Fautes disciplinaires : caractéristiques et manquements

Publié le 31 mai 2012 à 14h53 - par

Selon la nature des obligations auxquelles sont soumis les fonctionnaires, l’administration dispose de mesures de nature très différente pour sanctionner les manquements à ces obligations. La catégorie la plus importante comprend des manquements fautifs à des obligations professionnelles que les intéressés sont tenus de respecter. Ces manquements étant qualifiés de fautes disciplinaires, les mesures, qui sanctionnent ces manquements, sont les sanctions disciplinaires.

Il convient donc de distinguer les manquements qui ont le caractère de fautes professionnelles, à savoir des manquements à la déontologie, c’est-à-dire à ce que le fonctionnaire « doit » faire ou ne pas faire, les « manquements aux obligations de la fonction », pour reprendre la formule classique de la jurisprudence, et les manquements à des obligations à caractère moral, à ce que l’on désigne généralement comme des manquements à l’éthique professionnelle, qui ne peuvent pas être censurés comme des fautes professionnelles, mais dont l’administration peut tenir compte pour, par exemple, la notation et la promotion des intéressés.

On peut citer, pour illustrer ce point, le cas du fonctionnaire qui ne fait pas ou fait mal son travail, et celui qui fait tout juste ce qu’il lui est demandé de faire, sans aller au-delà. Mais, pour poursuivre cet exemple, le fait de ne pas faire ou de mal faire son travail n’est pas nécessairement une faute justifiant une sanction professionnelle. Tel n’est pas le cas notamment si le fonctionnaire souffre de troubles physiques ou mentaux, ou si son comportement révèle une insuffisance professionnelle dont il ne peut être rendu responsable.

En outre, il y a d’autres fautes qui correspondent à des infractions définies par des textes qui n’ont pas pour objet d’édicter des règles professionnelles mais de sanctionner des comportements socialement répréhensibles par des peines différentes des sanctions professionnelles. C’est le cas des fautes pénales, mais les fautes pénales ont en principe également le caractère de fautes professionnelles disciplinairement sanctionnables.

En effet, la loi du 13 juillet 1983, qui constitue le titre 1er du statut général des fonctionnaires et s’applique aux trois fonctions publiques, la fonction publique de l’État, la fonction publique territoriale et la fonction publique hospitalière, dispose en son article 29 : « Toute faute commise par un fonctionnaire dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de ses fonctions l’expose à une sanction disciplinaire sans préjudice, le cas échéant, des peines prévues par la loi pénale ». S’agissant des mêmes faits répréhensibles, les poursuites pénales et les poursuites disciplinaires sont engagées de manière indépendante. Enfin, il y a des fautes qui correspondent à des manquements à des obligations précises définies dans des textes particuliers et qui sont distinctes des fautes disciplinaires. Ce sont, par exemple, les fautes sanctionnées par la Cour de discipline budgétaire et financière.

Les caractéristiques des fautes disciplinaires


L’absence d’incrimination précise

La caractéristique principale des fautes disciplinaires est qu’il n’existe pas d’incrimination précise, c’est-à-dire de définition des actes qui auraient le caractère de fautes disciplinaires. C’est la différence essentielle avec les fautes pénales, qui ne peuvent être sanctionnées que si un texte – législatif pour les crimes et délits, réglementaire pour les contraventions – en a donné une définition. Pour ces fautes pénales, on applique le principe nullum crimen sine lege, c’est-à-dire il n’y a pas d’infraction sans texte.

Par ailleurs, les textes pénaux précisent la nature des sanctions dont sont passibles ceux qui commettent de telles fautes. Assurément, certains textes de la fonction publique énumèrent des fautes de nature à entraîner des sanctions disciplinaires.

C’est, en ce qui concerne le statut général, le cas des articles 25 à 29 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires. C’est également le cas de textes particuliers, comme par exemple le décret du 18 mars 1986 portant Code de déontologie de la police nationale, ou du décret n° 2003-735 du 1er août 2003 portant Code de déontologie des agents de police municipale. Mais ces documents n’énumèrent qu’un nombre réduit de fautes, et de telles énumérations ont essentiellement pour but de donner des exemples, qui n’ont rien de limitatif, des principales fautes à ne pas commettre. De plus, ils n’assortissent ces fautes d’aucune sanction déterminée. C’est à l’autorité disciplinaire, sous le contrôle du juge administratif, qu’il appartiendra de décider si les agissements reprochés au fonctionnaire ont le caractère de faute disciplinaire, et de qualifier ainsi, la nature de ces agissements.

L’absence de définition limitative des fautes disciplinaires n’implique nullement que de telles fautes seraient qualifiées comme telles de manière arbitraire par l’autorité disciplinaire. De toute manière, le juge administratif contrôle la qualification de faute disciplinaire donnée par l’administration aux agissements qu’elle a sanctionnés, et ce faisant, se réfère aux obligations des fonctionnaires.

La référence possible à l’ensemble du comportement professionnel du fonctionnaire

En matière disciplinaire, plusieurs faits de nature différente peuvent être pris en compte pour une même sanction. Il a même été admis que l’autorité disciplinaire puisse saisir le conseil de discipline d’un seul grief, et que le conseil, prenant connaissance de l’ensemble du dossier de l’agent, tienne compte, dans son avis, d’autres éléments, dès lors que l’agent a été mis à même de s’expliquer sur ces autres éléments (CE, 8 octobre 1990, ville de Toulouse).

L’autorité compétente, pour prononcer une sanction disciplinaire, peut ainsi ne pas se limiter aux seuls faits dont elle a été saisie, mais peut prendre en compte l’ensemble du comportement de l’agent. L’autorité compétente peut notamment tenir compte de faits intervenus en dehors du service, essentiellement dès lors que ces faits sont de nature à jeter la déconsidération sur l’administration. Toutefois, certains autres actes commis en dehors du service peuvent également justifier des sanctions. C’est ce que l’on appelle la saisine in personam, alors que le juge pénal est saisi in rem, c’est-à-dire des seuls faits qui lui ont été déférés.

L’autorité compétente prend ainsi en considération non pas seulement tel ou tel fait isolé imputable à l’agent, mais un ensemble d’attitudes ou de faits, un « comportement général ». Cette possibilité peut au demeurant jouer en sens inverse, car il a été jugé que l’instance disciplinaire d’appel peut, sans entacher son avis d’une erreur manifeste d’appréciation, « tenir compte de tous les efforts, même postérieurs à la sanction, accomplis par l’intéressé pour améliorer son comportement » (CE, 20 décembre 1985, Centre hospitalier Auban-Moët d’Épernay). Il faut signaler que si les fonctionnaires bénéficient de la protection de l’administration contre les menaces, diffamations, outrages dont ils pourraient être victimes à l’occasion de l’exercice de leurs fonctions (actuellement par l’article 11 de la loi du 13 juillet 1983), cette circonstance ne fait pas obstacle à ce que l’administration puisse sanctionner les fautes disciplinaires qui lui sont dénoncées par des tiers (CE, 28 octobre 1970, Delande).

La responsabilité de l’agent dans les manquements reprochés

La faute disciplinaire est en principe appréciée objectivement, et son auteur ne peut notamment pas invoquer son irresponsabilité disciplinaire en se prévalant de sa bonne foi (CE, Section, 18 novembre 1966), ni de la contrainte, sauf si elle a eu un caractère irrésistible (CE, 11 février 1949).

Toutefois, dans certains cas, le fonctionnaire peut manquer à ses obligations, comme par exemple ne pas exécuter ses fonctions ou mal les exécuter, mais ces manquements ne sont pas assimilés à des fautes, car l’intéressé ne peut en être regardé comme responsable. C’est le cas des agissements dus à des troubles physiques ou mentaux. Mais si l’état pathologique est imputable à l’intéressé lui-même (éthylisme), les agissements peuvent être regardés, comme fautifs (CE, 22 juin 1962, ministre des Finances c/Pimounet, CE, 22 décembre 1965, Vialle, Rec.).

C’est aussi le cas de l’insuffisance professionnelle. La jurisprudence a annulé à de nombreuses reprises des sanctions infligées pour motifs disciplinaires, au motif que dans les circonstances de l’affaire il s’agissait d’une incapacité de l’agent, et non d’une mauvaise volonté de sa part. Il n’y avait ainsi pas de faute disciplinaire. Une mauvaise organisation du travail relève de l’insuffisance professionnelle et non de la discipline (CE, 28 février 1962). Mais il a été, jugé qu’un licenciement pour insuffisance professionnelle qui était en réalité fondé sur des motifs disciplinaires était illégal (CE, 27 octobre 1987 ; CE, 16 octobre 1992, Chambre d’agriculture des Ardennes). Néanmoins, cette jurisprudence, fondée sur la circonstance que de telles mesures n’auraient pu être prononcées qu’en respectant la procédure disciplinaire, semble moins justifiée sur le plan des principes dès lors qu’un licenciement pour insuffisance professionnelle ne peut plus désormais intervenir qu’après observation de la procédure disciplinaire.

Par ailleurs, il a été également jugé que pour prendre une décision de mutation ou même de licenciement pour insuffisance professionnelle, qui n’a pas le caractère de sanction disciplinaire, l’autorité administrative peut se fonder sur l’ensemble de la manière de servir de l’agent, en retenant des faits qui en eux-mêmes constitueraient des fautes disciplinaires (CE, 19 février 1954).


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