Françoise Gatel, sénatrice d’Ille-et-Vilaine, confie son sentiment sur le projet de loi 3DS

Publié le 19 novembre 2021 à 10h44 - par

Le 5 octobre, le Cercle des acteurs territoriaux, a échangé avec Françoise Gatel, sénatrice d’Ille-et-Vilaine, présidente de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation et co-rapporteur du texte sur le projet de loi 3DS (Décentralisation, Différenciation, Déconcentration et Simplification – ex-4D), adopté en première lecture au Sénat le 21 juillet 2021. Décryptage.

Françoise Gatel, sénatrice d'Ille-et-Vilaine, confie son sentiment sur le projet de loi 3DS

Le seul objectif à avoir pour ce projet de loi, c’est l’efficacité. « Confiance et responsabilité ont guidé la réflexion du Sénat et les « D » de la loi ne sont que des outils », explique ainsi la sénatrice qui précise avoir suggéré à la ministre de la Cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, Jacqueline Gourault, d’aller directement à la lettre « E », pour l’efficacité de l’action publique « jusqu’au dernier kilomètre ». Comme l’ont montré la crise sanitaire et celle des gilets jaunes, cette efficacité repose notamment sur le bon fonctionnement du binôme État-collectivités territoriales : sens des responsabilités élevé, relation de confiance, implication de tous les acteurs.

La loi ne doit pas fixer des normes avec un moule unique pour tous mais, au contraire, être un champ des possibles qui donne un cadre à l’État et aux collectivités afin de construire la réponse la plus simple et adaptée. À cet égard, la loi NOTRe qui a, selon Françoise Gatel, « corseté et uniformisé l’intercommunalité », constitue « une sorte d’entrave à la capacité d’agir et à l’efficacité ». Car, au nom même du principe souverain d’égalité, les solutions sont « différentes par nature et par essence » ; pour que chaque territoire accède aux mêmes droits, il convient d’inventer des solutions différentes.

Alors que le Sénat souhaitait redonner du souffle à ce texte « peu ambitieux », son président Gérard Larcher a réuni pendant six mois un groupe de travail. Résultat : cinquante propositions en faveur des libertés locales – des propositions soutenues et approuvées par l’association Territoire unique, qui réunit les départements, les régions et l’Association des Maires de France. Les sénateurs se sont appuyés sur trois principes très simples : une organisation basée sur un principe de subsidiarité (le niveau le mieux placé doit traiter la question) ; qui décide paie ; celui qui a la responsabilité a les moyens.

Interrogée sur la place du renforcement de l’État territorial dans l’élaboration du texte, la sénatrice a rappelé que la « déconcentration » est précisément au cœur de la loi. Les collectivités, partenaires de l’État, doivent assumer un certain nombre de compétences opérationnelles en particulier quand elles partagent avec lui les compétences – les « circuits courts ». Les sujets à traiter doivent trouver des réponses immédiates, mais aux niveaux régional et départemental. Il conviendrait donc de renforcer l’État déconcentré dans les départements mais supprimer le principe d’agences de l’État, « autonomes et qui ne rendent de compte qu’à elles-mêmes ou au ministre ». C’est le préfet qui doit avoir sous son autorité un certain nombre de services. L’échelon régional est trop lointain et recrée une forme de centralisme qui nuit à la réactivité et à l’efficacité. En revanche, dans les territoires où il y a des sous-préfets, la relation directe entre eux et les élus locaux favorise généralement « l’intelligence des réponses et du circuit court ».

Il ne faut pas non plus confondre égalité et uniformité, explique Françoise Gatel car en uniformisant, on centralise et on se prive alors de la capacité de réactivité.

Selon la sénatrice, il faut également introduire de la contractualisation, par le biais d’une « vraie » négociation entre les collectivités et l’État sur des projets et des objectifs. En effet, les élus ont été choisis sur un programme et un projet et l’État n’a pas à leur dire ce qu’ils doivent faire, ce qui est antidémocratique. « Or, dans la fabrique de la loi, il y avait une ingérence sur la liberté des collectivités », poursuit la sénatrice.

Sur la question de l’intercommunalité, elle la considère indispensable et nécessaire, à condition que ce soit dans le respect du principe de subsidiarité et d’efficacité. En effet, l’intercommunalité est un espace de coopération pour faire ensemble ce que l’on ne peut pas faire tout seul. Mieux vaut coopérer que d’intégrer toujours plus, comme certaines métropoles. « J’espère convaincre mes collègues au Sénat sur la loi de finances que nous devrions pouvoir encourager la création de vrais contrats de réciprocité », précise Françoise Gatel. Pour être pérenne, la métropole doit s’ancrer dans un écosystème d’intelligence territoriale qui fait que « l’un sans l’autre, chacun court à sa perte. Il n’y a pas d’avenir dans ce pays s’il n’y a pas d’intelligence entre l’État et les collectivités et s’il n’y a pas d’abord d’intelligence entre collectivités. Il n’y a pas de collectivité supérieure à d’autres. C’est comme un puzzle, et nous avons tous notre pierre à apporter ».

Quant à savoir comment faire pour que la différenciation territoriale ne se transforme pas en concurrence des territoires, Françoise Gatel répond que c’est un sujet de débat au Sénat car certains sénateurs « ne veulent pas en entendre parler ». L’objectif, c’est l’action publique et de permettre « à chacun et à chaque territoire » l’accès à tous les droits ; c’est une obligation de résultat, à laquelle il faut adapter les moyens. « Il n’y aura pas de compétition si la loi fixe un cadre, et il faut fixer un cadre de façon à ce qu’il n’y ait pas de débord. Mettons un cadre, encourageons les gens à travailler ensemble, avec l’État garant de la péréquation », conclut la sénatrice.

Ce texte en procédure accélérée sera examiné par l’Assemblée nationale dans les prochaines semaines.

Marie Gasnier

Sources :


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