Comme c’est classique à deux ans de la fin d’un mandat municipal, les investissements des collectivités locales sont « toujours dynamiques », selon la Note de conjoncture 2024, publiée par La Banque Postale le 25 septembre 2024. Ils devraient progresser de 7 % (après + 7,5 % en 2023) sauf pour les départements où ils diminueraient de – 1 %, (après – 5,4 % en 2023). Soit un besoin de financement global de 13,8 milliards d’euros. Il serait financé à hauteur de 5,8 milliards d’euros par un accroissement de l’endettement correspondant à une hausse de l’encours de dette de 2,8 %, et un prélèvement important sur le fonds de roulement : 8 milliards d’euros dont 3,5 milliards d’euros pour le bloc communal. Outre cette augmentation du recours à l’emprunt en dépit de la remontée des taux d’intérêt, pour la seconde année consécutive, les collectivités sont donc contraintes de piocher dans leur trésorerie pour financer l’investissement, qui ne devrait pas baisser en 2025.
À l’occasion de la présentation de la Note de conjoncture, le directeur des études de La Banque Postale, Luc Alain Vervisch, est revenu longuement sur la « polémique relative au dérapage des dépenses locales ». « Ce n’est pas un dérapage car on aurait quitté la trajectoire de façon imprévue, c’est plutôt que la trajectoire était un peu optimiste, ce qu’avait laissé entendre le Haut Conseil des finances publiques… » Il y aurait en revanche, selon lui, une aggravation du déficit public « au sens européen », c’est-à-dire « plutôt une augmentation du besoin de financement des administrations publiques ». Le niveau 2024, de l’ordre de 13 milliards d’euros, est inédit depuis la décentralisation, de l’ordre de 0,4 à 0,5 points de PIB, soit plus de deux fois plus qu’en 2023. « Mais en réalité, il n’y a pas de déficit comptable. Certes, les collectivités sont en besoin de financement mais de façon sécurisée, puisqu’elles ne peuvent emprunter que pour investir », a poursuivi Luc Alain Vervisch. Le directeur des études de La Banque Postale se demande si on peut « assimiler une dette pour de l’investissement à une dette tout court ». Il note également que l’Insee intègre dans les administrations publiques locales certains organismes qui portent des projets de l’État (Société des grands projets, Société de livraison des ouvrages olympiques, Société du canal Seine-Nord) « dont on peut se demander s’ils ont légitimité à être intégrés dans le déficit public des administrations publiques locales ».
En 2024, l’autofinancement devrait diminuer dans toutes les catégories de collectivités (- 8,7 %), notamment pour les départements et dans une moindre mesure pour les groupements à fiscalité propre. L’épargne brute du bloc communal devrait être en repli de 4,4 %. « On prévoit pour 2024 une diminution de l’autofinancement pour l’ensemble des collectivités locales, lié à l’effet de ciseau », a précisé Luc Alain Vervisch. C’est-à-dire que les dépenses courantes ont augmenté plus vite (+ 4,4 %) que les recettes courantes (+ 2,3 %). « D’où une baisse des marges de manœuvre qui existaient lors du mandat précédent et qui n’existent plus ». Le tout intervient dans un contexte difficile : situation économique dégradée, nécessité de redresser les comptes publics et quasi-absence d’informations sur ce que pourrait être le projet de loi de finances pour 2025, en raison du contexte politique – contrairement aux années précédentes. C’est donc la première fois que la Banque Postale n’envisage pas les perspectives de proche avenir.
Croissance de la TVA inférieure aux prévisions
Le directeur des études pointe également un ralentissement des dépenses de financement qui n’est pas à la hauteur des espérances de la loi de programmation des finances publiques, en partie parce que l’inflation continue à avoir des effets sur les budgets locaux, notamment sur la masse salariale. « En matière de dépenses courantes, même si l’inflation des dépenses d’énergie est derrière nous, un certain nombre de collectivités rattrapent en 2024 les dépenses qu’elles n’avaient pas pu effectuer en 2022 et 2023 ». Quant aux recettes de fonctionnement, elles évoluent moins vite (3 % en moyenne) que l’an dernier, pour trois raisons : ralentissement de la croissance de la taxe foncière, nouvelle diminution des droits de mutation à titre onéreux (DMTO) (estimée à 17 % en 2024 après 22 % en 2023), et croissance de la TVA inférieure à ce qui était prévu il y a un an, d’après les premiers chiffres communiqués par l’État aux auteurs de l’étude. La TVA est « devenue le premier impôt local », d’où un enjeu sur l’équilibre des comptes. Elle fait l’objet de deux régularisations ou une en cours d’année lorsque le projet de loi de finances (PLF) est publié et l’autre au début de l’année suivante quand les montants définitifs sont connus. La Banque Postale estime que la croissance du produit de TVA encaissé sera relativement faible, environ moins de 2 %.
La Note de conjoncture propose aussi, pour la première fois, une analyse des dépenses des collectivités au bénéfice des politiques publiques (211 milliards d’euros), entre 2015 et 2023.
Martine Courgnaud – Del Ry