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Les collectivités locales et l’application de la loi Egalim

Publié le 28 octobre 2019 à 7h14 - par

La loi Egalim a fixé pour 2022 des objectifs aux collectivités territoriales et à leurs établissements publics non seulement pour améliorer la qualité et favoriser la distribution de produits locaux et bios dans les restaurants collectifs scolaires, mais également pour lutter contre le gaspillage et contribuer à l’aide alimentaire. Le point sur ces dispositions.

Les collectivités locales et l'application de la loi Egalim

Promulguée le 1er novembre 2018, la loi pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous (dite Egalim) vise à l’amélioration de la santé des consommateurs, à travers notamment une moindre exposition aux résidus de pesticides, l’approvisionnement en produits acquis en prenant en compte le coût du cycle de vie du produit. Elle vise également à dynamiser les territoires et à ancrer localement l’alimentation et l’agriculture afin de favoriser le développement économique des collectivités .

L’étude d’impact, adoptée en amont du dépôt de projet de la loi Egalim, soulignait les enjeux financiers pour atteindre ce double objectif pour les collectivités territoriales et leurs établissements publics : « l’impact principal renvoie au surcoût d’approvisionnement des denrées dans les établissements dont les collectivités territoriales ont la charge, quel que soit le mode de gestion de la restauration collective par les personnes morales de droit public, et principalement dans les établissements scolaires ». Les élus craignent un surcoût important pour les collectivités territoriales. Un temps sera également nécessaire aux restaurants collectifs et aux collectivités territoriales pour atteindre cet objectif, car dans certaines parties du territoire les filières sont encore insuffisamment organisées et il y a un risque de favoriser les produits bios d’importation et non les filières françaises.

La loi Egalim a posé un cadre avec des objectifs à atteindre, tout en renvoyant à des décrets et à des ordonnances le soin de préciser les moyens pour les collectivités territoriales et leurs établissements publics d’atteindre leurs objectifs. En 2019, le ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation a pris plusieurs décrets et une ordonnance pour permettre aux collectivités territoriales et à leurs établissements publics d’atteindre leurs objectifs en matière de restauration collective (1) et de lutte contre le gaspillage alimentaire (2).

1. Les objectifs en matière de restauration collective

En premier lieu, l’article 24 de la loi Egalim a fixé comme objectif pour les restaurants collectifs de distribuer 50 % de produits issus de l’agriculture biologique, sous signe de qualité ou locaux à l’horizon 2022, dont au moins 20 % de bio. De plus, à compter du 1er novembre 2019, ledit article prévoit l’expérimentation par les gestionnaires, publics ou privés, des services de restauration collective scolaire du menu végétarien au moins une fois par semaine. Cette expérimentation fera l’objet d’une évaluation, notamment de son impact sur le gaspillage alimentaire, sur les taux de fréquentation et sur le coût des repas. Le rapport sera transmis au Parlement au plus tard six mois avant le terme de l’expérimentation qui durera deux ans, soit jusqu’au 1er novembre 2021.

En second lieu, pour l’application générale de l’article 24 au 1er janvier 2022, le décret n° 2019-351 du 23 avril 2019 relatif à la composition des repas servis dans les restaurants collectifs détaille les catégories de produits pouvant entrer dans le décompte des objectifs quantitatifs d’approvisionnement en denrées alimentaires de qualité et durables fixés pour les restaurants collectifs et les modalités de suivi et de mise en œuvre de ces objectifs. Ce décret entrera en vigueur au 1er janvier 2022. Le décret indique que les proportions de 50 % et 20 % de produits correspondent à leur valeur d’achat hors taxe rapportée à la valeur d’achat totale hors taxe des produits destinés à entrer dans la composition des repas servis pour chaque restaurant collectif, appréciés sur une année civile. Le décret précise que la prise en compte des coûts imputés aux externalités environnementales liées aux produits pendant son cycle de vie sont les modalités prévues au 2° de l’article R. 2152-9 du Code de la commande publique (les coûts d’acquisition, de consommation d’énergie ou d’autres ressources, les frais de maintenance, de collecte ou de recyclage, les externalités environnementales, etc.) et au deuxième alinéa de l’article R. 2152-10 du même Code (méthode de calcul). Pour les personnes morales de droit public la pondération de ce critère parmi les critères de choix de l’offre économiquement la plus avantageuse sera fixée entre 10 % et 30 % par arrêté ministériel ultérieur. Le décret définit les signes et mentions pris en compte : ce sont le label rouge, l’appellation d’origine, l’indication géographique, la spécialité traditionnelle garantie, les mentions fermières, la mention « issus d’une exploitation de haute valeur environnementale » et, jusqu’au 31 décembre 2029, la certification environnementale de deuxième niveau mentionnée à l’article D. 617-3 du Code rural et de la pêche marine. Le décret prévoit enfin qu’un bilan statistique soit établi annuellement au 31 mars de l’année n+1. L’article 24 a créé un article L. 230-5-5 du Code rural et de la pêche maritime portant création du comité régional pour l’alimentation chargée de la concertation sur l’approvisionnement de la restauration collective. Le décret n° 2019-313 du 12 avril 2019 relatif au comité régional de l’alimentation fixe sa composition : représentants des administrations intéressées, des collectivités territoriales intéressées, des établissements publics et notamment de l’agence régionale de santé et des chambres consulaires intéressés, des organisations professionnelles des secteurs agricole, agro-alimentaire et alimentaire, des associations dont l’objet est lié à la politique de l’alimentation et des personnalités qualifiées. Il devra se réunir au moins une fois par an.

En troisième lieu, l’article 26 de la loi Egalim prévoit qu’à titre expérimental, pour une durée de trois ans à compter de la promulgation de la présente loi, l’État autorise les collectivités territoriales qui le demandent à rendre obligatoire l’affichage de la composition des menus dans les services de restauration collective dont elles ont la charge. Le décret n° 2019-325 du 15 avril 2019 précise les modalités d’application de l’article 26 avec une expérimentation jusqu’au 30 octobre 2021. Toute collectivité qui souhaite participer à l’expérimentation en informe le préfet et, dans les six mois suivant la fin de l’expérimentation, elle lui en transmet une évaluation, qui sera transmise par le préfet au comité régional de l’alimentation. Cependant l’expérimentation existe dans les faits car certaines collectivités locales ont déjà mis en pratique une telle substitution. Les collectivités devront mentionner la catégorie de produits mentionnée à l’article L. 230-5-1 du Code rural et de la pêche maritime, dont les produits relèvent. Facultativement, le fournisseur, le lieu de production, le mode de transformation, les informations nutritionnelles, la mention « fait maison » ou toute autre mention peut être affichée.

En dernier lieu, l’article 28 de la loi Egalim interdit différents ustensiles en plastique à échéances 2020 et 2025. La loi interdit également les contenants alimentaires de cuisson, de réchauffe en matière plastique dans les services de restauration collective des établissements scolaires et universitaires et des établissements d’accueil des enfants de moins de six ans plastiques, à compter de 2025. Cette obligation sera applicable dans les collectivités territoriales de moins de 2 000 habitants en 2028. Les bouteilles d’eau plate en plastique et touillettes en plastique sont interdites à compter de 2020 dans le cadre des services de restauration collective scolaire hors services situés sur des territoires non desservis par un réseau d’eau potable.

2. Les objectifs de lutte contre le gaspillage et l’aide alimentaire

En premier lieu, l’article 29 de la loi Egalim indique que les acteurs de la restauration collective seront par ailleurs tenus d’informer leurs usagers sur « le respect de la qualité alimentaire et nutritionnelle des repas servis ». Le gaspillage alimentaire fera l’objet d’un rapport avant 2022. Jusqu’en 2022, l’article 88-II de la loi Egalim dispose que les opérateurs de la restauration collective se verront « imposer la réalisation d’un diagnostic préalable à la démarche de lutte contre le gaspillage alimentaire incluant l’approvisionnement durable » et « de rendre publics leurs engagement ». Avant même la publication de l’ordonnance, les gestionnaires de restaurants scolaires ont dû procéder à « un état des lieux du gaspillage alimentaire », en lien avec l’information et l’éducation déjà mises en œuvre pour limiter le gaspillage.

En second lieu, l’ordonnance du 21 octobre 2019 étend à l’ensemble des opérateurs de la restauration collective privée des obligations prévues à l’article L. 541-15-3 du Code de l’environnement en matière de lutte contre le gaspillage alimentaire, déjà imposées à l’État, aux établissements publics et aux collectivités territoriales pour les services de restauration collective dont ils ont la charge. La mise en place de la lutte contre le gaspillage alimentaire interviendra obligatoirement après la réalisation d’un diagnostic préalable, incluant l’approvisionnement durable en denrées alimentaires. Cette mesure ne sera en vigueur que dans un délai d’un an à compter de la publication de l’ordonnance, pour les opérateurs de la restauration collective qui ne sont pas engagés dans une démarche de lutte contre le gaspillage alimentaire. Ces opérateurs devront rendre publics leurs engagements en faveur de la lutte contre le gaspillage alimentaire à compter du 1er janvier 2020. L’ordonnance du 21 octobre 2019 étend également à l’ensemble des opérateurs de la restauration collective et de l’industrie agroalimentaire des dispositions prévues actuellement à l’article L. 541-15-5 du même Code, relatives à l’interdiction de rendre les invendus alimentaires encore consommables impropres à la consommation, s’appliquant déjà aux distributeurs du secteur alimentaire. Elle prévoit de nouvelles sanctions en ce domaine. L’ordonnance du 21 octobre 2019 étend enfin aux opérateurs de la restauration collective préparant plus de 3 000 repas par jour et à ceux de l’industrie agroalimentaire réalisant un chiffre d’affaires annuel supérieur à 50 millions d’euros les dispositions prévues à l’article L. 541-15-6 du même Code concernant les obligations relatives aux modalités de cession des denrées alimentaires (obligation de proposer une convention aux associations habilitées d’aide alimentaire pour le don de denrées consommables et non vendues). Ils devront proposer une convention de don au plus tard un an après la publication de l’ordonnance.

En dernier lieu, les collectivités et les centres communaux d’action sociale, aux côtés de l’État, des entreprises et des associations, seront également davantage mobilisés sur l’aide alimentaire. Néanmoins le décret d’application pris en Conseil d’État est encore attendu.

Dominique Volut, Avocat au barreau de Paris, Docteur en droit public

Auteur :

Dominique Volut

Dominique Volut

Avocat au barreau de Paris, Docteur en droit public


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