Des personnes privées du secteur médico-social peuvent-elles être qualifiées de pouvoir adjudicateur?

Publié le 3 mai 2024 à 14h00 - par

À propos de la demande d’attribution d’aides européennes, le Conseil d’État a rendu un avis sur la qualité de pouvoir adjudicateur au sens du Code de la commande publique des personnes morales de droit privé gestionnaires des établissements et services sociaux et médico-sociaux. La problématique portait plus particulièrement sur l’existence d’un contrôle actif d’un pouvoir adjudicateur sur la gestion de ces organismes permettant de les qualifier de pouvoirs adjudicateurs.

Des personnes privées du secteur médico-social peuvent-elles être qualifiées de pouvoir adjudicateur ?
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Le pouvoir de contrôle d’une autorité publique est un indice déterminant pour la soumission d’une entité au Code de la commande publique

Aux termes de l’article L. 1211-1 du Code de la commande publique : « Les pouvoirs adjudicateurs sont : / 1° Les personnes morales de droit public ; / 2° Les personnes morales de droit privé qui ont été créées pour satisfaire spécifiquement des besoins d’intérêt général ayant un caractère autre qu’industriel ou commercial, dont : / a) Soit l’activité est financée majoritairement par un pouvoir adjudicateur ; / b) Soit la gestion est soumise à un contrôle par un pouvoir adjudicateur ; / c) Soit l’organe d’administration, de direction ou de surveillance est composé de membres dont plus de la moitié sont désignés par un pouvoir adjudicateur ; (…) ».

Ces dispositions ont notamment procédé à la transposition, dans l’ordre juridique interne, de l’article 2 de la directive du Parlement européen et du Conseil du 26 février 2014 sur la passation des marchés publics. Il résulte de ces dispositions, telles qu’éclairées par la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne, notamment l’arrêt du 3 février 2021, Federazione Italiana Giuoco Calcio (C-155/19 et C-156/19), que la gestion d’une personne morale de droit privé est regardée comme soumise à un contrôle par un pouvoir adjudicateur lorsqu’une autorité publique exerce un contrôle actif de sa gestion qui, dans les faits, remet en cause son autonomie, au point de permettre à cette autorité d’influencer ses décisions en matière d’attribution de marchés. Ce contrôle doit être de nature à créer une situation de dépendance à l’égard de l’autorité publique, équivalente à celle qui existe lorsque l’activité de la personne morale de droit privé est financée majoritairement par un pouvoir adjudicateur ou lorsque son organe d’administration, de direction ou de surveillance est composé de membres dont plus de la moitié sont désignés par un pouvoir adjudicateur. Le fait que l’autorité publique puisse imposer un profil de gestion déterminé est un indice de l’existence d’un tel contrôle, ainsi qu’il résulte de l’arrêt de la Cour de justice du 1er février 2001, Commission c. France (C-237/99). En revanche, en principe, un contrôle, a posteriori, de la régularité de l’activité de la personne morale de droit privé par l’autorité publique de tutelle ne s’apparente pas à un contrôle de sa gestion.

Les gestionnaires de droit privé des établissements et services sociaux et médico-sociaux ne sont pas des pouvoirs adjudicateurs au sens du Code de la commande publique

Les personnes morales de droit privé gestionnaires des établissements et services sociaux et médico-sociaux énumérés à l’article L. 312-1 du Code de l’action sociale et des familles (CASF), y compris les organismes à but lucratif, ne sont soumises qu’à un contrôle de régularité, y compris lorsqu’est en cause, s’agissant des établissements à but non lucratif, des dysfonctionnements dans leur gestion financière. Si certains de ces contrôles, en matière de garantie d’emprunt et de programmes d’investissements, sont exercés a priori, ils sont destinés à garantir le respect de la réglementation tarifaire et n’ont, pas davantage que les autres contrôles, pour objet ou pour effet de remettre en cause l’autonomie de gestion de ces personnes privées. Les établissements et services sociaux et médico-sociaux ne sont ainsi pas soumis, du fait de ces dispositions, à un contrôle actif de leur gestion permettant aux autorités publiques d’influencer leurs décisions en matière d’attribution de marchés. Le contrôle exercé par l’administration sur ces organismes n’est pas de nature à créer une situation de dépendance à l’égard de l’autorité publique, équivalente à celle qui existe notamment lorsque l’organe de direction de la personne morale de droit privé est composé de membres dont plus de la moitié sont désignés par un pouvoir adjudicateur. Les gestionnaires de droit privé des établissements et services sociaux et médico-sociaux ne sauraient dès lors être regardés comme un pouvoir adjudicateur au sens du b du 2° de l’article L. 1211-1 du Code de la commande publique.

Texte de référence : Conseil d’État, 7e – 2e chambres réunies, 11 avril 2024, n° 489440


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