommes et aux autres personnels hors réseau d’éducation prioritaire. Cependant, ces deux populations continuent de présenter un nombre d’épisodes d’absence pour maladie ordinaire plus élevé que les autres catégories de la population et sont donc davantage pénalisées financièrement par l’application du jour de carence. « Ces comportements d’absence peuvent refléter des disparités d’état de santé ou d’exposition à des risques professionnels qui subsistent en présence du jour de carence », avance l’auteure de l’étude.
Pas d’effet significatif à court terme sur la santé
L’application du jour de carence est donc susceptible d’encourager les personnes malades à poursuivre leur activité professionnelle. D’une part, cette situation peut entraîner une détérioration de l’état de santé (aggravation des symptômes, du risque de rechute), ainsi qu’une hausse des dépenses publiques associées. D’autre part, les journées de travail « supplémentaires » générées par l’application du jour de carence pourraient être nettement moins productives que les journées de travail « ordinaires ». La hausse des contaminations sur le lieu de travail, en cas de maladie contagieuse, pourrait notamment provoquer une diminution de la productivité individuelle et collective, explique l’étude.
Les enquêtes Emploi de 2013 à 2019 et l’enquête Conditions de travail de 2016 appariée aux données de l’Assurance maladie sur la période 2012-2017 ont permis à l’Insee d’examiner l’effet du jour de carence sur la santé perçue et le recours aux soins (délivrances de médicaments, visites médicales, hospitalisations). Résultat : la comparaison entre les salariés du secteur public et ceux du secteur privé ne révèle pas d’effet significatif à court terme de cette réforme sur l’état de santé, ainsi que sur les dépenses publiques associées. Toutefois, ces estimations reposent sur des échantillons de taille modérée, ce qui réduit leur précision et signifie qu’il n’est pas possible d’exclure complètement l’existence d’un effet à court terme sur la santé et le recours aux soins, prévient l’Insee.