Projet de loi 4D : le collège des élus du CNEN se prononce défavorablement

Publié le 4 mai 2021 à 14h10 - par

Politique de santé, personnels des collèges et lycées, politique locale de l’eau, cantines scolaires, transfert de routes… Autant de sujets sur lesquels le projet de loi 4D ne répond pas aux attentes des élus locaux en matière de décentralisation et de transferts de compétences, selon le Conseil national de l’évaluation des normes.

Projet de loi 4D : le collège des élus du CNEN se prononce défavorablement

Un texte pas suffisamment à la hauteur des objectifs initialement fixés par le gouvernement, dont l’ambition décentralisatrice est limitée, qui n’évoque pas certains sujets attendus par les collectivités… Le 1er avril 2021, le Conseil national de l’évaluation des normes (CNEN) a donné un avis défavorable* au projet de loi relatif à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale (dit « 4D »). La réforme, portée par la ministre de la Cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, Jacqueline Gourault, fait suite à une longue concertation avec les collectivités, dans le prolongement du Grand débat national et des difficultés rencontrées par les élus dans la gestion de la crise sanitaire. Mais dans sa version actuelle, elle déçoit ces derniers sur de nombreux points : absence de mesures sur le transfert de la médecine scolaire aux départements ou sur la création d’agences départementales de solidarité relevant des conseils départementaux, insuffisance de la consolidation du couple maire-préfet, silence sur la place des maires dans la gouvernance des hôpitaux, recentralisation de la politique de l’eau et déstabilisation des comités de bassin…

Le projet de loi présenté au CNEN par Jacqueline Gourault devait permettre de franchir une nouvelle étape de décentralisation, en clarifiant davantage les compétences entre l’État et les collectivités. Son but : créer un nouveau pacte territorial fondé sur la confiance, en tirant notamment les leçons de la crise sanitaire. Lors de la séance du 1er avril, les représentants des élus ont souligné l’importance de conserver un État fort, davantage concentré sur ses fonctions régaliennes, et à même d’assurer l’équité des territoires grâce à la péréquation. Ils souhaitent une conception des politiques publiques plus partenariale qu’unilatérale, afin de parvenir à un changement structurel de la culture normative, pour rééquilibrer la cohérence nationale et le besoin de proximité tenant compte des spécificités territoriales.

En dépit de certaines avancées (simplification des expérimentations, début de différenciation territoriale avec la Communauté européenne d’Alsace…), les représentants des élus déplorent « une tendance persistante à la verticalité dans la construction de l’ensemble des politiques publiques de la part des administrations centrales ». Les collectivités sont de ce fait de simples opérateurs de l’État, et non des administrations publiques à part entière, disposant d’une libre administration. Le collège des élus a notamment attiré l’attention de la ministre sur la nécessité de ne pas contrer des initiatives locales existantes, par des plans nationaux préétablis par l’État central comme les programmes Cœur de ville, Territoires d’industrie… Le risque : décourager l’innovation publique locale, alors que « des dispositifs construits au niveau local seront toujours plus adaptés qu’un cadre défini exclusivement au niveau national ». En effet, les élus estiment que les projets de texte et les contrats État-collectivités doivent partir d’une approche ascendante dans laquelle ils puissent exprimer leurs besoins (bottum-up). Ce qui n’a pas été le cas, par exemple, pour l’expérimentation du transfert de routes relevant du réseau national non concédé. Sur ce point, le projet de loi 4D introduit même un flou juridique sur la répartition des compétences entre les régions et les départements, ainsi qu’une forme de « désordre normatif ».

Le collège des élus du CNEN « ne peut que constater » que le projet de loi « n’est pas suffisamment à la hauteur des objectifs ambitieux initialement fixés par le gouvernement en lien avec les élus locaux durant la phase de concertation en matière de différenciation, de décentralisation et de déconcentration ». Si la démarche va « globalement dans le bon sens selon une majorité d’élus », le projet de texte ne répond que partiellement aux attentes exprimées par les élus locaux d’aller vers une nouvelle étape de la décentralisation, en particulier en matière de transferts de compétences et n’a, à cet égard, qu’une « ambition décentralisatrice limitée ».

Le ministère va donc poursuivre le travail avec les associations nationales d’élus locaux, avec lesquelles il propose d’élaborer des amendements en commun, pour que le Sénat puisse les adopter en première lecture. Le projet de loi sera présenté au Conseil des ministres à la mi-mai.

Marie Gasnier

* Source : Délibération n° 21-04-01-02483, Séance du 1er avril 2021, Conseil national de l’évaluation des normes (CNEN)


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