L’absence d’émissions de bons de commande remet-elle en cause la validité d’un accord-cadre ?

Publié le 16 février 2024 à 10h45 - par

Par principe, et selon le Code de la commande publique, lorsque l’accord-cadre fixe toutes les stipulations contractuelles, il est exécuté au fur et à mesure de l’émission de bons de commande.

L'absence d'émissions de bons de commande remet-elle en cause la validité d'un accord-cadre ?
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Le Code stipule, au niveau du formalisme, que « les bons de commande sont des documents écrits adressés aux titulaires de l’accord-cadre qui précisent celles des prestations, décrites dans l’accord-cadre, dont l’exécution est demandée et en déterminent la quantité » (article R. 2162-13 du CCP). Dans une décision du 16 janvier 2024, le juge d’appel de Paris est venu préciser l’incidence et les conséquences sur l’existence même du contrat en l’absence de bons de commande émis.

L’accord de l’acheteur peut valoir bon de commande

En l’espèce, l’accord-cadre à bons de commande avait pour objet de désigner un mandataire chargé de participer aux opérations de sélection, de réalisation et d’implantation d’œuvres d’art. Dans le cadre de l’exécution du contrat, six œuvres avaient été choisies et réalisées sans bons de commande. Ces œuvres, préalablement validées par le jury, ont toutes été réalisées avec l’accord de la commune. En conséquence, selon le juge administratif, « l’absence de bons de commande n’a donc pas empêché les parties, dans une commune intention, de poursuivre l’exécution du marché en litige ». Ainsi, l’absence de bons de commande n’a eu aucune incidence sur l’existence même du contrat, de sorte que l’interruption prématurée de trois des six commandes, ne saurait être regardée comme ayant eu pour effet de le résilier. Par conséquent, la responsabilité contractuelle de la commune est seule susceptible d’être engagée pour la faute qu’elle a commise en interrompant prématurément ces trois commandes sans autre motif que l’absence de bons, dont l’émission pourtant lui incombait.

Un préjudice indemnisable qui doit être prouvé

En premier lieu, selon la société titulaire de l’accord-cadre, les frais de garde et de conservation, qu’elle disait avoir engagés, relatifs aux trois œuvres dont la commande a été interrompue, résultaient directement de la faute contractuelle commise par la commune en refusant illégalement de les réceptionner. Toutefois, en se bornant à produire des tableaux analytiques sans y joindre la moindre facture, ni fournir la moindre explication sur les conditions de garde et de conservation, la société n’établit pas la réalité du préjudice, dont elle entend se prévaloir. La société soutenait également que du fait de l’interruption des trois commandes, elle n’avait pas perçu la rémunération, qu’elle chiffrait à 153 755,22 euros. Toutefois, à supposer qu’elle n’ait pas été déjà rémunérée, en se bornant à produire des tableaux analytiques par œuvre, sans aucune facture, l’appelante n’établit pas la réalité de leur coût respectif, sur lequel pourtant cette rémunération devait être calculée. Sa demande doit donc être écartée. Enfin, en acceptant d’exécuter des prestations sans bons de commande, la société titulaire a participé au climat d’incertitude dans lequel elle dit s’être trouvée. Par suite, elle n’est pas fondée à demander l’indemnisation, à hauteur de 20 000 euros, du préjudice moral qui aurait résulté pour elle de l’interruption prématurée des commandes.

Texte de référence : CAA de Paris, 6e chambre, 16 janvier 2024, n° 22PA02804, Inédit au recueil Lebon